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Crime

Des archéologues tentent de voir à quel point l’État Islamique a endommagé Palmyre

Il y a presque un an, des combattants du groupe terroriste avaient bouté les forces gouvernementales hors des vestiges de Palmyre, et avaient ensuite publié des images et des vidéos dans lesquelles on les voyait faire exploser des structures antiques.
Photo via AFP/Getty Images

Suite à la reprise de la ville ancienne de Palmyre par l'armée du président syrien Bachar Al-Assad ce dimanche, des archéologues et des experts en antiquités ont commencé — à distance — à prendre la mesure des dommages causés par presque une année de contrôle de la ville par l'organisation terroriste État Islamique (EI).

En dépit du pillage à grande échelle et de plusieurs démolitions de grande ampleur, une grande partie des structures datant de l'ère romaine de la ville semble toujours être intacte. Les Nations Unies ont déclaré ce mardi qu'elles projettent d'envoyer une mission sur ce site du Patrimoine mondial aussi vite que possible.

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En mai dernier, des militants de l'EI avait bouté les forces gouvernementales hors des ruines de Palmyre et de la ville plus moderne, aussi connue sous le nom de Tadmor, qui est attenante. Confirmant les craintes des responsables locaux et de l'UNESCO, l'agence de l'ONU en charge des questions culturelles, le groupe terroriste avait alors diffusé des images et des vidéos de combattants faisant exploser plusieurs structures, comme le Temple de Bel, vieux de 2 000 ans — et le bâtiment le plus imposant et le plus connu de cette ville — ainsi que le temple de Baalshamin. Une grande partie de l'architecture de cette ville fondée autour d'une oasis date des deux premiers siècles après Jésus Christ, quand Palmyre était un carrefour situé aux confins de l'empire romain.

En août, des photographies satellites de l'ONU ont confirmé que le Temple de Bel avait été réduit en morceaux, même si les murs l'entourant semblaient être toujours debout. En octobre, l'EI a détruit un arc de triomphe qui avait été construit par les Romains pour commémorer la victoire dans une bataille contre les Perses. Même si les temples étaient des bâtiments religieux et théoriquement non-islamiques aux yeux de l'EI, cet arc n'était pas une structure religieuse.

« Les temples qui ont été détruits étaient dédiés à des divinités locales », a expliqué Giovanni Boccardi, chef du secteur culturel de l'unité d'urgence et d'intervention de l'UNESCO.

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« C'est l'un des grands sites archéologiques du monde, et certainement l'un des plus importants au Moyen-Orient », a-t-il ajouté. « C'était un genre différent de ville romaine. Même si l'architecture visible pouvait sembler gréco-romaine dans son style, ce qui se passait dans ces bâtiments avait en fait une tout autre tonalité et un caractère bien différent. »

Ce dimanche, les forces du régime syrien ont annoncé qu'elles avaient sécurisé la ville. Le jour suivant, le directeur des antiquités du gouvernement a rapporté qu'environ 80 pour cent des objets et des structures antiques à l'intérieur n'avaient pas été détruits.

« La vue générale de la ville est toujours intacte », a déclaré Maamoun Abdoulkarim. « Les murs du Temple de Bel et sa porte, ainsi que la gigantesque porte du sanctuaire, sont toujours debout, de même que des monuments le long de la route centrale, de l'agora, de l'amphithéâtre, des carrefours [et de] la citadelle. »

« En plus des éléments qui, comme nous le savions, ont été détruits, nous avons vu ces derniers jours des photos horribles de l'intérieur du musée, qui a été vandalisé — des statues couchées sur le sol, endommagées ou détruites », a-t-il déclaré.

« Nous aimerions bien sûr nous rendre à Palmyre et mener des évaluations plus approfondies dès que possible », a-t-il ajouté. « À l'heure actuelle, la mise en place des conditions de sécurité n'est pas claire, mais nous sommes évidemment en contact avec le Département syrien des antiquités. »

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Abdoulkarim a indiqué qu'une statue du Lion al-Lat, construite au 2ème siècle et située à l'entrée du musée, avait été détruite.

« Ils ont transformé le musée en tribunal et en donjon, et ont fait exploser deux autels islamiques près des ruines », a-t-il dit, ajoutant que « des dizaines de tombes en tour » — des tours funéraires hautes et en pierre — avaient bel et bien été détruites.

