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Food

Henry Michel regarde Top Chef - S09E07 : pour 100 M.O.F t'as plus rien !

Du haut de ce centième épisode, autant de Meilleurs ouvriers de France vous contemplent et rappellent que les plus belles délicatesses de tables ont été accouchées dans la sueur et la souffrance.
Capture d'écran de l'épisode 7 de Top Chef @M6

Chaque semaine, notre chroniqueur débriefe le dernier épisode de la meilleure émission du PAF, en toute subjectivité.

C'est un grand plaisir de revenir débriefer avec vous ce septième épisode de Top Chef 2018 ! Un épisode exceptionnel pour cette centième émission, qui a réuni exactement tout ce qui me fait vibrer dans Top Chef : du goût, de la technique, et quelques accidents dans cette chorégraphie bien huilée nous révélant ce qui fait le sel de la gastronomie française.

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Et du sel il va y en avoir : Thibault éliminé la semaine dernière, il ne reste plus que 7 candidats certes doués, mais parmi lesquels ne figure pas de génie garanti de ne pas dégager à tout moment. Le suspense est là, et pour cette centième, les épreuves ont été à la hauteur.

Epreuve n°1 : Avec les vedettes de la chaîne

Cadeau de M6 : la chaîne a offert à chaque candidat un commis puisé dans son vivier d'animateurs de catégorie B+. On n'est pas dans du Bernard de la Villardière option acajou, cuir haut de gamme et écran 7 pouces intégré, mais dans de la citadine assez courte pour se garer facilement, ou de l'occase encore vaillante.

Les attributions :
David Ginola, ancien footballeur et nouveau foodix, cuisinera avec Matthew
Eric Antoine, magicien relou (ce qui est un pléonasme), rejoindra Adrien
Ophélie Meunier et ses lunettes astucieuses travailleront avec Vincent
Mac Lesgy, au regard de braise, viendra assister Clément
Marianne James, cantatrix, cuisinera avec Clément
Julia Vignali, je ne sais pas qui c'est, viendra assister Victor.
Et, grande joie, on verra enfin Stéphane Rotenberg mettre à profit ses années d'observations auprès du bon Camille.

Le twist : c'est à chaque animateur d'aller chercher les ingrédients dans le garde-manger sans instruction du chef, qui se verra obligé d'utiliser toute la cagette.

Les animateurs ont tous des niveaux de cuisine variés, sur une échelle de Julia Vignali, qui ne cuisine jamais, à David Ginola, dont le zèle et l'application laissent entrevoir un véritable intérêt pour la discipline. L'épreuve reste dans l'ensemble sympathique et bon enfant et moins désagréable que ce que le casting pouvait me laisser imaginer. Il n'y a eu ni tour de magie, ni de but de la Bulgarie !

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Mathew et David Ginola

Ce que David Ginola rapporte : une sélection plutôt cohérente de produits aux accents méditerranéens, avec la seiche comme produit principal.

Leur plat : « Seiche en trois cuissons, bouillon encre et citron »
En réalité : seiche en trois cuissons, jus de carotte, carottes glacées, purée de carottes citron, fausses tagliatelles de seiche, tentacules et chorizo poêlés, têtes de seiches sautées.

Notes d'épreuve :
- Je citerai juste cet extrait de la fiche wikipedia de David Ginola : « Si personne ne conteste les qualités techniques de Ginola, on lui reproche un certain individualisme sur et hors du terrain. »
- C'était le cas aussi au début de cette épreuve, avec un Ginola plein d'idées et directif, annonçant à Rotenberg sa recette sans consulter son chef référent. Mais Matthew s'est méfié à bon escient : même si Ginola aime la bouffe, cela reste un varois de Gassin. On les voit venir, ses seiches à la plancha, plat estival tropézien typique, simple et bien pensé mais facturé 55€ vins non compris et sans inventivité. Si Matthew avait laissé faire, cela aurait pu se terminer en soirée blanche, avec champagne, Stéphane Collaro, glaçons dans le rosé et flamenco fusion.
- Matthew est à l'aise, il relève le plat à un niveau pré-gastronomique, s'adapte bien aux ingrédients, et délivre un beau plat.

