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J’ai passé le week-end avec des féministes à poil qui font chier les extrémistes français

Le week-end dernier, j’ai rendu visite au groupe de protestation de féministes aux seins nus, Femen.

Inna, fondatrice de la branche française des Femen, à leur QG de Paris

Le week-end dernier, j’ai rendu visite au groupe de protestation de féministes aux seins nus, Femen. Originaire d’Ukraine, l’organisation s’est depuis étendue à travers le monde. J’avais en tête de filmer la préparation des Femen pour leur prochaine manifestation, mais je ne savais pas vraiment ce dans quoi je m’embarquais jusqu’à ce que j’arrive à leur quartier général – un vaste loft situé au-dessus du Lavoir Moderne Parisien, dans le quartier de la Goutte d’Or.

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Le quartier compte de nombreux centres culturels islamiques. Je me suis dit qu’il fallait avoir des couilles (ou des nichons ? ça se dit maintenant ?) pour établir leur QG ici, vu qu’elles passent une grande partie de leur temps à protester contre l’islam conservateur. Leur dernière action, par exemple, était la journée internationale du djihad topless – où les Femen ont sorti leurs seins dans différentes villes d’Europe pour afficher leur soutien à Amina Tyler. Amina, si vous l’ignoriez, est une membre des Femen tunisienne de 19 ans, à qui sa famille a fait passer un « test de virginité » après l’avoir droguée, suite à des photos où elle pose seins nus qu’elle a postées sur Facebook.

Quand je suis arrivée au LMP, les murs du QG étaient couverts de banderoles des manifestations précédentes – l’une d’elles, sur laquelle était écrit « Sextrémisme », couvrait un mur entier. Quelques membres décidaient du meilleur slogan pour la nouvelle bannière, sur laquelle une fille du nom d’Oksana peignait des activistes Femen aux seins nus. Les membres ont passé beaucoup de temps à débattre entre elles pour savoir si « factions nazies » prenait un « s » ou non. Personne ne vous accordera beaucoup d’importance dans le monde de la protestation si vous orthographiez mal vos slogans.

Des membres des Femen travaillent à leur banderole

Menant le débat encore plus loin, Inna Shevchenko – une des membres des Femen d’origine – a ensuite soutenu que le slogan « Les actions des Femen contre les factions nazies » n’était pas assez fort. Inna a fondé la branche française des Femen en septembre 2012 après avoir fui l’Ukraine, parce qu’à l’aide d’une tronçonneuse, elle avait coupé un crucifix de huit mètres de haut sur la place principale de Kiev. Cette action n’a pas dû plaire au gouvernement russe, vu qu’il a mis les Pussy Riot en prison pour avoir fait une « prière punk » dans une cathédrale – ce qui n’a rien à voir avec la destruction intentionnelle d’un symbole religieux avec une scie mécanique.

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Inna était visiblement la chef, mais j’entendais systématiquement l’expression « prise de décision démocratique » lors des débats. Diverses propositions ont été lancées et refusées –par Inna ou par les autres filles. On est restés là, dans un vide gênant, tendus et silencieux. Tout le monde était crispé.

Le groupe ne voulait pas annoncer ce qu’elles avaient l’intention de faire, pour prendre de court tout le monde, les autorités comme l’objet de leur protestation. Mais je savais, vu le débat qui venait d’avoir lieu sur le slogan, que leur action allait être menée contre les groupes d’extrême droite qui devaient se rassembler à Paris le dimanche 12 mai.

Marguerite, membre des Femen, travaille sur la banderole

Inna m’a expliqué que la dernière fois qu’elles s’étaient confrontées aux néonazis, elles avaient été violemment frappées et qu’elle-même avait perdu une dent. Alors cette fois, elles avaient prévu une approche différente, plus sécurisée : agiter leurs bannières devant les fascistes, mais de loin. L’idée était qu’Inna et Sarah, une autre membre du noyau dur des Femen françaises, prennent une chambre dans un hôtel de luxe situé à côté de la statue de Jeanne d’Arc, sur la Place des Pyramides, où les groupes d’extrême droite allaient se rassembler. Une fois la place pleine de néonazis et de journalistes, elles déploieraient leur bannière géante et crieraient leurs slogans, seins nus et portant des couronnes en fleurs.

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Le jour suivant, les Femen m’ont invitée à une de leurs sessions d’entraînement hebdomadaires de sextrémisme. Quand je suis arrivée, le groupe de onze filles – dont la plupart portait un short en jean et un débardeur Femen – se tenait en cercle, hurlant les slogans avec fureur : « Va te faire violer ! », « La nudité c’est la liberté ! », « Va niquer ton église ! », « Va niquer tes morales ! », « Pas un sextoy ! », « En l’homo nous croyons ! », « Homophobes, dégagez ! », et « Où est Amina ? Libérez Amina ! », en soutien à leur « sœur » tunisienne.

