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2 millions de signatures pour que le président rwandais puisse rester au pouvoir

Les signatures ont été reçues par le Parlement rwandais, qui va se pencher sur la possibilité pour le président Paul Kagamé de briguer un troisième mandat, normalement interdit par la Constitution.
Image via Wikimedia commons / © ITU/J.Ohle

Le Parlement rwandais a annoncé, ce mercredi, qu'il va examiner cet été les pétitions signées par environ deux millions de Rwandais, pour modifier la Constitution de ce pays de 12 millions d'habitants, situé dans l'Est de l'Afrique. Cette modification permettrait au président Paul Kagamé d'être candidat à un troisième mandat lors les élections de 2017.

« Vu l'exercice très autoritaire du pouvoir par le camp présidentiel, on peut fortement douter de la sincérité de ces signatures, » estime l'historien Gérard Prunier, spécialiste de l'Est de l'Afrique et contacté par VICE News ce jeudi. « Paul Kagamé va sans doute parvenir à se maintenir au pouvoir sans encombre, » continue-t-il.

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La présidente de la chambre des députés rwandaise, Donatilla Mukabalisa, a déclaré à l'AFP avoir « reçu autour de deux millions de demandes de la population », soit environ 20 pour cent de la population, pour modifier l'article 101 de la Constitution qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Elle a annoncé que les deux chambres du Parlement devraient se prononcer sur les suites à donner à ces pétitions entre le 5 juin et le 4 août.

Pas de scénario à la burundaise

Paul Kagamé, issu du Front patriotique rwandais (FPR) a été élu président du Rwanda en 2003, avec 95 pour cent des voix, et réélu en 2010 avec 93 pour cent des voix. Avant 2003, il était vice-président et ministre de la Défense. Paul Kagamé occupe de hautes fonctions depuis 1994, après le génocide rwandais qui a fait environ 800 000 morts.

Paul Kagamé est accusé par l'opposition de museler toute contestation depuis son accès au pouvoir. Son parti, le FPR, domine les deux chambres du Parlement et fait campagne pour un troisième mandat présidentiel. « L'assise politique de Paul Kagamé est très forte. Il maîtrise tout l'appareil d'État, et le FPR quadrille efficacement le petit territoire national, » indique l'historien Gérard Prunier, qui exclut tout scénario semblable à celui du Burundi, le voisin du Sud. « Contrairement au président burundais Pierre Nkurunziza, qui veut également un troisième mandat, le président Kagamé agit plus habilement et ne risque pas de faire face à une contestation populaire, » estime le spécialiste.

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À lire : Après l'assassinat d'une figure de l'opposition, dialogue incertain au Burundi

Le Rwanda fait face à un afflux de réfugiés venus du Burundi ces dernières semaines. Selon le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) de l'ONU, ils étaient à la mi-mai plus de 25 000 à s'être réfugiés chez le voisin rwandais, qui accueille déjà plus de 70 000 réfugiés venus de République démocratique du Congo.

2 millions de signatures

René Mugenzi est un opposant au président Kagamé. Pour ce militant rwandais des droits de l'Homme exilé au Royaume-Uni et interrogé ce mercredi par l'AFP, les deux millions de signatures sont une « mise en scène » qui a pour but de rendre crédible l'idée que « le changement constitutionnel est réclamé par le peuple ». Il estime, poursuit l'AFP, que beaucoup de Rwandais sont contraints de signer les pétitions sous peine de perdre leur emploi ou, plus généralement d'être exclus. L'historien Gérard Prunier pense également que ces signatures peuvent être une manipulation.

Des accusations que balaie la présidente de la chambre des députés Donatilla Mukabalisa, « Ce sont les gens qui prennent cette initiative, […] ils ne sont pas du tout forcés. » Elle ajoute que, « Lorsqu'ils expriment leurs souhaits, on voit qu'ils le font du fond du c?"ur. »

Le régime s'appuie en partie sur les progrès économiques effectués depuis l'époque du génocide. « Paul Kagamé est très bon gestionnaire et tire bien parti des ressources du pays, » poursuit M. Prunier. » Même s'il ne faut pas oublier que les bénéfices économiques profitent encore à une minorité d'habitants, et que le 'miracle rwandais' est en partie financé par l'étranger. »

Avec une croissance d'environ 5 à 10 pour cent du PIB depuis près de 20 ans et une stabilité politique considérée comme élevée, le Rwanda est l'un des pays les plus attractifs économiquement sur le continent africain, comme le montre le rapport « Doing business » de la Banque mondiale.

Suivez Matthieu Jublin sur Twitter :@MatthieuJublin

Image via Wikimedia commons / © ITU/J.Ohle