Life

J'ai testé une forme de méditation censée rendre friquée et épanouie

Avec plus de 90 millions de vues sur TikTok, le « quantum jumping » est devenue une sous-culture en ligne sur fond de promesse d'une vie idéale.
Shamani Joshi
Mumbai, IN
Méditation
Collage : VICE / Images : fizkes / Getty (gauche) et Predrag Popovski / Getty

Je n’ai jamais été une grande fan de la méditation. Demandez-moi de fermer les yeux et de me concentrer sur la manière dont chaque expiration sort de mon corps et j’aurai probablement l’impression de ne pas pouvoir respirer du tout. Peu importe les sessions de Headspace que je me suis infligées, je n’arrive juste pas à rester concentrée et détendue.

De nombreuses tentatives infructueuses m’ont amenée à penser que la méditation n’était peut-être juste pas faite pour moi. Du moins, jusqu’à ce que j’en découvre une forme qui promettait de me rendre riche et prospère.

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Le « quantum jumping » (« saut quantique »), en plus d’un concept que vous avez peut-être étudié en cours de physique, est peu à peu devenu une sous-culture en ligne censée nous permettre de mener une vie plus épanouissante en « changeant de temporalité ». Alors que le topic « quantumjumping » a été vu plus de 90 millions de fois sur TikTok, la tendance voit des créateurs de la Gen Z utiliser un « portail » pour accéder à une dimension alternative à l’aide de représentations mentales et d’apparitions.

Basée sur la croyance qu’on existe, à tout moment, dans plusieurs dimensions, cette technique met l’accent sur les représentations mentales vives de ces différentes dimensions pour nous aider à nous immiscer dans une version idéale de la nôtre. L’idée est qu’en se représentant mentalement les versions les plus puissantes et productives de soi-même, on puisse avoir une meilleure compréhension de ce qu’il faut pour réussir. Et avoir un paquet d’oseille. C’est un peu comme un mélange entre Le secret – le livre de Rhonda Byrne selon lequel on peut « attirer » ce que l’on veut dans la vie par la pensée – et le multiverse de Marvel.

« Cette technique nous permet d’accéder à des informations dont nous disposons peut-être déjà, mais que notre conscience met de côté » - Teja Priyadarshini.

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Après avoir entendu parler de cette technique de méditation lors d’une session mystique de binge-watching sur YouTube, j’ai voulu en savoir plus. J’ai donc contacté Teja Priyadarshini, une hypnothérapeute et régressioniste spécialisée dans les vies antérieures. Elle propose un module appelé « utiliser le saut quantique pour nager dans le bonheur » et m’avait déjà hypnotisée et envoyée dans une vie différente pour m’aider à combattre mon anxiété. 

« Cette technique nous permet d’accéder à des informations dont nous disposons peut-être déjà, mais que notre conscience met de côté », m’a-t-elle dit. Priyadarshini m’a expliqué que cette technique, lorsqu’elle est appliquée de manière répétée et avec constance, s’assortit de la puissante promesse de recevoir assez de sagesse pour cracker le moyen de devenir la version de soi la plus créative et productive, souvent à travers des conseils que l’on a tendance à ignorer.

« Notre esprit nous donne souvent des bouffées d’intuition, mais parfois, on les écarte parce qu’on a l’impression qu’elles ne sont pas importantes. Cette technique soutient ce que notre intuition nous dit, en autorisant notre esprit subconscient à confirmer la validité de l’information », ajoute-t-elle.

Selon Priyadarshini, plus on aura « sauté » ou plongé dans cette technique, plus les représentations mentales pourront manifester la réalité. En gros, ce genre de méditation est une version plus intense de toute la tendance d’apparitions qui fait le tour de TikTok et des Reels.

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Que les résultats positifs du saut quantique soient le résultat d’un effet placebo, un exemple plutôt alambiqué de biais de confirmation, le signe d’une pauvre santé mentale, ou juste une amusante tentative d’expérience philosophique, j’étais prête à devenir riche et prospère pour la nouvelle année. 

