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Culture

La musique de Yonatan Gat prouve que l’importance d’être préparé est grossièrement exagérée

« L’improvisation t’apprend que les erreurs n’existent pas. »

Avec son omniprésence dans le circuit des festivals de musique de la province depuis 2015 (M pour Montréal, Festival de musique émergente, Off de Québec, Distorsion, Nuits Psychédéliques de Québec, Le Festif, Le Taverne Tour, Le Coup de grâce de Saint-Prime et c’est sûr qu’on en oublie), il est difficile de croire que Yonatan Gat vit depuis tout ce temps à New York. Au courant de ces années, il a plus sillonné les routes du Québec qu’un artiste local, mais aussi celles du monde. C’est d’ailleurs en tournée qu’il s’est mis à travailler sur son prochain album. La réputation de ses concerts n’est plus à faire : on en parle comme étant des messes déjantées au cœur de la foule où improvisation, immersion et explosion ne font qu’un.

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Avant la sortie de son deuxième album, au printemps 2018, Yonatan Gat et son groupe effectuent un dernier passage dans la métropole pour souligner le lancement de Mothland, dans le cadre de M pour Montréal.

VICE a profité de cette venue pour s’entretenir avec Yonatan afin d’en savoir plus sur cet album enregistré aux quatre coins du monde et de tenter de démystifier le rituel préparatif de ses spectacles.

VICE : Tu viens en moyenne trois fois par an au Québec, ce qui est plutôt énorme pour un artiste basé aux États-Unis. Qu’est-ce qui explique ce tel succès dans la province?
Yonatan Gat : Il y a certainement plusieurs facteurs. New York n’est pas très loin de Montréal, et je dois t’avouer que je n’aime pas trop voyager en avion. Il y a une certaine connexion indescriptible entre les Québécois et nous… Tu sais, les États-Unis ont beaucoup changé ces dernières années, même avant l’élection de Trump. L’atmosphère est dure, c’est difficile, il y a beaucoup de racisme, d’hostilité et une paranoïa plutôt généralisée. Pour nous, venir se produire à Montréal et les environs, c’est une sorte d’échappatoire à tout ça. Il fait bon vivre ici et nous sommes toujours bien reçus.

Tu as déjà pensé à venir t’installer à Montréal?
Ma copine trouve qu’il fait trop froid. Pour ma part, j’aime beaucoup New York. C’est tellement vaste culturellement. C’est une ville de découvertes, tu peux décider de t’intéresser à quelque chose de nouveau, par exemple, un genre musical, et te rendre compte qu’il existe à New York et qu’il y a même une grosse scène.

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Ton ancien batteur, Gal Lazer, qui était très apprécié du public, a quitté le groupe il y a près d’un an. Qu’est-ce qui a changé depuis?
Le départ de Gal nous a fait beaucoup apprendre sur notre musique. Tu sais, notre musique est très libre, l’apport de chacun est important. Tout le monde a son style, celui de Gal était explosif. Nous étions toujours dans l’adversité, nous nous battions toujours. Je crois que Gal a laissé son explosivité au groupe, mais l’arrivée de Brian [Chase, des Yeah Yeah Yeahs] a apporté quelque chose de calme et de spirituel. Malheureusement, Brian aussi a récemment dû quitter le groupe parce qu’il est devenu papa. Tout le monde laisse sa trace et ça fait grandir le groupe. C’est notre ami Cinque Kemp qui sera avec nous à M pour Montréal, nous verrons bien ce qu’il apportera au groupe.

Parlant de liberté et d’explosion, tes spectacles en comportent beaucoup et il y a une bonne part d’improvisation aussi. Comment transposes-tu cet état d’esprit et cette énergie lorsque vient le moment d’enregistrer les chansons en studio?
Pour notre premier album, Director, l’idée était d’improviser en studio et de l’éditer par la suite. Nous n’avions pas assez d’expérience et de temps pour penser, alors nous avons joué durant 12 heures trois jours consécutifs. Je me suis ensuite mis à expérimenter avec la structure des chansons : mettre la fin au début, mettre le milieu à la fin ou mettre le début au milieu. En gros, c’était ça, ça s’est fait rapidement.

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Pour le prochain, qui sortira au printemps 2018, l’idée d’improviser en studio était toujours là, sauf que cette fois-ci nous l’avons fait dans une panoplie d’endroits. Lorsque nous étions en tournée pour Director, chaque fois que nous nous arrêtions dans une ville où j’avais repéré un studio dans lequel je voulais travailler, nous y allions. Ça a pris trois ans à faire, c’est la première fois de ma vie que je consacre autant de temps sur un projet. Il n’y a pas de séparation entre cet album et ma vie, j’ai enregistré partout où j’allais : dans une synagogue à Sao Paulo, dans un bar de Venise, au studio Daptone à Brooklyn, etc. J’enregistrais tout ce qui m’entourait et que je trouvais intéressant, sans savoir si ça finirait par me servir au final. C’est un album plus universel et éclectique, les chansons sont vraiment différentes l’une de l’autre, elles ont toutes leur propre monde.

Le groupe a la réputation d’être plutôt fêtard et dans un état second durant les concerts. Comment vous vous préparez avant un concert?
Pour moi, la chose la plus importante est d’être là, être présent dans le moment parce que c’est de l’improvisation. L’affaire avec l’improvisation c’est que ce n’est pas une technique, ça ne s’apprend pas, il n’y a pas de manuel qui t’enseigne ça.

L’improvisation, c’est n’est pas musical, c’est un mode de vie. Le principe de l’improvisation, c’est de prendre une décision pendant que tu en prends une autre. Quand tu joues une chanson où il n’y a pas d’improvisation, tu suis un plan. En improvisant, tu crées la chanson en la jouant, tu prends toujours des décisions. Ça prend un certain niveau de confiance pour croire que les décisions que tu prends sont les bonnes, mais l’improvisation t’apprend que les erreurs n’existent pas.

Si le bassiste se met à jouer faux, les gens vont dire que « le bassiste s’est fourré », pour moi ça va sonner autrement. C’est une question d’intention, si elle est pure et forte, le résultat sera excellent, c’est ça la croyance de l’improvisation. Moi, c’est à cet endroit où je veux me retrouver avant un concert, un au-delà d’où je peux trouver les intentions et la concentration qu’il me faut avant de performer. Mon plan est de ne pas avoir de plan, donc je me dois d’être préparé en conséquence.

Je ne m’attendais pas à cette réponse…
C’est correct.

Yonatan Gat sera en concert à M pour Montréal le 17 novembre à la Sala Rossa avec Paul Jacobs et Atsuko Chiba.

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