L'avis du jury : « Une idée formidable », « C'est dingue », « Je trouve ça vraiment formidable », « La fleur de courgette avec le chorizo, bravo c'est brillant », « Le bouillon d'encre est un tout petit peu fade »

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Bonus multimédia : Ginola qui rappe sur du Eminem (si vous n'êtes pas convaincu, proposez à Eminem de tirer un centre)

Ophélie Meunier et Vincent

Ce qu'Ophélie rapporte : une sélection « agrumes et fruit de mer » soit géniale soit complètement à côté de la plaque : deux citrons, deux oranges, des bulots, et, fort heureusement, de beaux ormeaux qui à eux seuls peuvent sauver une soirée. Mais pour y arriver, il y a du bulot.

Leur plat : « Ormeaux cuits au naturel et agrumes »
En réalité : ormeaux, légumes sautés, basilic frit, agrumes, huile fumée, charbon fumé à la torche, verre d'huile de pépin de raisin.

Notes d'épreuve :
- Flirt soigneusement entretenu par le montage entre Vincent et son commis. Jessica Préalpato est laissée en « Lu ».
- Vincent est quand même très à l'aise avec l'ormeau, qu'il attendrit à grand coups de casseroles et traite avec gourmandise.
- L'huile de sésame fumée au charbon, crépelienne et maline, vient sublimer le petit dispositif, je ne suis pas totalement sûr de la sûreté non-cancérigène du procédé.

L'avis du jury : « J'aime le côté brut », « C'est délicieux, c'est très bon, très délicat», « C'est un peu une cuisine de meuf, d'une fraîcheur très intense », « C'est vraiment parfait »

Bonus multimédia : l'ormeau dans le Finistère

Marianne James et Geoffrey

Ce que Marianne rapporte : une sélection particulièrement bénéfique pour Geoffrey : un produit principal très complet en arômes et déclinaisons possibles, la sardine, beaucoup d'herbes, et de l'aubergine.

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Leur plat : « La sardine en liberté »
En réalité : sardine grillée au poivre de Sichuan, caviar d'aubergine fumé au poivre de Sichuan, bouillon fenouil/oignon/citronnelle et arêtes de sardines.

Notes d'épreuve :
- Geoffrey est officiellement sacré Roi du Bouillon. Maître Bouilloniste. King of the bouillon game. ll médite sur ses fumets, les ponce, c'est son coup spécial qui fait mouche presque systématiquement.
- C'est une chose de passer des épreuves, c'en est une autre de sortir de la compétition en ayant autant défini son style devant les téléspectateurs. La zone de confort de Geoffrey, c'est ce type de plats, épure et goûts précis, bouillons fins et racés, plats très définis. En tout cas cela impressionne Marianne James.

L'avis du jury : « Je pense pas que la qualité du plat soit le visuel », « La purée d'aubergines est très bonne », « C'est délicieux », « Woaaa c'est boooon », « Je suis en Asie, je suis parti, adore, j'adore cette assiette ».

Bonus multimédia : le bouyon est aussi un style musical dominico-guadeloupéen, dont voici un exemple avec ce morceau qui n'est pas éloigné du monde culinaire puisqu'il évoque un gros pain pour un gros biscuit.

Julia Vignali et Victor

Ce que Julia rapporte : une sélection plutôt cohérente, sans pour autant que la présentatrice sache tout à fait ce qu'elle ramène : seiche, champignons (shiitake et trompettes de la mort), ail, tomates cerises, coriandre.

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Leur plat : seiches shiitake, aux tomates, à l'huile de persil.
En réalité : seiches en tagliatelles, trompettes de la mort, eau de tomates, purée de shiitake, haricots mangetout.

Notes d'épreuve :
- Grosse coolitude de Victor qui s'amuse de voir Julia, totale débutante, enchaîner la préparation et les cuissons sous sa conduite.
- Plus que jamais, Victor fait preuve de compétences que son arrivée dans Top Chef n'avait pas permis de détecter. Il rentre son plat comme on rentre une belle figure de skate, et repart sans prendre de selfie devant la rampe.

L'avis du jury : « J'ai hâte de goûter ça », « Oh que c'est bon », « C'est absolument délicieux : on sent le goût de la seiche à la perfection », « Fraîcheur et gourmandise », « C'est digne d'un restaurant de haut vol » .

Mac Lesgy et Clément

Ce que Mac Lesgy rapporte : une sélection « océan et légumes chiants », pas injouable, mais composée de plein de joueurs forts individuellement - fenouil, navets, panais, salicorne, oursin.