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Tentative #1

Début décembre, entre deux périodes festives, je me suis sentie particulièrement improductive alors que les fêtes de fin d’année à venir rendaient pénibles les tâches les plus simples. Je me suis dit que c’était le moment parfait pour tester la forme de médiation qui devait, entre autres promesses, m’aider à me concentrer. J’ai démarré l’enregistrement audio qui m’accompagnerait à travers cette méditation guidée, et me suis lancée dans ce que j’espérais être un voyage intergalactique (spoiler : ça ne l’était pas).

La méditation a commencé de manière assez directe. Les mélodies envoûtantes d’un bol tibétain associées à la voix posée de Priyadarshini essayaient de me bercer jusqu’à atteindre un état calme et méditatif.

J’étais allongée sur le dos pendant que la voix de Priyadarshini me disait d’inspirer et d’expirer, avant de me demander de me représenter trois chiffres avec chaque inspiration que je prenais. Elle m’a ensuite demandé de m’imaginer en train de marcher dans un couloir, insistant à chaque pas que « chaque jour et par tous les moyens, je vais mieux, mieux », un mantra qui devait agir en tant qu’affirmation. Alors que je me voyais en train de marcher le long d’un couloir froid et abandonné, elle m’a dit de chercher une porte ouvrant sur un univers parallèle au bout du couloir.

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Elle m’a assuré que j’y rencontrerais une version parallèle de moi-même, une version qui se démerdait bien dans la vie et me transmettrait son savoir et sa sagesse pour m’aider, dans ma réalité, à devenir la meilleure version de moi-même. Mais avant d’atteindre ce stade, elle m’a dit de reconnaître la présence de « Kua », un être de lumière d’une dimension parallèle qui m’accompagnerait sur mon chemin vers la meilleure version de moi-même. C’est là que les choses ont commencé à devenir un peu… bizarres.

Priyadarshini m’a dit que pour vraiment croire que ce que je visualisais pouvait se transposer à la réalité, je devais me visualiser en train de googler Kua. J’imagine qu’elle savait que c’est la première chose que ferait mon moi cynique. Ensuite, elle m’a demandé de me toucher le palais avec le bout de ma langue, une tactique qui, selon elle, m’aiderait à me « programmer » dans la croyance que mes pensées se transposeraient à la réalité.

Je ne comprenais pas grand-chose, mais j’ai fait ce qui me semblait le mieux. Parce que c’est la vie.

Puis, elle m’a enfin dit que je tomberais sur la meilleure version de moi-même. J’attendais, impatiente, de voir à quoi ça ressemblerait. À la place, j’ai été accueillie par une vieille amie : l’obscurité. Mon esprit était vide et bourdonnait de citations inspirantes à deux balles, et pas de conseils susceptibles de changer ma vie. Zut alors, je me suis dit, il va falloir que je réessaye.

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Tentative #2

La deuxième fois que j’ai trouvé la motivation pour essayer cette technique de méditation, c’était peu après Noël, jour où, malgré mes pensées positives, personne ne m’a laissé d’argent sous le sapin. Le nouvel an approchait et j’espérais alors que la meilleure version de moi-même se pointerait et m’indiquerait la voie.

Je m’y suis plongée tout de suite et ai lancé l’enregistrement audio. Cette fois, avec une assurance sereine que je n’avais pas la fois précédente. Mon corps s’est rapidement retrouvé dans une sorte d’état douillet, comme en transe. J’étais peut-être juste fatiguée à cause de toute la débauche des fêtes, mais cette fois, je me sentais beaucoup plus détendue et en phase avec mes pensées.

Donc quand la voix de Priyadarshini m’a de nouveau demandé de me représenter mon meilleur moi, j’ai rapidement imaginé une image plus âgée et calme de moi-même. Mes cheveux étaient réunis en un chignon ébouriffé, je portais un blazer beige impeccable et j’étais assise à un bureau en marbre avec mon ordinateur portable. Je ne savais pas vraiment ce que mon apparente version parallèle faisait dans la vie, mais j’avais le sentiment (ou l’espoir) de disposer d’une présence imposante et d’une force tranquille.

