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FRANCE

Le procès du général de la manifestation interdite à Calais est repoussé pour raison de santé

Après avoir participé à une manifestation hostile aux migrants interdite à Calais, le général Piquemal devait être jugé ce lundi à Boulogne-sur-Mer — un cas rarissime pour un ancien militaire.
Pierre Longeray
Paris, FR
Le général Christian Piquemal s’adresse aux manifestants lors d’un rassemblement organisé à l’appel de Pegida à Calais, le 6 février 2016. REUTERS/Pascal Rossignol

Devant le palais de justice de Boulogne-sur-Mer, quelques manifestants équipés de drapeaux français étaient venus soutenir ce lundi midi un prévenu un peu particulier : le général Christian Piquemal, 40 ans de service dans l'armée dont quatre à la tête de la Légion étrangère et un certain appétit pour les manifestations « patriotes » depuis qu'il est à la retraite.

Mais en plein état d'urgence, participer à un rassemblement interdit comporte certains risques — notamment celui de se retrouver devant la justice. Il devait être jugé en comparution immédiate ce lundi pour avoir pris part à une petite manifestation hostile aux migrants à Calais samedi dernier, le général de 75 ans n'a finalement pas pu se rendre à l'audience — ayant fait un malaise.

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L'audience a alors été renvoyée au 12 mai selon son avocat. Il encourt jusqu'à un an de prison ferme et 15 000 euros d'amende. Quatre autres individus devaient comparaître ce lundi pour « port illégal d'armes » (point américain, taser et cutter) lors de ce rassemblement, qui répondait à l'appel lancé la semaine dernière par le mouvement d'extrême droite d'origine allemande Pegida (Patriotes européens contre l'islamisation de l'Occident).

Piquemal avait appelé à manifester sur son blog

Accompagné d'une petite centaine de personnes, Piquemal se trouvait effectivement devant la gare de Calais Ville ce samedi après-midi pour participer à cette manifestation hostile aux migrants — dont plusieurs milliers vivent dans la « Jungle » localisée à quelques kilomètres du centre-ville calaisien.

Une centaine de nationalistes manifestent à Calais malgré l'interdiction et la demande des policiers de se disperser — Hugo Clément (@hugoclement)February 6, 2016

Dès mercredi, la manifestation avait pourtant été interdite par le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, craignant des « troubles à l'ordre public ». Mais le Général Piquemal avait décidé d'aller à l'encontre des ordres, en publiant vendredi sur son blog un appel à manifester à Calais, jugeant « abusive et arbitraire » la mesure prise par le ministère de l'Intérieur.

« J'invite tous les Patriotes et associations patriotiques à se joindre à nous, » déclarait le général, président du micro-groupe « Citoyens-Patriotes ». L'homme a été présenté comme l'organisateur officieux du rassemblement de samedi. « Le général, il n'est pas venu à Calais pour faire de la figuration, » avait déclaré à l'AFP, le procureur de Boulogne-sur-Mer, Jean-Pierre Valensi, suite à l'arrestation de Piquemal.

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Arrestation musclée

Après quelques saluts nazis rapportés et des « On est chez nous » scandés devant la gare par la poignée de manifestants, les gendarmes présents en nombre ont tenté de disperser le rassemblement. Ils ont alors interpellé le général Piquemal, qui devait donc être jugé ce lundi pour « participation à un attroupement qui ne s'est pas dissous après sommation. »

Des images de l'arrestation du général Piquemal via Ruptly TV

Avant son arrestation, Piquemal donnait une interview vidéo au site Boulevard Voltaire (classé très à droite), où il expliquait que les manifestants réunis ce jour-là à Calais étaient traités comme des « cannibales » avant d'assurer que « la France debout va se lever » et qu' « il va se passer des choses dans les mois qui viennent. »

Dès 2010, Piquemal expliquait au quotidien traditionaliste Présent sa vision des choses sur l'état de la France. « La France est un pays en déclin, » déclarait-il au journal qui titre ce lundi « Merci, mon général ! ». « Cette France perd son âme et son identité, » enchaînait Piquemal, « un pays multiculturel, multiracial, métissé, ne peut l'être que si les personnes qui constituent la France depuis l'origine ne deviennent pas minoritaires. »

Droit de réserve

Le général pouvait-il participer à une manifestation ? En France, les militaires en service doivent respecter les limites fixées par leur statut général, et notamment le devoir de réserve qui leur interdit toute activité syndicale et l'adhésion à un parti politique, ainsi que l'expression de leurs opinions et croyances.

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« En tant que militaire en deuxième section, retiré du service actif, il [le général Piquemal] n'est pas tenu au devoir de réserve, il peut donc s'exprimer comme il le souhaite. » explique à VICE News le sociologue Sébastien Jakubowksi, qui est maîtres de conférences à Ecole Supérieure du Professorat et de l'Education (ESPE) Lille Nord de France et spécialiste de l'armée française.

« Vous avez d'ailleurs souvent des généraux qui s'expriment une fois qu'ils sont à la retraite, qui écrivent leurs mémoires et publient des tribunes. »

Toutefois, d'après ce sociologue, les hauts-gradés, qu'ils soient actifs ou à la retraite, s'expriment « très majoritairement sur des questions militaires, pas sur des sujets de société comme c'était le cas ce samedi à Calais ».

Patron de la Légion

Avant de frayer avec l'extrême droite et de participer à des manifestations hostiles aux migrants, le général Piquemal avait passé près de 40 ans dans l'armée. Diplômé de Saint-Cyr et en ingénierie nucléaire à Supélec, Piquemal intègre les parachutistes, où il va progressivement monter en grade.

Au début des années 1990, le général rejoint les cabinets militaires de trois Premiers ministres socialistes, Michel Rocard, Édith Cresson et Pierre Bérégovoy. Le sommet de sa carrière, il l'atteint en 1994 quand il prend la tête de la Légion étrangère. Jusqu'en 1999, il va mener ce corps particulier de l'armée française, où il est possible de recruter des soldats étrangers, et dont la devise est « Notre patrie, c'est la Légion ».

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En 1999, il est alors promu général de corps d'armée, avant de devenir de 2004 à 2014, président de l'Union nationale des parachutistes. Piquemal a reçu au cours de sa carrière les titres d'officier de l'Ordre national de la Légion d'honneur (1996) et de commandeur d'Ordre national du Mérite (1999).

De nombreux soutiens de l'extrême droite

Dès l'annonce de son arrestation ce samedi, plusieurs membres de la classe politique — principalement de l'extrême droite — se sont indignés. Robert Ménard, le maire de Béziers, a été l'un des premiers à dégainer en déclarant sur Twitter, « Clandestins en liberté, général français arrêté, bienvenue en Hollandie #Piquemal ».

Marion Maréchal Le Pen, députée du Vaucluse pour le Front National, a aussi exprimé son soutien au général « injustement et brutalement arrêté à #Calais ! », suivie de près par Gilbert Collard, député FN du Gard, qui estime qu'avec l'arrestation de Piquemal « le patriotisme devient un délit ».

Des membres du parti Les Républicains, notamment le député Thierry Mariani et Guillaume Peltier, le porte-parole du parti présidé par Nicolas Sarkozy, se sont aussi exprimés sur Twitter ou à la radio pour soutenir le général.


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Pierre-Louis Caron a participé à la rédaction de cet article @pierrelouis_c

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Photo : Le général Christian Piquemal s'adresse aux manifestants lors d'un rassemblement organisé à l'appel de Pegida à Calais, le 6 février 2016. REUTERS/Pascal Rossignol