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TATOUAGE

Pourquoi je regrette amèrement de m’être fait tatouer

Plusieurs personnes évoquent les pires conneries qu'elles se sont fait encrer sur la peau – et ce qu'elles envisagent de faire pour y remédier.
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Il y a quelques années, quand mes amies Anna Wanda et Roca Balboa se sont mises à tatouer, je me suis dit que c'était quand même une idée particulièrement pétée. Dans une époque où personne ne veut s'engager – que ce soit professionnellement, sentimentalement ou financièrement parlant, qui pourrait bien vouloir s'encrer des dessins dans la peau jusqu'à ce que mort s'en suive ? Sauf que la réponse est : à peu près tout le monde.

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Au fil du temps, j'ai vu des centaines de personnes venir se faire tatouer – parfois sans même savoir ce qu'elles voulaient avant de franchir la porte – des choses aussi variées qu'un kebab, des tombes, des animaux, des fleurs, une banane-pénis, un slip kangourou souligné de la mention « GROS PAQUET » ou même Britney Spears en pleine séance de rasage crânien. J'ai eu énormément de mal à comprendre.

Et puis un jour, je suis moi aussi tombée dans le panneau. Aujourd'hui, j'ai une couronne de fleurs funéraire au-dessus du coude gauche, une tête de lion au-dessus du droit, un chou de Bruxelles, un sanglier, et le mot « PEU IMPORTE » en gros sur la cuisse. Comment en suis-je arrivée là ? Je n'ai aucune explication. Je préfère ne pas trop m'attarder sur la question, mais je prie pour ne jamais regretter les choix que j'ai faits. Afin de m'y préparer psychologiquement, j'ai demandé à plusieurs personnes qui détestaient l'un de leurs tatouages de m'expliquer comment elles géraient la situation.

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Jeremy, 24 ans, assistant de prof et aide maternelle

VICE : Salut Jeremy, quel est l'objet du crime et quel âge avais-tu ?
Jérémy : J'ai fait ce tatouage à 23 ans, c'est un cœur fendu en deux avec inscrit « fuck her ». Il est sur la poitrine, côté droit, parce que j'avais déjà un truc côté gauche.

Pourquoi ce cœur avec « Fuck Her » ? Ça avait une signification particulière ?
Oui et non. C'est une blague mais les choses ont toujours un sens, j'en ai eu marre d'être bonne poire et je crois que j'ai voulu le montrer.

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Tu l'as regretté assez rapidement ?
À partir du moment où tu rencontres quelqu'un en fait, tu te sens con d'avoir ça – et mine de rien, il se voit bien.

Du coup tu vas faire quoi ?
Je vais le faire recouvrir. Mon ami Le Ju va s'en charger, il travaille dans un vrai salon maintenant. J'écouterai ses propositions.

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Anaïs, 22 ans, journaliste

VICE : Bonjour Anaïs. Dis, à quel âge as-tu fait ce tatouage que tu n'aimes plus, et que représente-t-il ?
Anaïs : J'ai fait ce tatouage à 18 ans, c'était mon deuxième. Ce jour-là, j'en ai fait deux en même temps. C'est un lettring, une phrase qui disait « We were born to die ».

Il signifiait un truc ?
À 18 ans, on n'a pas des inspirations de folie je crois, mais ce n'est pas du tout quelque chose de pessimiste comme tout le monde le croit : c'est plutôt, on va crever, alors profitons de la vie (je trouvais ça un poil plus original que Carpe diem ). Après, certaines personnes ont pensé que ça venait d'une chanson de Lana Del Rey, j'avais un peu les boules.

Pourquoi ne peux-tu plus l'encadrer ?
En réalité, ce n'est pas un tatouage que je regrette parce qu'il ne me plaît plus ou que j'ai honte de ce qu'il dit. Mais c'est qu'en quatre ans, il ne ressemble plus à rien. J'ai deux autres tatouages qui n'ont pas bougé, mais celui-ci me dégoûte. J'ai fait un lettring très fin et en fait, il a bougé, les traits ont bavé, l'encre a filé à certains endroits. Il a mal vieilli, et en seulement quatre ans quoi. J'ai l'impression qu'on ne distingue même plus vraiment ce qui est écrit. Enfin bon, il n'est pas élégant du tout.

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Tu comptes le faire recouvrir ou l'enlever ?
À cet endroit-là, je ne vois pas trop avec quoi le recouvrir. Rien ne m'inspire pour le moment. Aussi, le beau-père de mon copain est médecin et fait de l'esthétique, dont du retrait de tatouage. Je compte me renseigner auprès de lui et je sais que je peux lui faire confiance car c'est un excellent professionnel.

Est-ce que ce tatouage t'a dégoûté ?
Un peu, dans le sens où j'ai l'impression que ça m'a bloqué toute inspiration et motivation d'en faire d'autres. J'avais vraiment plein d'idées et plein d'envies, mais là ça m'a un peu dégoûté de le voir bouger en si peu de temps. Aussi maintenant, j'ai surtout envie de tatouages venant d'artistes particuliers (genre Tarmasz, Dwam ou Sasha Unisex) plutôt que d'aller dans des shops lambdas.

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Pierre, la trentaine, enseignant

VICE : À quel âge as-tu fait le tatouage que tu regrettes ?
Pierre : Quand j'avais pile un an de moins qu'aujourd'hui. C'est un blason de Paris stylisé, d'azur sur peau de babtou , souligné d'un « XI » (onzième arrondissement).

