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Sports

Quand un moine Shaolin s'essaie au MMA

Un moine bouddhiste découvre l'univers du MMA afin d'aider à relancer le Kung fu chinois.
Photos by Christopher Cherry

On ne peut nier le fait le Kung fu est absent des arts martiaux mixtes et que cette absence en dit long sur le Kung fu traditionnel chinois. Quelle ironie. Aujourd'hui, la plupart des pratiquants d'arts martiaux, quelle que soit leur discipline, considèrent Bruce Lee comme l'un des premiers instigateurs de la discipline. Il y en a plus d'un qui croient que Bruce Lee est l'inventeur du MMA : sa philosophie Jeet Kun Do est le parfait résumé du MMA et de son audace. Son physique, ainsi que ses combats où tous les coups sont permis avec des opposants de tous les styles, sont aussi l'illustration parfaite du guerrier moderne.

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Essayer. C'est l'essence même du MMA. Ce qui marche survit et ce qui ne marche pas est abandonné. Être abandonné, c'est tout ce dont les maîtres du Kung fu d'aujourd'hui peuvent parler. Certains d'entre eux regardent le MMA avec mépris (des barbares qui se tapent dessus) ; d'autres parlent des limitations (mon style a pour but de tuer, les gants et les règles ne font que freiner mon talent). Mais en fait tout se résume à la peur. C'est quelque chose que Bruce Lee a réalisé il y a bien longtemps. Lorsqu'il a quitté le continent pour rejoindre Hong Kong, puis finalement les Etats-Unis, Bruce Lee essayait d'échapper à l'étroitesse d'esprit écoeurante de la communauté des arts martiaux de Chine.

Cela fait maintenant des années que Bruce Lee a quitté son pays natal pour rejoindre les côtes californiennes, et pourtant cette étroitesse d'esprit perdure. Les maîtres du Kung fu chinois défendent leur minuscule et ridicule bout de gras pendant que le reste du monde évolue, fusionnant le Taekwondo avec le muay thaï, le BJJ (Jiu jitsu brésilien) et la lutte pour créer l'artiste martial dont les réalisateurs de Hong Kong rêvent la nuit.

La Chine est laissée de côté, alors même que les maître du Kung fu de la nation, démunis et essayant désespérément de commercialiser leur discipline, essaient de traiter avec condescendance le sport de combat le plus rapide à évoluer au monde, avec des déclarations éculées par rapport à la spiritualité, le sens, l'intention de tuer, et tout ce qu'il peuvent inventer pour ne pas voir la vérité en face : le MMA est en train de faire un tabac, et pas le Kung fu.

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Au vu de sa situation actuelle, rien n'empêche le Kung fu de connaître le même sort que le kilt écossais.

Mais c'est alors qu'un moine Shaolin appelé Xingxi a enfilé une paire de gants. Ce jeune homme modeste qui vient des montagnes autour du Temple Shaolin a vécu une vie digne d'un scénario hollywoodien. Il a quitté le foyer avant l'adolescence pour apprendre les arts martiaux à quelques heures de chez lui, mais a réalisé moins d'un an plus tard qu'il était destiné à autre chose. À l'âge de 17 ans, il s'est rendu au Temple de Shaolin pour demander à rencontrer le "vrai maître du Kung fu" qui pourrait lui enseigner l'art martial Shaolin à l'état pur.

Sa quête l'a mené vers Maître Shi Dejian, un moine bouddhiste zen et maître du Kung fu Shaolin vivant sur un sommet surplombant le temple Shaolin, inaccessible par la route, habillé d'une tunique et entouré par un silence propre aux vieux sages. Il est le dernier de la lignée des moines-guerriers possédant la « vraie connaissance » du Kung fu Shaolin.

Photo Xingxi

Xingxi a passé dix ans avec le Maître Shi à apprendre un Kung fu Shaolin légué par un maître à moitié mythique du nom de Wu Gulun, qui, en 1870, a échappé à la persécution Qing et a préservé la lignée intacte. Ça vous fait penser à un film classique de Kung fu ? La suite est encore meilleure.

Après dix ans d'entraînement, Xingxi est parti avec quelques yuans et son baluchon pour voyager autour du globe pendant cinq ans. Il a vu beaucoup de choses et eu divers métiers – superviseur dans une mine, garde du corps, chauffeur privé et autres – avant de retourner au Temple Shaolin et de décider d'ouvrir une école avec son frère de Kung fu. Cette école a disparu et aujourd'hui Xingxi habite en banlieue de Beijing dans une cour nichée au plus profond d'un petit village, où de jeunes Israéliens sortant tout juste de leurs classes de yoga en Inde apprennent le Zen.

