Crime

On a demandé à des flics vos pires excuses pour ne pas respecter le confinement

Gendarmes et policiers patrouillent jour et nuit pour vérifier les attestations de sortie des confinés. Certains sont prêts à inventer les excuses les plus débiles possibles pour sortir.
Justine  Reix
Paris, FR
coronavirus police attestation

« Vous avez votre attestation ? » Matthieu*, policier à Besançon et Cyril* en région parisienne répètent inlassablement cette question tous les jours. Tous les deux travaillaient dans d'autres secteurs policiers et ont été réquisitionnés pour patrouiller et s'assurer du bon respect du confinement. Malgré le montant de l'amende assez dissuasif (135 euros minimum), de nombreux Français tentent encore leur chance et sortent sans attestation ou pour une raison tout sauf valable.

Publicité

Pétanque, bronzette sur la plage et barbecue sauvage, toutes les excuses sont bonnes pour sortir et profiter du soleil. Le confinement ? Qu'est-ce ? La plupart vous diront qu'ils n'étaient pas au courant, qu'ils ne regardent pas la télé et ne lisent pas les journaux ou qu'ils pensaient qu'ils pouvaient télétravailler de n'importe où. Nous avons demandé à Matthieu et Cyril de nous raconter leur quotidien au sein de leurs patrouilles spéciales confinement.

VICE : Il y a eu énormément d'amendes qui ont été distribuées ces derniers jours pour non-respect du confinement. Est-que ça s'est amélioré ?
Matthieu : Non, ça ne s'est pas calmé je dirais même qu'on a mis plus d'amendes dernièrement qu'au début du confinement. On a essayé d'expliquer aux gens au début maintenant on colle directement une amende puisque les gens n'ont toujours pas compris qu'il fallait rester confiné chez soi. Je dirais qu'en moyenne on verbalise une trentaine de personnes par jour.

Cyril : On a beaucoup de personnes qui essayent de sortir en se disant qu'ils ne tomberont jamais sur nous, sauf que si. On essaye de verbaliser le moins possible et de faire encore de la pédagogie. Par exemple, lorsqu'on a un couple qui fait les courses sans attestation, on leur met seulement une amende. Il y a toujours autant de personnes dehors sans raison valable qu'au début du confinement.

Est-ce que vous rencontrez souvent des confinés un peu trop paresseux qui ont leur attestation mais la remplissent mal ?
Matthieu : Tout le temps ! J'en ai plein qui nous voit arriver au loin et qui sortent une attestation vierge de leur poche et qui commence à se dépêcher de la remplir en ajoutant l'heure, la date etc… C'est assez drôle à voir car ils pensent qu'ils auront le temps de tout remplir et même si c'était le cas, on les voit.

Publicité

Cyril : Je croise souvent des personnes qui n'ont toujours pas compris le fonctionnement de l'attestation. Il y en a qui mettent du blanc sur la date, l'heure et le motif ou qui effacent et réécrivent alors que ce n'est pas possible de faire ça. On a aussi pas mal de gens qui rajoutent eux-mêmes les raisons de leur sortie comme un monsieur hier qui avait ajouté "aller déposer un chèque" sur son attestation.

Mais si les banques sont ouvertes, pourquoi n'est-il pas possible de l'ajouter sur son attestation ?
Matthieu : On a le droit de déposer un chèque mais il faut mutualiser ses déplacements. Dans le cas d'un chèque à déposer, d'une lettre à déposer ou de cigarettes à acheter, il faut le faire en même temps que ses courses. Autrement, vous encourez une amende.

Quelles sont les pires excuses qu'on vous a déjà sorti ?
Matthieu : En quelques jours, on m'a déjà raconté pas mal de belles conneries. Une fois, j'ai croisé un homme qui marchait à pied il était à au moins 5 kilomètres de chez lui, donc en dehors de son périmètre, je lui ai demandé son attestation qu'il n'avait bien évidemment pas et il m'a répondu qu'il allait juste nourrir des ânes. Avec quoi, je ne sais pas. J'ai aussi dû verbaliser une dizaine de personnes qui s'étaient réunies pour faire un barbecue sauvage sur une aire d'autoroute. Ils m'ont dit qu'ils faisaient juste leur pause-déjeuner avant de reprendre la route. Ils devaient surtout penser que c'était l'endroit parfait pour ne pas se faire prendre.

