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Red Star FC

Christian, maître-grilladin de Bauer

Après l'Olympic, le barbecue de Bauer est l'autre spot emblématique de la graille made in Red Star. Il est tenu par l'expérimenté Christian, déjà titulaire lors de France 98 et défenseur intraitable de la merguez frites.
Photo : Guillaume Blot

VICE et le Red Star se sont associés pour vous faire vivre de l’intérieur la saison des Vert et Blanc de Saint-Ouen. Nous serons présents sur les terrains et dans les vestiaires, auprès des joueurs, du staff, des supporters et de tous ceux qui gravitent autour de ce club historique du foot français. Aujourd'hui, on vous présente une figure incontournable de Bauer.


« J’ai été recruté ici à l’intersaison. Avant je régalais Jean Bouin. » Nul doute que Christian Knecht aurait mérité un paragraphe dans Foot Mercato l’été dernier pour ce changement de stade. Mais l’homonyme du buteur brésilien du PSG des années 2000 est resté plutôt discret sur ses choix de carrière, surtout qu’il n’a en réalité pas du tout changé de club. « Je portais déjà les couleurs du Red Star l’année dernière en Ligue 2 quand on jouait dans le 16ème, mais pour le compte d'Adecco. Je bosse désormais en direct avec le staff », entame celui qui, outre le prénom, partage avec le Sud-américain de l'époque Anelka la même sobriété capillaire : un crâne lisse comme une boule de billard caché sous un bonnet.

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Christian dans sa surface de préparation.

C’est derrière une épaisse fumée blanche traduisible par un Habemus Merguez que l’on retrouve le nouveau pape du barbec' de Bauer, affairé à la mi-temps d’un Red Star-Entente Sannois Saint-Gratien de début avril. « Ça fait presque 3 heures que je suis en place. J’arrive généralement deux bonnes heures avant le coup d’envoi pour préparer mon feu », pose-t-il.

S’ensuit pour lui un rituel immuable : réception des baguettes du boulanger d’en face et des merguez – « La même marque qu’au Parc des Princes et au Stade de France détaille-t-il – puis piquage, nettoyage des grilles et du tiroir à cendres, préparation du foyer, et enfin, le moment fort, l’allumage ! J’y vais à l’allume-feu avec du gel. Ça a été l’une de mes premières demandes faites à Valentin, le responsable buvette, lors de mon arrivée », rembobine Christian. « J’ai aussi fait changer l’anorak du début de saison contre une simple polaire, j’avais failli prendre feu avec le polyester de la doudoune, ça craignait », justifie celui qui opte pour une classique « double paire » de chaussettes lors des soirs de grand froid. Pas de chichi. Ni de chipo d’ailleurs : « Je ne prépare que des merguez ! » assume-t-il.

Christian et Youssouf s’affairent à entretenir la braise.

Côté technique, Christian donne dans le classique : « Je tâche de les faire cuire pendant dix à quinze minutes sans qu’elles soient trop grillées. Je suis vigilant aux flammes pour qu’elles ne soient pas carbonisées. Quand je sens que c’est le moment, je les sors de la grille pour les aligner dans un plat recouvert d’un alu. » Un bac qui se vide à mesure que Youssouf, le runner-merguez du soir, transfère les précieuses des grilles jusqu’au stand de vente, où les supporters déboursent 4euros pour le dwich local.

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Les stats de la team ? En moyenne 800 merguez par match, avec parfois des pointes à 1 000. Goleador de la saucisse, Christian claque systématiquement son doublé :« J’en mets toujours deux par sandwich, dans un pain que je tranche en biais sur le côté. » Niveau sauce, ce n’est pas lui qui balance mais les grosses pompes posées sur le comptoir devant le coin frites qui font le taf, combo mayo-ketchup-moutarde, « avec parfois samouraï quand on en achète », complète Valentin.

Les merguez halal de Bauer.

Au sortir de la petite cabane en dur où Didier dit « Jojo La Frite » distribue les barquettes entre deux coupures de courant, les supporters sont majoritairement enthousiastes : « Pas grasses, ni trop cuites, elles me plaisent bien », analyse Frédéric, qui les enfourne pour la première fois. Son compère du soir Aurélien renchérit : « Elles sont même meilleures qu’il y a trois-quatre ans ! » Si Guillaume, un habitué qualifié de « roi de la merguez » par son acolyte Julien se contente d’un « elles ont une bonne texture » pour les qualifier, Geoffroy se fait plus méfiant et soupçonne avoir affaire à un pain surgelé. Seul Pierre, fréquentant irrégulièrement le stand autant que le stade, se plaindra de la cuisson ce soir-là.

La seconde mi-temps vient de reprendre. Les moins pressés restent agglutinés aux barrières de chantier du barbecue, derrière lesquelles continue de se démener Christian, irréprochable dans sa surface de préparation. « Le vendredi soir c’est chaud. Heureusement que j’ai un peu d’expérience pour gérer ça » sourit-il. Son CV parle pour lui : dès 1988, le natif de Montfermeil démarre aux buvettes du Parc des Princes, à servir casse-croûtes, confiseries et boissons. On le retrouve dix ans plus tard au Stade de France, coopté par le mari d’une connaissance de sa femme. Débordé comme les Brésiliens, il vivra de l’intérieur le sacre des Bleus, derrière son chariot ambulant niché dans les travées. Puis il découvre Jean Bouin avec l’intérim, avant Bauer donc. « Ca me fait 30 ans de carrière déjà ! En parallèle je continue de bosser chez Thalès comme manutentionnaire », détaille cet affamé de boulot, même si c’est essentiellement de viande rouge qu’il se nourrit.

Courtepaille et coin camping

« J’aime bien la viande, le boeuf en particulier. Je suis assez saucisses aussi, le tout sans sauce », concède Christian lorsqu’on l’amène sur le terrain de la ripaille avant de préciser : « on s’en fait à la maison, parfois à Courtepaille car elles sont cuites au feu de bois, ou encore dans les campings ». Des campings qui lui permettent de garder la main, même s’il regrette de ne pas pouvoir amener sa propre grille : « maintenant on doit cuire nos grillades sur les barbecues collectifs, plus possible d’en faire sur son terrain. Après, c’est plus convivial ! » Christian est un homme collectif. S’il était supporter, ce serait certainement lui qui ferait la courte-échelle à son pote pour qu’il puisse voir le match gratos au-dessus du muret en pierre.

Ce soir d’avril, Christian ne verra en tout cas pas une seule minute du match, encore moins les trois buts de Sané pour le Red Star. Lui s’est cantonné au sien : faire griller les merguez. « J’aime ce que je fais, mais ma femme rouspète un peu avec les week-ends que ça prend », s’excuserait presque celui qui se verrait bien encore deux-trois saisons à Bauer. Avant peut-être un nouveau transfert, probablement vers le Retraite FC cette fois-ci.