Leur plat : « Promenade sur un banc d'oursin » (ça doit faire hyper mal)
En réalité : oursin à la poêlée de légumes, purée de panais, poutargue, sabayon monté à l'eau des oursins.

Notes d'épreuves :
- On réalise qu'on ne parle guère de Clément dont la personnalité, à l'écran, présente peu d'aspérités ou de bosses pour y grimper facilement. En attendant, lui continue à enfiler les épreuves et les sauvetages. Il peut accéder au Top 5 dans le plus grand des calmes, sans que nous n'ayions retenu une seule signature ou trait marquant de son style de jeu ou de cuisine.
- On peut le rapprocher de Geoffrey dans son approche moderne, influences asiat' dans son approche de la définition des saveurs, avec un twist un peu plus français dans les choix d'ingrédients.

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L'avis du jury : « On veut l'oursin », « L'oursin est absent », « Je retrouve l'oursin, mais à côté c'est très acide », « J'aime beaucoup ».

Eric Antoine et Adrien

Ce qu'Eric Antoine rapporte : n'importe quoi. Les invendus d'une semaine de l'Asie au Leclerc de Morlaix : blette, ananas, raie, kumquat, crabe royal.

Leur plat : « Entre les Antilles et la Bretagne ». Bien joué. C'était ça ou « Aux objets perdus de Roissy ».
En réalité : raie pochée dans un bouillon ananas-clémentine, ballottine de blette raie bulots, crabe royal, farce courgette kumquat salicorne, bien laquée à l'huile d'olive.

Notes d'épreuves :
- J'avoue ne pas connaitre Eric Antoine, que je ne jugerai surement pas en tant qu'homme et artiste, mais son tonus m'est extrêmement anxiogène. Il m'évoque un jeune labrador de huit mètres qui vous lèche la joue pendant que vous tentez de construire une Tour Eiffel en allumettes.
- Mais Adrien n'en est pas à sa première descente de montagne avec ou sans grand-mère, et adopte une technique culinaire dite « de l'adolescent » pour gérer l'amoncellement d'ingrédients qu'il a à traiter : il dégage toute les affaires sous le lit pour ranger sa chambre. En l'occurrence, il mixe tout, et le fourre dans une ballottine de blette. Vu de l'extérieur, c'est rond et minimaliste. A l'intérieur, c'est le carnaval de Dunkerque.

L'avis du Jury : « C'est vert ! », « Pour un plat gastronomique c'est un peu simple », « C'est beau à l'intérieur », « C'est riche, c'est frais, j'ai un peu de mal à reconnaitre toutes les saveurs qui se télescopent beaucoup », « ça manque un peu de sel et le kumquat l'emporte un peu trop », « je suis un petit peu déçue quand je goûte ce plat », « mais attention c'est très bon hein »

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Bonus multimédia : un test fascinant de la station service du Leclerc de Morlaix

Stéphane Rotenberg et Camille

Ce que Stéphane rapporte : le fond du bac à frigo d'un célibataire isérois - quelques écrevisses, deux oignons, un peu d'ail et du citron. Dans la séquence suivante, les écrevisses passent de trois à une bonne douzaine, je dis ça je dis rien.

Leur plat : « Les écrevisses aux agrumes de la 100ème »
En réalité : queues d'écrevisses, tartare de concombre et salicornes, sauce Nantua.

Notes d'épreuve :
- Grand plaisir de voir Stéphane rejoindre les candidats le temps d'une épreuve, mais un plaisir très vite rassasié quand on réalise qu'il ne touche pas une bille.
- Les deux compagnons d'épreuve annihilent l'équivalent d'une très grande famille d'écrevisses vivantes avec le sourire. Si je ne m'en émeus peu, je suis par contre surpris que les réseaux sociaux de 2018 ne sombrent pas dans la controverse à chacune de ces séquences. Pour Slate, Thomas Messias avait d'ailleurs enquêté sur les réactions des végétariens face à Top Chef.
- Camille délire un peu sur le citron dans sa sauce sans raison valable, et son dosage abusif ne sera quasiment plus rattrapable pour sauver le plat.

L'avis du jury : « J'ai une déception sur l'ensemble», « Je cherche encore l'écrevisse », « Le citron est trop présent là-dedans », « Je trouve ça un peu simple »

> Victor remporte l’épreuve !

