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UN MARIAGE À SANAA, FÉVRIER 2019. TOUTES LES PHOTOS SONT DE NEZAR MOKBEL.  
Culture

Dans les rues animées du Yémen

Le photographe Nezar Mokbel souhaite « raviver les souvenirs d’un temps meilleur » dans son pays natal.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR

Le photographe Nezar Mokbel, 23 ans, a grandi dans le pays qu'il connaît sous le nom d’« Al Yemen Al Saeed », qui se traduit par « Yémen heureux ». Mais depuis sept ans, le territoire est déchiré par une guerre civile brutale qui a déjà fait plus de 233 000 morts et laissé plus de 20 millions de personnes, soit près des deux tiers de la population, en situation d'insécurité alimentaire.

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En 2014, des rebelles appelés les Houthis se sont emparés du pouvoir. Depuis, ils se battent contre une coalition internationale qui comprend l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et les États-Unis pour garder le contrôle du pays. Mais les experts estiment qu’il s’agit en réalité d’une guerre par procuration à laquelle se livrent l'Iran et l'Arabie saoudite pour étendre leur influence dans la péninsule arabique. 

Yémen, année zéro

Quoi qu'il en soit, les villes yéménites ont été lourdement bombardées et les deux camps sont accusés de crimes de guerre. Mais malgré la destruction des maisons, des hôpitaux et des écoles, la vie continue. Les photos de Mokbel immortalisent des gens qui luttent pour gagner leur vie, mais aussi des célébrations joyeuses, comme les fêtes de mariage où la musique couvre le bruit des explosions. Nous l’avons rencontré afin de savoir ce qui l’a motivé à entreprendre ce projet et ce qu'il signifie pour lui.

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Un marchand dans la vieille ville de Sanaa, en novembre 2020.

VICE : Bonjour, Nezar. Vous avez choisi de montrer le Yémen sous un aspect positif. Pourquoi cela ?
Nezar Mokbel :
J'ai grandi ici, avec la vision d’un Yémen heureux. Puis la guerre a éclaté. Après tout ce temps, sa beauté commence à s’estomper dans mes souvenirs. Les médias y contribuent : ils ne montrent que les scènes les plus terribles. Plus personne ne se souvient de rien d'autre que de la guerre.

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Est-ce la raison pour laquelle vous avez commencé à prendre des photos ?
Pendant les quatre premières années de la guerre, j’ai observé passivement ce qui se passait. En février 2019, j'ai décidé de faire quelque chose. J'ai commencé à prendre des photos pour essayer de capturer les détails du quotidien et raviver les souvenirs d’un temps meilleur.

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Une femme avec ses petits-enfants. Sanaa, mai 2019.

Pourquoi prenez-vous vos photos avec votre smartphone ?
En cette période d'agitation politique, il peut être très dangereux d’avoir un appareil photo sur soi. Mais cela ne m'arrête pas. Je prends des photos avec mon téléphone, même si c'est parfois tout aussi risqué. Au Yémen, les artistes et les photographes n'ont pas souvent l’occasion d'exposer leur travail ; ils doivent créer leurs propres opportunités.

Comment choisissez-vous vos sujets ?
Chaque photographe a sa propre vision. Pour moi, c'est une question de spontanéité ; je capture des moments qui me touchent personnellement.

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Des enfants pendant leur pause au travail. Mai 2019.

L'une de mes photos préférées a été prise pendant le mois sacré du Ramadan l'année dernière, sur le marché de la vieille ville de Sanaa [la capitale du Yémen, actuellement sous le contrôle des Houthis], où des enfants faisaient une pause. Ces enfants transportent des marchandises du marché à la rue principale tous les jours de midi à 18 heures. Ils gagnent 100 rials yéménites [environ 0,30 euro] par client. Malgré leur vie difficile, ils rigolent ensemble, comme tous les enfants du monde.

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Mais toutes vos images ne sont pas heureuses, n'est-ce pas ?
Il y a un mélange de tout : certaines photos sont heureuses, d'autres tragiques. Certaines photos reflètent la torpeur des gens face à la violence, d'autres laissent entrevoir ce que pourrait être l'avenir du Yémen après la guerre.

Plus de photos ci-dessous :

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Des enfants pendant leur pause au travail. Mai 2019.

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Une « zaffa » est une procession musicale avec des tambours, typique des mariages arabes et organisée devant la maison du marié. Sanaa, octobre 2019.

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Un sans-abri lors de la fête de l'Aïd. Sanaa, août 2020.

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Un enfant vend de l’ail. Sanaa, novembre 2020.

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Un commerçant a rouvert son magasin de jouets malgré le bombardement de son bâtiment. Gouvernorat de Taiz, janvier 2021.

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Les raids aériens ont laissé de nombreuses personnes sans abri. Sanaa, décembre 2019.

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Des amis s'enlacent dans les ruelles de la vieille ville. Sanaa, juillet 2019.

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Ce vieil homme portait une charge si lourde qu'il devait faire une pause à chaque pas. Sanaa, juillet 2020.

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