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Quelle est l'importance de tout cela ?

Xingxi est l'un des seuls maîtres de Kung fu à avoir compris le pouvoir du MMA, et il a déclaré vouloir intégrer le cercle et y représenter le Kung fu chinois.

« La plupart des maîtres réfléchissent trop, explique Xingxi autour d'une tasse de thé. Ils ont peur d'être embarrassés. Moi je ne pense pas trop à ça. Le MMA est excitant, nouveau et plein de vigueur. Je pense que c'est à nous, les hommes et femmes représentants du Kung fu, d'intégrer ce monde et de prouver que nous pouvons y contribuer. Le MMA ne nous attendra pas. »

Il a l'air d'avoir une idée précise de ce dans quoi il s'engage et de pourquoi il s'y engage. Xingxi s'est déjà un peu entraîné à la salle de MMA de Beijing, Big King, avec Nano Lozevski et son protégé Yang Jianbing. Il regarde des vidéos YouTube de TJ Dillashaw et Anderson Silva. Son fidèle assistant, Naomi, le pousse à essayer le kickboxing (comme ça vous n'aurez pas à apprendre le BJJ), mais il rechigne. Seul un combat de MMA suffira.

Mais quand je m'assois en face de lui dans sa belle cour sous une lune automnale, je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter. Xingxi est dans une forme excellente. Il peut passer de la posture du cavalier à la posture de l'archer en un clin d'oeil, ses coups de poings et ses coups de pieds sont aussi rapides que le vent. Mais il n'en reste pas moins moine. Son fil d'actualité de médias sociaux chinois est rempli de photos de perles et de figurines de Bouddha, ainsi que de paysages où le soleil fait briller la corniche de temples divers et variés. Son visage de chérubin incite à la confession. Il n'est pas moraliateur mais doux, avenant et tolérant. Il est la personnification même des valeurs de l'art martial chinois, qui pour le meilleur ou pour le pire, ont oublié leurs origines de combat brutal. Xingxi est sur un chemin qui mène à l'illumination, le Tao, le Chemin. C'est un chemin parallèle à celui des arts martiaux, mais qui jusqu'à présent n'a jamais croisé de près ou de loin celui du MMA.

Et pourtant il est catégorique dans son envie de se battre sur le ring. Dans son envie d'apprendre comment parer une attaque, comment protéger sa tête contre les coups de pieds et les effroyables prises de muay thaï.

« Il croit que ses compétences de Kung fu peuvent être utiles dans un combat de MMA, avec quelques modifications, dit Nano Lozevski. C'est un gars très sympathique. Il apprend vite. Mon sentiment c'est que c'est un mec cool, mais bon je ne l'ai vu que deux fois. »

Malgré toute sa clarté dans sa vision de la place du Kung fu dans la globalité des arts martiaux, il semblerait qu'il ne comprenne toujours pas que le MMA requiert la même dédication que le Kung fu. Mettez-le sur le compte de la nature dédaigneuse et étroite d'esprit de la société chinoise. Au final, ça n'est pas très important que Xingxi combatte, gagne ou perde. Ce n'est pas l'objectif. Pendant des années, les maîtres du Kung fu n'ont pas osé poser le pied sur un ring contre un étranger à moins que l'issue du combat ne soit contrôlée d'une façon ou d'une autre. Tant qu'ont duré les circuits de combat à mains nues du début des années 90, les arts martiaux chinois se sont reposés sur de faux prétextes et du bullshit pour traverser les dernières décennies – mais cette ère s'est achevée le jour où Severn a capitulé sur un étranglement en triangle de Gracie. Xingxi est un pionnier en son genre : un authentique maître de Kung fu désireux de rentrer sur le ring pour faire parler son talent dans l'arène la plus impitoyable du monde.

S'il est quelque chose dont le Kung fu chinois a besoin aujourd'hui, il s'agit bien de moines idéalistes comme Xingxi, prêts à risquer leur vie pour prouver qu'ils ont voix au chapitre. Il ne montera peut-être jamais sur le ring, et s'il le fait il se fera peut être malmener par le premier mec avec des compétences de base qu'il rencontrera. Peu importe, dans toute révolution, c'est la première pierre qui est à l'origine de l'avalanche.