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Amanda James Bentley : J'ai commencé ce projet quand j'étais étudiante. Avant, je faisais plutôt des mises en scène et des photos de spectacles. Cette fois-ci, je voulais faire quelque chose de différent. J'ai commencé à prendre des photos spontanément, chez moi ou dans la rue. J'ai photographié ma maison et mon fils aîné, qui avait deux ans. J'ai trouvé que les images avaient quelque chose d'obsédant. J'ai commencé à explorer ça.
J'avais du mal à regarder les photos au début, parce qu'elles avaient un côté sombre. Je me demandais : « Que se passe-t-il? Pourquoi ces photos de mes enfants paraissent-elles aussi étranges? Qu'est-ce qui ne va pas avec moi? J'adore mes enfants, pourquoi ces photos ressortent-elles comme ça? » Beaucoup de ces photos ne sont pas dans la série. Par exemple, j'ai photographié encore et encore l'immense montagne abrupte que je vois depuis ma fenêtre.
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C'est contradictoire. Quand on a un enfant, on l'aime d'un amour infini. Mais, en même temps, j'ai le sentiment que mon identité m'a été enlevée. J'ai une sœur jumelle identique, donc j'ai dû partager mon identité toute ma vie.J'ai lu que votre sœur avait posé pour ce qui semble être un autoportrait.
La photo de la fille sur le canapé vert? C'est elle. Je me suis questionnée toute ma vie sur l'identité. Nous partageons notre anniversaire, nous sommes identiques, nous avons épousé des frères. Nous partageons tout. Elle est peintre et je suis photographe, c'est la seule chose qui nous sépare. Nous sommes voisines [rires]. Mais donner naissance a été une perte identitaire complètement différente. Tout d'un coup, je suis devenue « une mère parmi d'autres ». C'était vraiment bizarre.
Cette série vient d'une grande frustration. Je voyais tous les efforts que mes collègues mettaient dans leurs projets, et ils progressaient vraiment vite. Moi, je ne pouvais pas tout le temps y mettre toute mon énergie. Je ne pouvais pas. Et cette frustration s'est ressortie dans les photos. Les critiques ont été vraiment dures. Je me sentais coupable d'avoir pris ces photos de mon fils, j'avais honte. Je me demandais : « Pourquoi est-ce que la maternité n'est pas assez bien pour moi? »
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Je ne savais vraiment pas quel était le sens du projet avant d'y réfléchir un peu, mais il comprend. Il est très stable et était d'accord pour que je le prenne aussi en photo sans arrêt. Mais, comme il n'est pas artiste, il a du mal à comprendre pourquoi j'ai besoin de faire çaIVous avez été élevée dans la religion, les traditions étaient prioritaires. Votre projet ne va-t-il pas à l'encontre de ce qu'on vous a inculqué au sujet du rôle de la femme?
J'aime ma culture et mon éducation. J'aime ma religion, mais c'est une culture difficile. Là où je vis, la plupart des femmes restent à la maison et regardent leurs enfants grandir, et elles adorent ça. Je me demandais ce qui n'allait pas chez moi. Je devenais folle en restant à la maison.En quoi cette communauté est-elle différente de celle de votre enfance?
J'ai grandi à Salt Lake, pas loin d'ici, donc c'est assez semblable. Les gens ici sont gentils et j'aime que la famille soit une priorité. J'ai toujours voulu avoir des enfants — je viens d'une famille de neuf enfants — donc en avoir trois, ce n'est rien. Mais après avoir parlé à des mères, je me suis rendu compte que beaucoup de femmes avaient le même sentiment que moi. Il y a beaucoup de pression exercée sur les femmes dans les communautés religieuses. Je voulais être mère, mais quand mon premier enfant est né, je mourrais d'envie de travailler.
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Ça me semblait injuste. Je me demandais : « Pourquoi? »Aviez-vous remarqué ce double standard quand vous étiez jeune?
Non, jamais. En lisant la Genèse — je n'avais jamais vraiment lu la Bible — le texte réel m'a semblé vraiment sévère. Ça paraissait vraiment injuste pour les femmes. Pour ce projet, je me suis inspirée des photographes féministes que j'aime, comme Hannah Wilke, dont j'adore le travail. L'idée était de photographier ma famille et de faire le lien avec mes origines. Maintenant, mes enfants ont grandi, j'ai de l'aide si je me sens piégée. Mais dans les premières années, on ne sait pas vraiment ce qui nous tombe dessus. Il y a beaucoup de sentiments contradictoires.