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Comment résoudre une affaire de pédopornographie grâce à Photoshop

Parfois, la réalité ressemble à un épisode de NCIS.

Parfois, une affaire peut être résolue grâce à des indices parfaitement anodins. En 2012, une photo de vacances représentant une femme et un enfant tenant dans ses mains un poisson fraîchement pêché a permis de faire une avancée décisive dans une enquête portant sur une affaire de pédopornographie.

Dénichée au milieu d'un lot de photos illégales au contenu parfaitement explicite, la photo permettra aux détectives d'explorer un terrain de camping à Richville, dans le Minnesota, de secourir la victime, et de condamner le suspect en décembre 2012.

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Il s'agit d'une histoire tout à fait incroyable. Les détectives ont d'abord dû déterminer où la photo avait été prise. Pour cela, ils ont d'abord découpé le poisson visible sur la photo, ont traité l'image puis l'ont envoyé à l'Université Cornell pour identification, explique Jim Cole, à la tête du Programme américain pour l'identification des victimes au Département de la Sécurité intérieure des États-Unis (DHS).

Les chercheurs ont d'abord identifié l'espèce du poisson, qui ne vit que dans une région très spécifique du Minnesota. Puis les enquêteurs ont ôté le suspect et la victime de la photo, afin de faire apparaître l'arrière-plan le plus clairement possible. Ils l'ont ensuite envoyée aux publicitaires travaillant avec les campings de la région. L'un d'entre eux a reconnu immédiatement le lieu où le cliché avait été pris.

Quand les détectives sont arrivés sur place, la même photo était placardée sur l'un des murs de l'accueil du camping.

« Le tout est de réduire la taille de la botte de foin, afin de pouvoir trouver l'aiguille plus facilement, » explique Cole.

Il ne s'agit que d'un exemple parmi d'autres. Le Département de la Sécurité intérieure des Etats-Unis, ainsi que de nombreuses autres équipes de par le monde, utilisent l'édition d'image, de vidéo et d'enregistrement audio afin de résoudre des affaires de pédopornographie.

Le DHS a trouvé cette photo lors d'une enquête sur une affaire de pédopornographie. À première vue, on ne peut y trouver aucune information décisive. Et pourtant !

Le Centre américain pour les disparitions et l'exploitation d'enfants (NCMEC), une association qui travaille en collaboration avec les autorités, a analysé plus de 500 000 dossiers par semaine en 2016, selon un porte-parole.

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Les documents qui viennent grossir « cette incroyable montagne de données, » comme la décrit Cole, proviennent parfois directement des enquêtes policières, sont parfois fournies par les fournisseurs d'accès à Internet, ou encore par le grand public.

Évidemment, Cole voit régulièrement des images choquantes, voire traumatisantes, au cours de son travail. Il s'est endurci avec le temps. Hélas, « Il y a encore des choses qui me choquent, » rapporte-t-il.

Lorsqu'il reçoit une photo de ce genre, la première étape et de déterminer si la victime a déjà été identifiée par le passé. Il suffit d'utiliser des fonctions de hachage ou la signature numérique des fichiers.

« Mais ce n'est pas fiable à 100%, » explique Cole. En effet, les images pédopornographiques peuvent être échangées des milliers de fois, et bien souvent, des versions différentes d'une même image apparaissent sur les sites de partage de photos. Il suffit d'une différence d'un pixel, d'une modification des métadonnées ou d'une technique de compression différente pour que les fonctions de hachage soient impuissantes à déterminer si l'image a déjà été signalée par le passé.

Cole préfère utiliser Photo DNA, un outil développé par Microsoft qui permet de déterminer « une empreinte » de l'image et de la comparer à d'autres versions similaires (redimensionnées, légèrement modifiées, etc.). Si la victime a déjà été identifiée par le passé à l'aide d'une photo légèrement différente de celle incriminée, le logiciel permettra de s'en apercevoir. Les enquêteurs uploaderont alors leurs nouveaux documents sur une banque de données d'images d'INTERPOL dédiée à l'exploitation sexuelle des enfants.

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Avec une opération de traitement d'image relativement simple, on parvient à distinguer le logo sur le chandail de l'homme.

Un logo a priori anodin peut parfois contribuer à résoudre une affaire.

Quand il en vient à analyser la photo ou la vidéo elles-mêmes pour trouver des indices, Cole utilise une myriade de programmes différents, chacun étant adapté à une étape précise de l'enquête.

Pour commencer, il y a Analyser DI, qui permet d'examiner les différentes parties d'un fichier de manière intuitive, selon Cole. À partir de là, il peut facilement déterminer quelles photos peuvent avoir une valeur pour l'enquête, et les traite sous Photoshop (augmentation du contraste, éclaircissement, etc.) Il utilise également Adobe Premiere pour la vidéo et Adobe Audition pour les enregistrements audio. Enfin, il exploite parfois d'autres logiciels moins connus comme Amped Five, ou Forensics image Analysis System (FIAS).

« Photoshop est vraiment notre outil principal, » explique Cole.

Cole est en contact étroit avec Adobe, à qui il suggère régulièrement de nouvelles fonctions ; il a également accès aux versions alpha de leurs logiciels.

« Prenons cette image. Je vais l'examiner en détails. Pas seulement son contenu, mais également les données EXIF, qui peuvent révéler quel type d'appareil a été utilisé pour prendre la photo, » explique Cole.

Même une boite de médicaments en arrière-plan peut donner un indice utile pour réorienter l'enquête.

Sur une série d'images où apparaissaient deux victimes, le suspect portait un sweat-shirt gris anthracite présentant un logo bleu marine au niveau de la poitrine, sur le côté gauche, raconte Cole. Afin de lire le texte sous le logo, Cole a augmenté le contraste de l'image. Cela ne suffisait pas, cependant. Il a ensuite réduit le flou, appliqué un filtre pour améliorer le grain de l'image, puis un outil de dégradé. Enfin, le logo a été révélé : il appartenait à une entreprise de chauffage, plomberie et équipement électrique dans le Maryland. Le suspect s'est avéré être un ancien employé, et quatre victimes ont été préservées de nouveaux abus.

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Dans d'autre cas, lire le nom d'une molécule sur une boite de médicament, identifier le logo d'une chaine de restauration locale sur des mugs ont suffi à résoudre une affaire. Mais chaque cas est différent, précise Cole. Certains peuvent être résolus en quelques heures, tandis que des affaires courent parfois sur plus d'une décennie.

D'ailleurs, certains suspects ont recours aux mêmes outils que Cole pour se couvrir. Cole appelle cela « des techniques de contre-identification. » Sur des forums du dark web, les amateurs de pédopornographie échangent des astuces pour utiliser ces logiciels au mieux.

« On y trouve des tutoriels pour Premiere Pro, indiquant par exemple comment assombrir un visage de manière suivie sur une vidéo, » ajoute-t-il.

Les cas de Cole trouvent bien souvent leur origine sur le dark web. En fait, Cole utilise des images de Playpen, un site pédopornographique saisi par le FBI en février 2015, puis utilisé comme outil de piratage contre les pornographes présumés.

« Chaque fois que je me dis 'ça y est, cette fois, j'aurai tout vu,' une nouvelle affaire s'ajoute aux précédentes et me bouleverse, une fois de plus. »