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Crime

La RDC jure que les 400 corps découverts dans une fosse ne sont pas ceux d’opposants politiques

Les autorités locales ont enterré plus de 400 corps dans la nuit du 19 mars mais assurent que les cadavres sont ceux de fœtus morts-nés et de personnes non-identifiées ou non-réclamées à la morgue.
Photo par Kenny Katombe/Reuters

À la fin du mois de mars, les habitants du quartier de Maluku, à Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo (RDC), ont commencé à remarquer une odeur nauséabonde. Elle émanait d'un lopin de terre récemment creusé à côté de leurs maisons. Quelque temps avant que la puanteur se manifeste, des camions et des ouvriers étaient arrivés à la nuit tombée sur la zone. Une association de défense des droits de l'homme est venue enquêter et s'est aperçue que le site est un cimetière.

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La mission des Nations Unies au Congo a ouvert une enquête et demandé au gouvernement congolais de fournir une explication. Le 3 avril, celui-ci a confirmé que les autorités locales ont enterré plus de 400 corps dans la nuit du 19 mars, mais assure que les cadavres sont ceux de f?"tus mort-nés et de personnes non identifiées ou non réclamées à la morgue. Certains activistes craignent cependant que les restes d'opposants politiques tués en janvier aient été également enterrés ce soir-là.

Le gouvernement congolais affirme que chaque corps a été enterré séparément et pas dans une fosse commune, rapporte l'agence Reuters. Ida Sawyer, chercheuse à l'ONG Human Rights Watch (HRW), jointe par VICE News, dit cependant que la population locale est toujours choquée par cet enterrement de masse.

« Le nombre de corps est assez énorme et certains craignent que des gens tués par les forces de sécurité fassent partie des corps enterrés dans cette fosse commune, » explique Ida Sawyer, en référence aux manifestations de fin janvier réprimées par le gouvernement.

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Les manifestations ont été déclenchées par un projet de loi qui aurait probablement repoussé les élections présidentielles de 2016 et étendu le pouvoir du président Joseph Kabila, avec le renfort d'un référendum national. L'opposition s'est intensifiée le 19 janvier , atteignant Kinshasa et la ville de Goma, à l'Est. Dans ces deux villes, la police a ouvert le feu sur les manifestants.

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« Des dizaines de personnes sont mortes et de nombreuses victimes ont été emmenées par la police ou la garde républicaine juste après avoir été tuées. Des familles ne sont toujours pas en mesure de localiser les corps de leurs proches, » poursuit Ida Sawyer. « Nous n'avons pas la preuve que des personnes tuées pendant les manifestations se trouvent parmi les corps de la fosse commune, mais cela soulève des questions. C'est très inhabituel de voir autant de corps non identifiés, abandonnés, ou de bébés morts nés enterrés en même temps par le gouvernement. »

HRW attire également l'attention sur l'Opération Likofi, une mission antigang menée en 2013 et 2014, qui a conduit à la mort de dizaines de jeunes hommes et à la disparition d'une quarantaine d'entre eux. La police a vraisemblablement récupéré les cadavres et dit aux familles des victimes qu'elles n'étaient pas autorisées à organiser un enterrement ni même à récupérer les corps.

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Les autorités judiciaires congolaises ont ouvert cette semaine une enquête sur les tombes. Ida Sawyer estime qu'il est important de continuer à réclamer des réponses : « Nous ne pouvons pas en rester là, nous devons en savoir plus. »

Le ministre de la Justice congolais, Alexis Thambwe, a dit à Reuters, vendredi dernier, que le gouvernement exhumerait les corps de la fosse commune si quiconque a le « moindre doute » sur l'origine de ces corps. Ce lundi, un porte-parole du gouvernement a cependant déclaré que les corps ne seraient pas exhumés et que personne n'est en mesure de prendre une telle décision.

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« On ne sait pas s'ils vont exhumer ou non les corps, » estime Ida Sawyer. « S'ils vont au bout de leur engagement, la lumière pourra être faite sur le fait que ces personnes enterrées ont été tuées ou non par balles. »

Le mystérieux enterrement collectif a attiré l'attention sur la répression du gouvernement congolais avant l'élection présidentielle de 2016. En plus des plaintes des familles de manifestants disparus, des responsables de l'opposition et des activistes politiques sont détenus en nombre depuis le mois dernier.

Les forces de sécurité ont mis en détention environ 40 personnes, le 15 mars dernier, après un rassemblement organisé par Filimbi, une plateforme pro démocratie qui réunit de jeunes Congolais, et l'ambassade américaine. Plusieurs journalistes étrangers et un diplomate américain ont été placés en garde à vue puis relâchés. Ce jeudi, la police de RDC détenait cinq membres du mouvement de jeunes Lucha, alors qu'ils manifestaient contre les arrestations du mois de mars à Kinshasa.

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Suivez Kayla Ruble sur Twitter: @RubleKB