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J’étais presque prête à abandonner tout espoir de devenir riche quand j’ai regardé mon compte bancaire et vu que quelqu’un m’avait mystérieusement envoyé 4 000 roupies indiennes (47 euros)

Mais quand il s’agissait de réunir des informations susceptibles de changer la donne, tout ce que je pouvais emmagasiner, c’était de la pure bouse générique : poursuis tes rêves, ne cours pas après l’argent, travaille dur. Je n’étais pas très impressionnée par les conseils que je me donnais apparemment à moi-même, et ai rapidement ignoré le tout. C’était tout ce que mon moi parallèle pouvait proposer de mieux ? C’était tellement décevant.

Mais quelques jours plus tard, au moment de faire mon bilan de fin d’année, je me suis retrouvée à être agréablement surprise par les résultats. Il faut dire que j’ai travaillé assez dur et cumulé quelques victoires en 2021, mais c’est comme si je voyais mon propre succès et mon amour-propre sous un tout nouveau jour. Est-que j’imaginais tout ça ou les apparitions étaient-elles entrées en jeu ? Je n’étais pas trop sûre, mais après quelques mois d’anxiété incontrôlable qui m’a fait remettre en question mes choix de vie, j’avais l’impression de commencer à accepter ma propre perception de moi-même. J’étais consciente que des facteurs comme rendre visite à des amis, prendre du temps pour moi dans la dernière semaine de l’année, et avoir un projet de voyage dans les tuyaux aurait pu contribuer à alléger mon anxiété pandémique, mais je me suis dit que la méditation n’était pas trop mal comme compromis pour ce qui semblait relever de l’espoir et du bonheur.

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Désormais, tout ce qu’il me restait à faire était d’attendre l’argent.

Tentative #3

Alors que la nouvelle année a démarré avec une crainte supplémentaire - celle de voir le nombre de cas du variant Omicron se multiplier à l’infini - mon ennui provoqué par l’isolation, accompagné d’un tas de mécanismes de défense malsains, a réduit en poussière toutes mes bonnes résolutions pour 2022. J’ai donc décidé d’essayer le saut quantique une nouvelle fois, dans l’espoir de commencer la nouvelle année en renflouant un peu mon compte en banque, que j’ai explosé pendant la période des fêtes de décembre.

Cette fois-là, j’ai trouvé qu’il était encore plus facile de me glisser dans un état méditatif, en imaginant que je passais dans un univers parallèle pour devenir amie avec la meilleure version de moi-même. Cette fois, mes cheveux étaient grisonnants, je portais des lunettes de style yeux de chat et donnait des ordres à ce qui semblait être l’équipe de production d’un film. Alors que je faisais face à ma version alternative imaginaire et lui demandais ce que je devais faire pour réussir, la seule pensée qui me traversait l’esprit était de continuer à faire les tâches qu’on m’avait confiées, qu’importe la flemme et le manque de motivation que je ressentais. En gros, je me suis rendu compte, quand la motivation a fini par disparaître, que je devais faire semblant jusqu’à ce que j’y arrive, ce qui, vu l’état du monde actuel, me semblait assez bon comme conseil.

Je ne m’attendais pas à finir avec ces petites bribes médiocres de sagesse de la part de mon moi parallèle. J’étais presque prête à abandonner tout espoir de devenir riche quand j’ai regardé mon compte bancaire et vu que quelqu’un m’avait mystérieusement envoyé 4 000 roupies indiennes (47 euros). J’étais choquée et ai demandé à tous mes amis qui me devaient de l’argent s’ils étaient derrière ce virement. Ils m’ont dit que non, mais c’était du coup l’opportunité parfaite pour leur demander de me rembourser, ce qui m’a ensuite rapporté encore plus d’argent. J’imagine que je ne saurai jamais vraiment si j’ai gagné de l’argent via la méditation ou s’il s’agissait juste de mon portefeuille karmique qui faisait ses comptes.

Il reste qu’après cette dernière tentative, j’avais des sentiments partagés vis-à-vis de cette forme de méditation. Oui, ça m’a aidée à concentrer mon attention et m’a plongée dans un état plus détendu, mais comme j’avais peut-être trop d’attentes en amont, je n’ai juste pas trouvé l’expérience si bouleversante que je l’espérais.

C’est alors que j’ai réalisé quelque chose : c’était peut-être ça la clé du succès. Peut-être qu’il fallait que je gère plus mes attentes et me concentre sur des projets qui m’inspirent, au lieu d’essayer de devenir riche en méditant.

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