Publicité

Cyril : La dernière fois on a contrôlé une voiture 4 places dans laquelle il y avait cinq mecs. Celui qui conduisait a dit qu'ils allaient faire des courses. Sur les cinq il n'y en avait que trois qui avaient une attestation. Un avait coché qu'il allait faire des courses, un autre qu'il allait à un rendez-vous médical et le dernier déplacement pour motif familial impérieux. Ils s'était pas très bien accordés dans leur excuse. On a juste verbalisé ceux qui n'avaient pas leurs attestations.

« J'ai vu une dame d'un certaine âge en voiture qui était à des dizaines de kilomètres de chez elle. Je lui ai demandé ce qu'elle faisait, elle m'a dit qu'elle allait déposer une pizza chez une copine »

Est-ce que vous voyez beaucoup de jeunes qui essayent de se retrouver ou sortir ?
Matthieu : En journée, on voit quelques bandes de jeunes mineurs qui se retrouvent pour passer le temps, très souvent on leur dit de rentrer chez eux mais ce n'est pas très efficace. Lors de mes patrouilles de nuit, on croise souvent des jeunes en voiture qui vont ou rentrent de soirée en appartement.

Cyril : Je ne travaille pas de nuit donc je croise surtout quelques jeunes en voiture à plusieurs de temps en temps.

Comment les gens réagissent lorsque vous les verbalisez ?
Matthieu : On a de tout. Des personnes qui hurlent, parce qu'en effet l'amende est importante, et qui nous insultent. On a aussi pas mal de personnes qui râlent un petit peu mais ne disent pas grand-chose car elles savaient ce qu'elles risquaient en sortant sans attestation.

Publicité

Cyril : Globalement, les gens réagissent bien. On a quelques rares personnes qui étaient agressives et dans ce genre de cas c'est difficile d'obtenir leur identité pour les verbaliser. Mais la plupart du temps, les gens ne disent rien. Peut-être aussi que certains ne comprennent pas qu'ils ont une amende car nous procédons seulement à la prise d'identité. La verbalisation est ensuite faite plus tard au poste de police, ils reçoivent par courrier leur amende.


Est-ce que vous voyez beaucoup de personnes âgées ?
Matthieu : Il y en a encore beaucoup qui sortent sans raison alors que c'est extrêmement dangereux pour eux.

Cyril : J'ai vu une dame d'un certain âge en voiture qui était à des dizaines de kilomètres de chez elle. Je lui ai demandé ce qu'elle faisait, elle m'a dit qu'elle allait déposer une pizza chez une copine. Je ne sais pas si c'était vrai ou pas mais il y a pas mal de personnes âgées qui ne respectent pas encore parfaitement le confinement. Avec la nouvelle règle d'une heure de sortie maximale, on en voit plein qui se promènent à deux et qui profitent de l'heure à fond. Cette mesure est un peu contre-productive.

Justement, ce n'est pas fatiguant à la longue de répéter toujours la même chose ?
Matthieu : Forcément ça devient lassant de toujours répéter la même chose. A Besançon ça m'arrive de croiser les mêmes personnes plusieurs fois dans la même journée, je trouve ça dingue que les gens ne comprennent pas le principe du confinement et ne le respectent pas. On s'expose pour eux, on aimerait bien être confiné aussi et eux n'en n'ont rien à faire.

Cyril : Ceux qui n'ont pas d'attestation nous racontent qu'ils ne sont pas au courant. On leur dit que ça fait quand même plusieurs semaines. Ils nous répondent qu'ils ne regardent pas la TV ou qu'ils ne lisent pas le journal. C'est chiant de voir encore autant de monde dehors. Mais bon, on remarque aussi une certaine solidarité envers ceux qui travaillent encore. Des collègues ont reçu des pizzas et la dernière fois une dame a voulu m'offrir du gel hydroalcoolique.

* Les prénoms ont été modifiés

Justine est sur Twitter.

VICE France est aussi sur Twitter, Instagram, Facebook et sur Flipboard.