Épreuve 2 : Festival M.O.F

Dans l'agora des grandes écuries du domaine de Chantilly, cent Meilleurs Ouvriers de France entrent au trot. Débute alors l'épreuve qui selon moi a offert les meilleurs moments de cette saison pour le moment. Elle inverse brusquement le rapport de domination de l'épreuve précédente : les candidats, alors instructeurs placides de leurs commis, se prennent de manière frontale le mur technique et exigeant des meilleurs ouvriers de France.

La soumission aux codes que revêt cette noblesse va être totale. Et tous les téléspectateurs qui admiraient le titre de M.O.F sans vraiment le connaître, l'associant juste à un col chouette et une bonne expertise, vont en découvrir l'apreté, l'exigence et peut-être même la cruauté tacitement convenue entre maîtres et apprentis.

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L'épreuve : chaque candidat devra remporter une épreuve technique pour avoir le droit d'aller cuisiner 50 bouchées salées, et 50 bouchées sucrées, dégustées et jugées par cent M.O.F. Il y a donc potentiellement deux gagnants.

DÉFI TECHNIQUE NUMÉRO 1
DÉSOSSER UN PIGEON PAR LE DOS EN VUE D'ÊTRE FARCI
LE PIGEONGATE

Pour chacune des défis techniques qui se succèderont, une séquence montrera Philippe Etchebest réaliser l'épreuve. Ces moments courts, précis et beaux nous remettent en face d'Etchebest, au-delà du personnage façonné par l'émission : il accomplit les épreuves avec aisance, il les a déjà réalisées 5000 fois, il les considère avec vitesse et sérieux, même s'il ne s'agit que d'un petit pigeon, d'un petit désossage, d'une tarte à foncer. C'est agréable à regarder, et il est très amusant de voir Etchebest au contact de ses pairs faire une petite pause dans l'émission, pour être lui-même et montrer son travail. Comme un gorille que l'on relâcherait enfin dans sa jungle après une semaine au zoo. Il ferait quelques pas hors de sa cage, reniflerait l'air, puis, en quelque secondes, disparaîtrait dans les buissons pour retrouver avec aisance les gestes de la vie sauvage.

L'épreuve : Les candidats sont tous inégaux face aux techniques imposées. Quand un Camille ou un Matthew, de formation classique, attaquent le pigeon avec aisance, certains improvisent. C'est là que survient le drama de la semaine : Geoffrey refuse devant les 100 M.O.F de désosser le pigeon, prétextant ne pas vouloir gâcher le produit.

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Suite à sa décision, l'équipe de production a relâché le pigeon dans les rues de Chantilly, mais l'animal est resté statique sur le trottoir, encore un peu groggy de son décès, déplumage et séjour sur le plateau.

Gilles Goujon, M.O.F éminent chef triple étoilé de l'auberge du Vieux Puits à Fontjoncouse, exprime alors sa colère et sa déception face au jeune candidat qui, respectueux et tête baissée, reste mégacalme.

Twitter s'enflamme, les télé-spectateurs défendent Geoffrey, et une partie des millenials découvre ébahie que l'on peut subir des remontrances de la part d'un chef dans le monde de la cuisine. Peu habitué à ce genre de controverses, Gilles Goujon se fend d'un communiqué sur sa page Facebook. Les médias s'emparent de la balle au vol, des papiers sur une « polémique » sortent, et toute une petite chaîne alimentaire se met en place.

Selon Goujon, il est indigne de ne pas faire l'effort de tenter un désossage alors que cent meilleurs ouvriers de France sont venus gratuitement pour mater ce désossage, et que de toute façons, le pigeon n'allait pas être respecté par la suite, quelque fut la prestation de Geoffrey. Et ayant déjà été tué, le respect était déjà pas mal émoussé vis-à-vis du pigeon, observant ce clash cuisses à l'air et déplumé, hélant les assistants de production pour savoir quelle était la suite des évènements, car il avait un autre tournage en fin de journée porte de Bagnolet.

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Mon avis :
- Chacun était à sa place et a joué son rôle, il n'y a pas d'événement, de polémique, ou de différend majeur.
- Si le prétexte de « respecter le produit » peut sembler maladroit aux yeux de Goujon, dans l'historique de Top Chef des candidats avaient déjà été réprimandés pour avoir gâché un produit. C'était notamment le cas en 2014, chez le maraîcher Asafumi Yamashita, lorsqu'un candidat avait défoncé une aubergine sans trop de raisons. La réaction de Geoffrey peut être tout à fait compréhensible.
- La réaction de Gilles Goujon n'avait absolument rien de violente ou d'insultante, et certaines réactions ont été complètement démesurées par rapport à la séquence.
- Bref : Twitter.