Des membres des Femen s’entraînent à manifester

Marianne, une autre activiste tunisienne des Femen habitant Paris, m’a expliqué qu’Amina les avait inspirées pour la journée du djihad topless. Quand j’ai évoqué la page Facebook « Les femmes musulmanes contre les Femen » créée à la suite de cette action, elle m’a assuré que les Femen n’étaient pas contre les femmes qui portent la burqa, mais qu’elles étaient contre le fait que des femmes soient obligées porter la burqa. Mettant l’accent sur l’oppression généralisée que subissent les femmes en Tunisie, Marianne a ajouté que sa famille, musulmane, ne savait pas qu’elle faisait partie des Femen, et qu’elle la renierait si elle le découvrait.

On a ensuite demandé à une nouvelle recrue du groupe de montrer ce qu’elle avait appris la semaine précédente, durant sa session d’entraînement inaugurale au QG. Devant tout le monde, elle s’est mise en position et a hurlé les slogans à pleins poumons. Inna l’a félicitée mais lui a dit que ses bras étaient un peu mous quand elle criait, avant d’entrer dans les détails techniques des poses des Femen : les pieds écartées, la pancarte bien élevée, les bras droits et tenus un peu derrière les oreilles. « On ne fait pas la pub d’un yaourt ou d’une bière, on se bat pour nos corps. C’est de la nudité agressive – on est prêtes à se battre ! », lui a rappelé Inna.

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Entraînement au QG des Femen

Parvenir à retirer son haut rapidement avant de se mettre en position est également une compétence essentielle pour chaque membre des Femen. Certaines des filles ont sorti leurs nichons tellement vite que je n’ai même pas compris qu’elles étaient en train de se déshabiller. Après s’être exercées à se déshabiller de manière agressive, les membres se sont mises aux exercices de terrain et là, tout a gagné en intensité. La moitié des filles a endossé le rôle d’activistes Femen tandis que les autres jouaient les policiers et les agents de sécurité, en traînant leurs camarades aux seins nus sur le sol de la pièce pendant qu’elles criaient des slogans et s’entraînaient à rendre leurs actions le plus visibles et audibles possible pour les caméras. Inna leur a fermement rappelé que tout ce qu’elles faisaient lors de ces manifestations était pour les caméras : « L’action continue jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucune caméra », a-t-elle sermonné le groupe.

La première tentative ne s’est pas très bien déroulée : « Je n’entends que du bruit – vous n’êtes pas coordonnées. On veut que les gens sachent exactement pourquoi on est là », a-t-elle dit.

La deuxième tentative a eu plus de succès, mais il m’a fallu du temps pour discerner ce que les filles criaient, avec leurs forts accents (J’ai finalement compris, après cinq bonnes minutes, que c’était « Marre du pape »).

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Des membres des Femen s’apprêtent à se faire marcher dessus

Il y avait beaucoup d’adrénaline et les filles étaient essoufflées. Ensuite, elles ont fait des abdominaux et des altères, comme dans un camp d’entraînement militaire. Au bout d’un moment, certaines filles ont commencé à se plaindre lorsqu’Inna leur donnait des ordres, ce à quoi cette dernière répondait : « 15 pompes ! » Les filles se sont même entraînées à se faire marcher dessus, comme ça arrive souvent lors de leurs protestations. Pauline, une activiste Femen française à plein temps, m’a expliqué que les corps féminins étaient beaucoup plus résistants qu’on ne le croit. « On nous dit qu’on est fragiles, mais ce n’est pas vrai ! On tient probablement plus la douleur que les hommes. On m’a passée à tabac pendant mes six mois de Femen et ça m’impressionne à quel point je peux être exposée à la violence et quand même me relever pour continuer l’action. »

Je me suis surprise à dire tout haut qu’elles avaient toutes de superbes nichons. Inna m’a juré qu’il n’y avait pas de casting, puis elle a rougi, m’avouant qu’elle n’aimait pas particulièrement ses seins.

Quand les dernières activistes sont parties, Inna, Pauline, Sarah, Oksana et une autre membre du noyau dur, Marguerite, ont mis les touches finales sur la bannière, sur laquelle était désormais écrit : « SEXTERMINATION POUR LES NAZIS. » Une fois séchée, elles l’ont pliée et rangée dans une valise. Inna et Sarah, qui s’étaient pomponnées pour le check-in à l’hôtel chic, ont pris la valise et ont sauté dans un taxi pour se rendre sur les lieux.

