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L'étrange légende des ventilateurs assassins de Corée du Sud

Une rumeur sud-coréenne raconte qu'un ventilateur allumé pendant la nuit peut veut coûter la vie.
Un petit singe mouillé profite d'un petit ventilateur.
Photo : Jung Yeon-Je/AFP 

Si un jour vous allez en Corée du Sud en été, par pitié, ne branchez pas de ventilo dans votre chambre avant de dormir si vous fermez les portes et les fenêtres : vous risqueriez d’en mourir. Vous trouvez ça insensé ? Pour un esprit occidental, peut-être, mais la légende urbaine appelée « fan death » persiste dans la société sud-coréenne depuis plus d’un siècle — depuis l’introduction des ventilateurs personnels sur la péninsule, en fait.

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Dit comme ça, ça peut sembler ridicule (au moins jusqu’à ce que l’on se penche sur nos superstitions hexagonales — après tout, beaucoup d'Européens pensent que les chats tuent les bébés en aspirant leur souffle), mais la croyance est si profondément ancrée dans les esprits qu’en 2006, la Korea Consumer Protection Board (KCPB), l’équivalent local de 60 Millions de consommateurs, listait l’« asphyxie par ventilateur électrique et air conditionné » dans les cinq accidents estivaux les plus récurrents.

Selon l’agence, 20 cas d’asphyxie de ce genre auraient été recensés entre 2003 et 2005. Le scénario invoqué dans les médias est toujours plus ou moins le même : un individu apparemment sain est retrouvée mort dans son lit à proximité d'un ventilateur. Le KCPB explique que « des minuteurs devraient être installés, le courant d'air mis en rotation, et les portes laissées ouvertes. » Ainsi, en Corée du Sud, les ventilateurs disposent de minuteurs et leurs manuels d’utilisation recommandent de laisser portes et fenêtres entrouvertes.

Le rapport va plus loin, puisqu’il fournit une explication « scientifique » au phénomène : les ventilateurs et climatiseurs, affirme-t-il, « causent la perte d’eau et l’hypothermie », mais également « la mort due à une augmentation de la concentration en dioxyde de carbone et la diminution de l’oxygène. » Selon le texte, les personnes âgées seraient particulièrement vulnérables — tout comme les gens bourrés, ajoute la croyance populaire.

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Cette rumeur est évidemment fausse. Les risques d'asphyxie et d'hypothermie invoqués ne tiennent pas la route d'un point de vue scientifique, rapporte le site de fact-checking Snopes. Les ventilateurs ne refroidissent pas l'air, ils le font circuler. Et tant que la pièce n'est pas minuscule et fermée hermétiquement, tout devrait bien se passer côté dioxyde de carbone. Snopes conclut : « L'argument le plus probant contre la mort par ventilateur est que les gens qui utilisent des ventilateurs pendant la nuit dans d'autres pays n'en meurent pas. »

Reste qu'à la suite des canicules des années 1980 et 1990, l’Environmental Protection Agency (EPA) et le Center for Disease Control (CDC), deux institutions américaines respectables, ont déconseillé l'utilisation des ventilateurs dans des pièces fermées dans certains cas, évoquant l’effet de convection comme facteur mineur de déshydratation. En clair : utiliser un ventilateur dans une pièce fermée par 32 degrés ou plus peut accélérer l’évaporation de la sueur et déclencher une hyperthermie, un phénomène au cours duquel la chaleur du corps dépasse ses 37,5°C normaux. Reste qu'une hyperthermie devient potentiellement mortelle à partir de 41,5°C. Ça fait beaucoup pour un pauvre ventilateur.

Tout cela ne change rien pour le Pays du matin calme. Depuis 1927 et la parution d’un article intitulé « Étranges conséquences des ventilateurs électriques », la croyance tient bon chez les sud-coréens. Elle a même été ravivée en 2011 lorsqu’un Coréen de 59 ans a été retrouvé mort dans sa chambre fermée, un ventilateur pointé vers sa tête. Reste à savoir comment une telle légende a pu croître si profondément dans ce seul pays. D’aucuns spéculent que dans les années 1970, le gouvernement coréen aurait propagé la légende pour que ses citoyens utilisent moins d’électricité. Un peu léger pour instaurer une psychose nationale pendant 75 ans, quand même.

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