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FRANCE

Est-ce qu’on va tous manger du mouton-méduse ?

Une agnelle, dont la mère avait reçu un gène de méduse, s’est retrouvée dans un abattoir pour être vendue comme viande à consommer. L’incident révélé ce lundi reste isolé, la viande d’animaux transgéniques n’est pas près d’être commercialisée en Europe.
Image via Flickr / Dominique Ariberti

De la viande de brebis génétiquement modifiée s'est retrouvée il y a plusieurs mois dans le commerce par erreur, a révélé le quotidien français Le Parisien ce mardi matin. Rubis, une agnelle porteuse d'un gène de méduse censé rendre les animaux fluorescents, a été envoyée à l'abattoir en août 2014, avec un cheptel d'animaux non-génétiquement modifiés alors qu'elle aurait dû rester dans les laboratoires français de l'Institut national de recherche agronomique (Inra).

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La carcasse de Rubis a ensuite été vendue par un abattoir de la région parisienne à un particulier, à la fin du mois d'octobre 2014. On ignore qui a acheté et éventuellement mangé Rubis, car la traçabilité précise de la viande n'est pas obligatoire dans cette situation. L'animal appartenait aux organismes génétiquement modifiés du groupe 1, « dont le risque pour la santé humaine et pour l'environnement est nul ou négligeable », rappelle l'Inra ce mardi.

L'Anses confirme l'absence de risque pour le consommateur de l'agneau né d'une brebis génétiquement modifiée — Inra (@Inra_France)June 23, 2015

Jean-Christophe Pagès est le président du Comité scientifique du Haut conseil des biotechnologies, un organisme public consulté par l'État sur toutes les questions liées aux organismes génétiquement modifiés. Contacté par VICE News, ce mardi, M. Pagès indique que c'est « le premier incident de ce type qui a lieu en France ». Il nous a précisé que « La nourriture issue d'animaux génétiquement modifiés n'est pas d'actualité, car aucun pays en Europe n'a reçu de demande pour en commercialiser. »

Le programme « Mouton vert »

Rubis l'agnelle devait servir à la recherche sur les problèmes cardio-vasculaires humains, au sein du programme « Mouton vert », créé en 2009 dans l'Unité commune d'expérimentation animale (UECA) de l'Inra. C'est Émeraude, la mère de Rubis, qui a d'abord été génétiquement modifiée. Les scientifiques lui ont transmis une protéine issue d'une méduse, la GFP, ou « green fluorescent protein », censée faire apparaître chez l'animal une couleur fluorescente et rendre sa peau transparente. Le but de l'expérience, indique l'Inra, est d'évaluer la viabilité de greffes de cellules sur les hommes victimes d'infarctus du myocarde.

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Émeraude a donné naissance à plusieurs agneaux et agnelles, dont Rubis, au printemps 2014. Contactée par VICE News, l'Inra précise, que « La brebis était bien porteuse du gène qui a été transmis à sa mère, mais la protéine GFP ne s'exprimait pas chez elle, donc la peau de Rubis n'était pas fluorescente ou transparente. »

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Un agent de l'Inra aurait mis Rubis dans un cheptel de bêtes destinées à l'abattoir. Un geste qui reste pour le moment inexpliqué. Un deuxième agent, un chef d'équipe, aurait alors validé le bon de livraison sans savoir que Rubis faisait partie du lot. Remarquant la disparition de l'animal, le chef finit par apprendre la vérité mais aurait décidé de ne rien signaler, « dans l'attente de sa titularisation définitive, » affirme Le Parisien, citant des sources anonymes. Il aurait attendu le mois de novembre 2014, après que la viande génétiquement modifiée a quitté l'abattoir, pour prévenir ses supérieurs, qui ont alors déclenché une enquête administrative interne.

Cette enquête a pointé de nombreux problèmes au sein des deux sites concernés de l'Unité commune d'expérimentation animale (UECA) de l'Inra, en région parisienne : « méconnaissance de la réglementation », « absence d'identification spécifique des animaux OGM »,« absence de confinement de la brebis OGM logée dans un haras avec des béliers », équipes en charge des ovins et des caprins « rétives à l'autorité ». Des suites pénales pourraient être données, car le parquet de Meaux a transmis l'affaire au tribunal de grande instance de Paris.

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Le directeur du site de l'Inra de Jouy-en-Josas, Benoît Malpaux, a estimé que « les faits sont inadmissibles », rapporte Le Parisien. Le ministre français de l'Agriculture Stéphane Le Foll a quant à lui qualifié l'affaire d' « inacceptable », ce mardi sur la radio France Info. Il indique que la piste privilégiée est celle d'une « malveillance délibérée » et a demandé à l'Inra un « plan d'action » pour « éviter que cela se reproduise ».

La France, comme tous les autres pays d'Europe, n'autorise pas la commercialisation de viande issue d'animaux génétiquement modifiés. Si une telle demande était formulée, nous explique Jean-Christophe Pagès, « c'est l'Union européenne qui décide, mais chaque État peut refuser d'importer de la viande d'animaux génétiquement modifiés, en invoquant des principes sanitaires, environnementaux et, depuis la directive 2015/412, des données socio-économiques pourront être utilisées. » Aucune demande de ce type n'a été déposée, assure-t-il.

Mais des animaux génétiquement modifiés pourraient quand même être lâchés dans la nature. Jean-Christophe Pagès indique qu'une demande « pourrait émerger, pour la commercialisation de mouches génétiquement modifiées ». Celles-ci serviraient à protéger les oliviers de certains pays d'Europe contre une maladie véhiculée par certaines mouches. « Le principe est de rendre ces mouches génétiquement modifiées stériles, pour faire baisser la population des autres spécimens responsables de la maladie, » explique-t-il. Si cette demande se concrétise, le HCB serait consulté pour évaluer les conséquences sanitaires et environnementales de l'arrivée de ces possibles mouches stériles.

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Une brebis et sa mère (image d'illustration). Image via Flickr / Dominique Ariberti