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Un rassemblement de manifestants d’extrême droite sur la place de la Madeleine

Le jour suivant, je me suis rendue place de la Madeleine, où les ultra-nationalistes se réunissaient. L’armée de brutes en blousons noirs agitant des drapeaux et des bannières – accompagnés par une sono sur une camionnette qui faisait retentir de la musique classique, un peu comme lors de l’attaque d’hélicoptères dans Apocalypse Now mais en plus mauvaise ambiance encore – était assez intimidante. Dès que nous avons sorti les caméras, le chargé de communication du tristement célèbre groupe néonazi français, Troisième Voie, est venu vers nous pour nous expliquer ce que nous pouvions ou ne pouvions pas filmer.

On nous a ensuite présenté le chef du groupe, Serge Ayoub – un homme costaud d’une cinquantaine d’années, en blouson, crâne rasé et nez crochu. Serge Ayoub nous a expliqué qu’ils s’étaient rassemblés pour leur commémoration annuelle de Jeanne d’Arc, qui a bouté les Rosbifs hors de France, mais aussi pour protester contre la mondialisation, qui « détruit notre économie et notre identité nationales ». Après environ une heure, les groupes nationalistes se sont mis à défiler en direction de la statue de Jeanne d’Arc, où Inna, Sarah et les autres Femen les attendaient avec leur banderole.

Les Femen font chier les fafs avec leur banderole

Les Femen avaient réussi à dégoter une chambre au troisième étage de l’hôtel Regina, située stratégiquement juste derrière la statue de Jeanne d’Arc, sacrée pour les nationalistes. Aux alentours de midi, lorsque la faction d’ultra-nationalistes la plus violente est arrivée au niveau de la statue, Inna, Pauline et Oksana ont débarqué sur le balcon, seins nus et une couronne de fleurs sur la tête, avant de dérouler leur bannière en vitesse devant une foule hostile. Sans surprise, les manifestants ont tenté de prendre l’hôtel d’assaut, mais les CRS les ont repoussés.

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Comme ils ne pouvaient pas mettre la main sur les filles, les nationalistes se sont rabattus sur des saluts nazis et des doigts d’honneur en criant, « Salopes ! », « Tuez-vous ! », et tout un tas de trucs pas très gentils. Les filles ont rétorqué par des baisers aux extrémistes furieux, tout en tenant leur position – la tête haute et des fumigènes au bout de leurs bras tendus. Un groupe de filles nationalistes s’est réuni sous le balcon des Femen, hurlant, « On vous attend ! »

Après quelques altercations entre les deux groupes, un camion de pompiers s’est arrêté et a évacué les activistes Femen par la grande échelle. Les filles sont descendues, s’arrêtant occasionnellement pour saluer fièrement la foule qui les huait, contenue par des CRS qui tentait de l’empêcher d’attaquer le camion. Les Femen ont été escortées hors de la manifestation par les policiers juste avant un discours de Serge Ayoub accusant les activistes d’avoir été payées par le gouvernement et prétendant que cette action n’était qu’une conspiration contre les manifestations nationalistes. Du point de vue des Femen, l’action avait été un succès.

Avant de rencontrer les Femen, j’étais partagée sur leur tactique. D’un côté, elles ont trouvé un moyen génial de se faire remarquer. Mais les gens ne sont-ils pas trop absorbés par leurs mamelons pour être réceptifs à leur message ? Peu importe, elles ont réussi avec succès à faire revenir le féminisme à la Une des journaux, ce qui n’est pas rien. La tactique de protestation seins nus non-violente leur a déjà valu le titre de « Nouveau visage du féminisme », ce qui n’a pas vraiment plu aux féministes qui considèrent que montrer ses seins pour protester contre la prostitution et l’oppression masculine est un oxymore.

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Des militantes de la droite dure traitent les militantes Femen de grosses putes

Pour Inna, c’est fait exprès : comme un loup dans la bergerie – de la même manière que vous avez probablement cliqué sur cet article parce que vous avez lu l’expression « à poil » dans le titre. Peut-être qu’Inna a raison, et le stigmate qui entoure la nudité et la sexualité féminines a empêché les femmes de progresser en les traitant comme des objets ou leur faisant craindre d’être traitées comme des objets. Quoi qu’il en soit, c’est assez fou de voir à quel point les gens font tout un foin pour quelques seins nus. On aurait pu penser que, quarante ans après les années 1970, on aurait progressé rien qu’un peu et que le stigmate du nichon aurait disparu.

Les Femen ne font de mal à personne et ont trouvé une forme de protestation non violente qui interpelle les gens et occupe le paysage médiatique, donc pourquoi n’auraient-elles pas le droit de se promener seins nus avec des fleurs dans les cheveux ?

Ne ratez pas le reportage VICE News sur les Femen, prochainement sur VICE.com

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