-> Camille remporte le défi : il a 3h pour réussir deux bouchées. Bonjour les mâchoires de vieille : en ce qui me concerne il me faut en moyenne dix secondes pour manger un long fish.

Les bouchées de Camille

Sa bouchée salée : « Petit poêlon d'anguille fumée et gel de betterave »
En réalité : mousse d'anguille fumée, gel de betterave, pomme granny smith, émulsion d'estragon

Sa bouchée sucrée : panna-cotta estragon basilic et rhubarbe pochée
En réalité : panna-cotta estragon-basilic, rhubarbe pochée sirop anis étoilé/citron, coulis de fruits rouges, crumble.

Notes d'épreuve :
- Plaisir de revoir Camille travailler l'anguille fumée, son ingrédient signature, comme je l'avais signalé il y a quelques épisodes de cela. Il en maîtrise les codes et va réaliser une bouchée qui tabasse.
- Alors que Camille passe au chinois sa mousse d'anguille fumée se déroule une des scènes les plus emblématiques de cet épisode, et peut-être même de tout Top Chef. Le temps presse, Camille est à fond, il écrase sa mousse, la racle, la tourne, le geste est sollicitant, épuisant, et Etchebest, toujours hors personnage depuis le début de l'épreuve, se met à l'encourager. Mais ses encouragements déraillent progressivement, et par excitation, par importance de l'enjeu, deviennent des harangues de dresseur ou de partenaire d'un jeu sado masochiste desexualisé où seule la cuisine est l'enjeu. « T'aimes ça hein ? », « Tu veux être M.O.F ? », « Tu le veux ce col bleu blanc rouge ? », « Tu le veux ? ». Il y a un mot qui n'est pas prononcé, induit dans l'effort de Camille : c'est la souffrance. Tu veux rejoindre la grande famille des M.O.F ? Tu veux rejoindre ce cénacle ? Tu veux être des nôtres ? Alors SOUFFRE ! Souffre comme nous avons tous souffert ! Souffre comme notre dynastie, si belle, et si respectée, a souffert de chef en commis ! Tous les chefs le disent : c'est un métier sublime, mais c'est un métier de chien. Et tout le passé gastronomique français, toutes les plus belles délicatesses de tables ont été accouchées dans la sueur et la souffrance. Ce n'est pas une fierté, c'est peut-être même une honte, mais une honte fondatrice. Depuis les cuisines aux charbon jusqu'aux apprentissages sans heures, aux exigences criées à travers les cuisines, aux remontrances, aux encouragements musclés, et à la communion dans cet effort qui reste longtemps ingrat dans la carrière d'un cuisinier avant qu'il n'en croque le fruit.

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- Toute une génération de jeunes chefs estiment qu'une dynastie de grands cuisiniers verra bientôt le jour sans avoir à subir les affres d'un apprentissage dur et autoritaire. Mais quelque soit la génération, l'effort, les coups de chien font partie intégrante du geste. L'enjeu, c'est de ne garder que l'effort et éviter la souffrance.
- Et c'est un hasard émouvant, après cent épisodes de Top Chef, que finalement une des réalités de la cuisine rarement exposée dans ce format soit mise en avant le temps d'une séquence, à quelques mètres des anciennes cuisines de Vatel, chef des cuisines de Louis XIV, suicidé d'une épée dans le coeur pour une livraison de poisson incomplète avant un banquet. L'espace de quelques minutes, on a assisté à une émission de cuisine, la vraie, avec ses beautés et ses laideurs.

L'avis des M.O.F : « Visuel appétissant », « Ça donne envie », « Texture croquante et acide », « Ça m'a donné un peu d'émotion ».

DÉFI TECHNIQUE NUMERO 2
DÉCORER UN SAINT-HONORÉ À LA POCHE À DOUILLE AVEC UNE CHANTILLY MONTÉE À LA MAIN

Là aussi, comme un écho à la séquence précédente de Camille, voir les candidats, dans une instant assez silencieux, battre comme des tarés leur chantilly, en plein milieu de la cour d'écurie, donne au moment quelque chose de très poétique, entre Zingaro et Jean Genet.

