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Société

« Pas de gros ! » : quand Grindr banalise le body-shaming

Tacler le petit bourrelet qui dépasse n'est pas un sports d'hétéro. À ce petit jeu-là, les gays sont parfois impitoyables.
Illustration : Adam Noor Iman

J'ai grandi en haïssant mon corps. J'avais des vergetures et des rondeurs aux « mauvais » endroits. J’ai fait mon coming-out il y a quelques années en pensant que je trouverais de la tolérance et du confort, mais il ne m'a pas fallu longtemps pour réaliser à quel point la culture du body-shaming était toxique dans la communauté gay.

« Pas de mecs trop minces, pas d'obèses, pas de meufs »

« Je ne veux que des mecs virils »

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« Pas de gros NI DE VIEUX »

« Désolé les mecs, je suis bouboule »

En voyant ces citations tirées des profils Grindr que j'ai vus ce matin, je me suis demandé pourquoi j’avais décidé de retélécharger une application de rencontres. La bio du dernier profil m'a brisé le cœur. Pourquoi cette personne a-t-elle besoin de s'excuser d’avoir des formes ? Suis-je censé le faire ?

Quand j’ai fait mon coming-out, je trouvais ça excitant de vivre à une époque où il existe toutes ces applications de rencontres pour que des gens comme moi. J'étais prêt à plonger la tête la première dans la culture gay indonésienne, à la recherche de l'amour ou d'un compagnon pour passer la nuit. J'étais naïf. Je ne me rendais pas compte qu'une fois que les gens auraient vu ma photo - mon visage rond et grimaçant, mes lunettes épaisses, mon T-shirt et mon pantalon trop large - ils me catégoriseraient directement comme « indésirable ». Des centaines d'hommes m’ont rejeté, m'ont ignoré, certains se sont même moqués de moi pour avoir eu le courage de faire le premier pas.

D'après mes observations, les hommes gays peuvent être impitoyables quand il s'agit de porter des jugements sur les différents types de morphologie, plus encore que les hommes hétérosexuels. Ils dissimulent ces discriminations sous couvert de l’humour. Mais ce n'est ni drôle ni mignon. C'est cruel. Il n'est pas surprenant que beaucoup d'entre nous aient des problèmes de confiance en soi. Beaucoup d'hommes gays vont à la salle de gym dans l'espoir de ressembler à des divinités grecques. Ensuite, il y a une certaine pression à vous étiqueter. Votre sens de la mode et la façon dont vous comportez compte aussi beaucoup, surtout dans les grandes villes comme Jakarta.

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Après des années de tentatives et d'échecs, j'ai finalement fait la paix avec mon apparence. J'ai accepté le fait que certaines personnes vous rejettent à cause de votre apparence. Et peut-être parce que j’ai naturellement tendance à rechercher une certaine approbation, parfois j'ai aussi besoin d'affirmations. Je pense que beaucoup de gens seront d'accord.

Je suis entré en contact avec d'autres hommes gays pour savoir à quoi ressemblait leur quête de l'amour de soi. Les noms ont été changés afin de préserver l'anonymat des intervenants – et parce que nous sommes gays, nous utilisons des pseudonymes sophistiqués.

Cherie Fox, 25 ans

J'ai toujours été mal à l’aise à cause de mon apparence. Une fois, quelqu'un m'a dit que j’étais laid et qu'il n’était sorti avec moi que parce que je lui faisais pitié. D'autres personnes insistaient lourdement pour que l'on se rencontre dans la vraie vie, mais une fois devant moi, ils cherchaient n'importe quelle excuse pour fuir. Toutes ces choses m'ont donné le sentiment que j’avais un problème.

C'est pour ça que je fais du sport. En plus d’être en bonne santé, cela me permet de m'intégrer à la communauté gay. Je m'entraîne, je m’habille mieux – je prends soin de moi. C'est parce que toute ma vie, j’ai eu le sentiment de ne pas être accepté. Tous ces efforts ont été récompensés. J'ai un peu plus confiance en moi, et maintenant les hommes me désirent.

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Gil, 23 ans

À Yogyakarta, la communauté gay est assez petite et homogène. C’est difficile de trouver quelqu'un parce que je suis très ouvert au sujet de mon orientation sexuelle. Quand Grindr est apparu, cela a fait chuter mon amour-propre au plus bas. En général, après avoir envoyé mes photos, les mecs m’ont bloqué ou m’ont rejeté parce que je n'ai pas de barbe ou parce que j’ai l'air « trop hipster » et « trop queer », ce qui n'a aucun sens.

À ce moment-là, j'avais l'impression de ne pas correspondre aux canons de beauté – dits universels – pour les homosexuels. J’ai dû changer d'apparence. J'ai commencé à porter des vêtements plus décontractés et masculins – plus de crops tops. J'ai arrêté de teindre mes cheveux. Mais je me suis rendu compte que c'était une décision stupide. Maintenant, je suis beaucoup plus à l'aise avec moi-même parce que je pense à me faire plaisir avant de vouloir faire plaisir aux autres.

Thom Berry, 28 ans

J'ai tout entendu : gros, bouboule, laid. Ces mecs de Grindr ou Jack'd se moquaient de moi. Ça fait mal. Parfois, je leur ai demandé d’avoir le courage de me dire toutes ces choses en face – mais ils m’ont bloqué à chaque fois. Ils me faisaient pitié, mais je me faisais aussi pitié parce que je perdais mon temps à leur envoyer des messages. J'étais désespéré. J'avais 19 ans et j'étais encore vierge. À ce moment-là, je couchais avec n’importe qui parce que je pensais que je ne méritais pas d’avoir un copain mignon. Et pendant un certain temps, ça a marché.

Mais les années ont passé et j’étais juste déprimé – même suicidaire. Je n'aimais pas me regarder dans le miroir. Je détestais mes cuisses, je détestais ma poitrine, je détestais mes pieds, tout. Je ne dis pas que toute cette haine a disparu, mais maintenant, je me sens beaucoup plus à l’aise et je suis assez courageux pour avoir une certaine estime de moi. Je suis encore gros, mais mes amis m’aiment, et je crois que ça me suffit.