Lorsque l'EI avait envahi cette ville en mai dernier, cela avait été perçu comme un signe de l'affaiblissement de plus en plus marqué de l'armée du gouvernement syrien. À cette époque, Bachar Al-Assad avait déclaré que ses troupes avaient dû battre en retraite depuis cette enclave située en plein désert pour aller protéger des zones très peuplées plus à l'ouest.

Près d'un an plus tard, la situation sur place est très différente. L'automne dernier, la Russie a commencé à bombarder des positions tenues par les rebelles, menant à une reconquête par les forces loyalistes et leurs milices alliées de villes comme Alep. Se retrouvant dos au mur, et sous un tapis de bombes russes, les groupes rebelles syriens — à l'exception de l'EI et du Front Al-Nosra, affilié au groupe terroriste Al-Qaïda — ont accepté le mois dernier un cessez-le-feu amené par l'ONU qui continue à être observé, malgré des violations sporadiques.

Cette trêve a renversé la dynamique initiée en mai dernier. Au lieu de se retirer de Palmyre pour aller combattre ailleurs, le régime syrien a été capable de concentrer ses efforts sur cette ville alors que les batailles contre l'opposition plus modérée se faisaient plus calmes dans d'autres régions. Le régime a remporté une importante victoire militaire et en termes de réputation.

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Malgré une intense couverture médiatique de la capture de cette ville par l'EI et de la destruction largement rediffusée, le pillage à Palmyre — tout comme dans d'autres régions de la Syrie — existait bien avant l'État Islamique. Ce groupe terroriste a également tenté de vendre des antiquités dans des zones sous son contrôle en Irak et en Syrie, un commerce lucratif.

Amr Al-Zam, un ancien responsable des antiquités en Syrie qui a élu domicile aux États-Unis où il enseigne désormais, a déclaré avoir vu des documents concernant divers objets pris de Palmyre qui sont apparus sur des marchés illégaux en Turquie mais aussi à Raqqa, la capitale auto-déclarée de l'EI en Syrie. Ces objets avaient été volés à la fois avant et après la prise de Palmyre par l'EI, a-t-il dit, témoignant de pillages ayant été perpétrés par du personnel gouvernemental syrien depuis l'éclatement de la guerre civile.

« Les deux camps ont pillé, les deux camps ont profité de cela », a souligné Amr Al-Zam.

Maamoun Abdoulkarim, le responsable des antiquités, a indiqué que le gouvernement syrien pouvait, avec des financements suffisants, reconstruire « les monuments endommagés ».

« Le Temple de Baalshamin, le Temple de Bel, l'Arc de Triomphe et des dizaines de tours funéraires vont être reconstruites », a-t-il déclaré. « Nous allons évaluer les dégâts causés aux structures afin de déterminer ce que nous pouvons réutiliser dans la restauration et la reconstruction des deux temples, et si nécessaire, nous utiliserons des pierres de la carrière de Palmyre. »

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Amr Al-Zam, qui dit soutenir l'opposition modérée dans le pays, a indiqué qu'il était heureux que l'EI ait été repoussé de la ville avec un minimum de dommages au cours des combats qui ont lieu ce mois-ci.

« C'était notre plus grande peur, que les combats se résument à des échanges particulièrement violents dont certains auraient pu se concentrer autour des zones de l'arche, car c'est un bon terrain pour ce genre de choses, et en marge des combats la destruction aurait pu être catastrophique », a-t-il expliqué. « À notre grande surprise, et notre grand plaisir, cela n'est pas arrivé. »

Ce professeur a toutefois grincé des dents à l'idée que le régime d'Assad reçoive une bonne presse après la reconquête de Palmyre, après qu'ils ont « travaillé systématiquement pendant la ou les deux années écoulées pour détruire toute alternative viable à l'EI ».

« Dire "Nous allons reconstruire ceci" est quelque chose qui fait le jeu du régime », a déclaré Azm. « Cela signifie qu'ils vont obtenir une reconnaissance internationale. Cela veut dire que l'UNESCO va discuter davantage avec eux. »


Suivez Samuel Oakford sur Twitter : @samueloakford

Cet article est a d'abord été publié sur la version anglophone de VICE News.

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