Tout le monde se débrouille assez bien dans la décoration, mais dépose un peu trop de matière, et la totalité des candidats se retrouve à court de crème.

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-> Vincent remporte le défi

Les bouchées de Vincent

Sa bouchée salée : « Feuilleté chèvre saumon »
En réalité : chaussons saumon, aneth, ciboulette, fromage de chèvre, feuille de chou chinois.

Sa bouchée sucrée : « Mousse de fromage blanc agrumes »
En réalité : entremet mascarpone lait, coulis d'agrumes, espuma pomme.

Notes d'épreuve :
- J'avais déroulé au sujet de Vincent ma théorie du basejump il y a quelques semaines : ses paris vertigineux, son exigence intellectuelle et les efforts investis sur ses plats étaient si souvent risqués et bravaches qu'il risquait sur une épreuve de se prendre la paroi.
- C'est le cas pour cette épreuve, et nous connaissons les conséquences qu'a eu la paroi. Voulant encore réaliser son feuilletage minute, Vincent mésestime le travail que son projet représente, réduit par deux la taille de ses chaussons, entre en mode panique, et se ferme comme un ormeau lorsque Michel Sarran tente de le calmer. Vincent finit dans l'urgence en ne maîtrisant pas sa recette comme il le souhaitait, et se plante.

L'avis du jury :
Sur le salé : « Visuellement c'est un chausson », « Faire un feuilletage en peu de temps, y'a un boulot », « Un peu de manque de cuisson », « La chèvre est dominante sur le saumon », « On reste sur un manque d'assaisonnement ».
Sur le sucré : « Manque de régularité », « C'est meilleur que c'est joli », « Il nous manque le petit plus ».

-> Vincent en sélection dernière chance.
-> Vincent recalé par Sarran en dernière chance !

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DÉFI TECHNIQUE NUMERO 3
TOURNER UN CHAMPIGNON

Une épreuve technique d'un grand classique, d'autant plus vicieuse qu'on ne croise pas tous les jours dans nos assiettes un champignon tourné. À croire que la technique a été inventée principalement pour les concours.

-> Adrien remporte le défi

Les bouchées d'Adrien

Sa bouchée salée : « Langoustine juste nacrée, jus de langoustine et émulsion à la crème de cresson »

Sa bouchée sucrée : « Gros chou gourmand, mangue, framboise »
En réalité : chou garni, chantilly-purée de mangue, compotée de framboises.

Notes d'épreuve :
- Pas grand chose à signaler, belles bouchées, techniques et raffinées, dans une épreuve assez proche de la zone de confort professionnelle d'Adrien. Le défi est plus de finir premier que d'assurer l'épreuve.

L'avis du jury :
Bouchée salée : « Visuel très coloré », « Y'a du gout, belle cuisson », « C'est rare d'avoir des langoustines aussi bien cuites », « Belle bouchée », « épreuve réussie ».
Bouchée sucrée : « En goût c'est pas mal », « Très moelleux, le chou est gourmand », « Il a su exploiter les produits ».

-> Adrien en sélection dernière chance
-> Adrien sauvé par Michel Sarran
-> Adrien qualifié pour l'épisode 8 de Top Chef 2018 !

DÉFI TECHNIQUE NUMÉRO 4
FONCER ET CHIQUETER UNE TARTE

-> Matthew et Geoffrey ratent les qualifs techniques et sont recalés en sélections dernière chance.
-> Matthew et Geoffrey sauvés par leur coach respectif
-> Matthew et Geoffrey qualifiés pour l'épisode 8 de Top Chef 2018 !
-> Clément remporte le défi !

Les bouchées de Clément

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Sa bouchée salée : « Courge aérée et pétoncles en deux façons »
En réalité : purée de courges, tartare de tomates et pétoncles, tuile de corail de pétoncles

Sa bouchée sucrée : « Fraîcheur avocat exotique et mangue »

L'avis du Jury
Bouchée salée : « La présentation est intéressante », « On ne sent que le citron - la pétoncle elle est où ? », « On sent qu'il y a de la passion ».
Bouchée sucrée : « Esthétiquement c'est très joli », « C'est très doux au palais », « L'acidité est très délicate », « On n'a pas le peps à la dégustation ».
-> Clément en sélection dernière chance
-> Clément recalé en épreuve de la dernière chance !

Le verdict des M.O.F :
Bouchée salée gagnante : CAMILLE* !
Bouchée sucrée gagnante : CAMILLE* !
Fantastique double victoire de Camille*, qui n'aura donc pas porté l'effort pour rien, et se voit attribuer la reconnaissance des meilleurs ouvriers de France qu'il porte aux gémonies et au poignet !

ÉPREUVE DE LA DERNIÈRE CHANCE
« Étonnez-moi avec la Tomate Farcie, dites-donc voir »

Vincent

Son plat : « Tomate farcie à ma façon »
En réalité : palets de farce de veau oignon échalotes persil, espuma riz et tomate, eau de tomate infusée au jambon.

Notes d'épreuve :
- Vincent n'aura jamais démérité, en portant une véritable attention intellectuelle à tous ses plats. Il part sur une nouvelle réussite, qui ne pêchera que par la cuisson du veau.

L'avis du jury : « On voit la tomate mais on ne retrouve pas la tomate sous sa forme habituelle », « Le consommé a le gout de tomate farcie, c'est une vraie bonne idée », « C'est pas mal quand même », « C'est surprenant mais c'est très réfléchi », « C'est une approche qui est très intellectuelle, c'est extrêmement intéressant, mais la viande est trop cuite, donc elle est sèche », « Le plat est bien pensé ».

Clément

Son plat : « Tomate farcie, veau, saveurs d'Asie et poires ».
En réalité : Quatre variétés de tomates, farce de veau asiatique liée à la purée de poire, tonifiée au gingembre, tuiles de coriandre.

Notes d'épreuve :
- Si Geoffrey est Master Bouillon, Clément est Master Tuiles - peu de recettes sans que le candidat ne vienne poser une tuile en renfort de texture et de saveur.
- Rien à signaler de plus, Clément est toujours très régulier, sa cuisine est identifiée, peut-être moins intello que celle de Vincent, mais extrêmement référencée, asiatisante et assez douce.

L'avis du jury : « Ce mariage de la poire, de la tomate et de l'Asie me donne envie au plus haut niveau », « C'est très très bon », « La seule chose qui me gène quand même, je ne vois pas trop de cuisson », « Y'a de la fraîcheur, du goût, du relief », « Il y a quelque chose de très important pour moi : un goût de reviens-y ».

-> Clément qualifié pour l'épisode 8 de Top Chef 2018 !

-> Vincent Crépel éliminé de Top Chef !

Vincent Crépel n'était pas un candidat comme les autres : le succès et l'ascension de son établissement Porte 12 en avait fait une des coqueluches de la critique, qui a reconnu l'intelligence et l'audace redoutable de ses plats. Si son attitude un peu altière a pu en énerver certains, il n'en reste pas moins que son engagement dans la compétition l'a clairement sorti de sa zone de confort.

C'est un de ces candidats qui a intégré Top Chef pour présenter au grand public sa vision de la cuisine le plus longtemps possible. Eliminé au septième épisode, il a rempli son pari !

Longue et belle carrière à Vincent ! Si vous êtes parisien et souhaitez manger chez lui, c'est par ici.

Les Meilleures Brèves de Backroom repérées par les lecteurs
« On va pocher ma raie dedans » repéré par Hubert Chafouin-Topinard
« C'est quotidien, les cartouches par le chef » repéré par Truxican Standoff
« T'arrête pas quand ça fait mal, hein » repéré par Vodkapom
« Il faut exécuter des gestes francs et rapides avec une légère rotation du poignet » repéré par Vodkapom
« J'ai su donner du plaisir à 100 M.O.F » repéré par Bénich Il existe un channel de chat discord où les lecteurs de ce débrief peuvent échanger leurs impressions pendant les diffusions de Top Chef. Si vous êtes cool et bien élevé, venez nous rejoindre ! Le classement subjectif
Camille Delcroix* 16/20 (+0,5)
Victor Mercier 15,5/20 (=)
Mathew Hegarty 15/20 (=)
Geoffrey Degros* 14,5/20 (-0,5)
Adrien Descouls 13,5/20 (+0,5)
Clément Vergeat 13,5/20 (+0,5) À la semaine prochaine pour un nouveau débrief ! Retrouvez également Henry Michel dans son état naturel, @henrymichel