Mais d'où vient cette idée ? Est-ce que ça avait un sens ?
C'est le blason d'une ville, ça a toujours du sens. Personnellement, je suis plus parisien que les parisiens, j'ai une vraie relation organico-mystique avec ce foutu bitume. Je ne suis pas né à Paris mais j'y ai ressuscité, plusieurs fois. J'ai supporté le PSG dans les années 2000… bref.

Où se trouve-t-il ?
Sur mon bras droit, bien visible, à la lisière du t-shirt… Réflexion faite, il est sans doute au pire endroit possible.

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Que s'est-il passé pour que tu puisses le regretter aujourd'hui ?
Il s'est passé le 13 novembre. Mais déjà, ce tatouage avait une histoire bizarre… Je l'ai choisi sur la planche de flashs d'un copain, qui m'a dit : « C'est marrant, je l'ai dessiné pour le mec de ton ex., finalement il n'en a pas voulu ». J'ai ramassé ma mâchoire par terre, et j'ai décidé de le faire quand même – là, vous pouvez légitimement me traiter de gros con. Et l'attaque du Bataclan est arrivée. Tous les tatoueurs de Paname sont envahis par des gens qui veulent absolument un blason de Paris sur le bras – dont une majorité qui n'a jamais eu de tatouage et n'en aura sans doute jamais aucun autre. Ça m'a fait penser à un couple d'amis qui a appelé son gosse « Charlie », à peu près un an avant les faits. Le mec va grandir avec plein d'autres Charlie qui seront des hommages vivants à Cabu, alors que ses parents trouvaient juste le prénom joli, au départ. Pour moi, c'est pareil. On m'a déjà abordé une dizaine de fois pour me dire que c'était cool d'avoir fait ça, de représenter le peuple uni contre la barbarie, blabla. L'intensité de mon regard à ce moment-là a toujours découragé les importuns de poursuivre la conversation. Mais c'est lourd.

As-tu réfléchi à le faire enlever ou à le recouvrir ?
Non, j'assume. Je trouve toujours ce tatouage très joli, il a été fait par un pote, on a passé un bon moment. Tant pis.

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Qu'aurais-tu aimé dire au Pierre d'il y a un an avant qu'il ne se fasse tatouer ce truc ?
« Cette histoire d'ex ne sent pas très bon. C'est un signe. Le tatouage est un truc symbolico-superstitieux, alors dans ces cas-là, il faut croire aux signes. La prochaine fois, fais-toi tatouer les armoiries du Bois-Plage-en-Ré ( D'argent aux quatre fasces ondées d'azur abaissées sous un soleil rayonnant d'or issant de la première et accompagné en chef d'une pomme de pin et d'une grappe de raisin de gueules) , c'est moins risqué. »

Jean, 34 ans, rédacteur pour « Fier Panda ».

VICE : Cher Jean, quels sont les tatouages que tu regrettes, et quel âge avais-tu quand ils ont été réalisés ?
Jean Je regrette tous les tatouages que j'ai faits entre 22 et 25 ans. Il y avait plusieurs motifs : une hirondelle, une écriture, des étoiles. Pas très original, pas très bien réalisé, pas vraiment en lien avec ce que j'aime : le combo gagnant pour des tatouages que l'on regrette éternellement, et accessoirement pour décevoir ses parents.

Pourquoi les as-tu faits, alors ?
Je n'ai jamais vraiment eu de truc à dire, ni de convictions à crier haut et fort. Je dirais que je me suis fait tatouer au début par mimétisme, pour faire comme ma grande sœur et son copain de l'époque. Par la suite, j'ai eu des potes tatoueurs, j'ai donc aussi servi de cobaye.

Sont-ils à des endroits débiles ?
Un est au-dessus du cul, les autres sont sur la moitié haute du bras gauche. J'arrive à les cacher avec un pull mais dès que c'est l'été, je dois assumer d'avoir des goûts de chiotte.

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Au bout de combien de temps les as-tu regrettés ?
Assez rapidement, surtout ceux du bras gauche, vu que je les vois tout le temps. Au bout de quelques mois je me suis rendu compte que j'avais fait une connerie. Autant celui du bas du dos me fait marrer tellement j'ai l'air con, autant les autres m'énervent tant je les trouve laids.

Est-ce que tu réfléchis actuellement à le recouvrir ou à le faire enlever ?
Les faire enlever, c'est malheureusement trop compliqué. Les techniques sont longues, coûteuses et pas vraiment au point. Les faire recouvrir est aussi impossible car ce sont de grosses pièces. J'ai demandé à deux ou trois tatoueurs et aucun n'a su me dire autre chose à part « je ne peux rien pour toi ». La seule solution consiste à me retirer loin des yeux du monde, dans une grotte en Dordogne.

Est-ce que ça a freiné ton envie de tatouage ?
Oui, carrément. J'ai arrêté de me faire tatouer pendant six ou sept ans. Depuis j'ai fait pas mal de trucs à côté de mes horreurs pour essayer de noyer les poissons. J'ai mieux choisi mes tatoueurs et plus réfléchi à ce que je voulais. J'ai encore deux-trois idées et je pense ensuite prendre de nouveau ma retraite du tatouage. Puis dans dix ans, je te dirai sûrement que j'ai encore fait de la merde.

Esther, 26 ans, directrice éditoriale

VICE : À quel âge as-tu fait ce tatouage, et qu'avais-tu choisi comme dessin ?
Esther : J'avais 19 ans et c'était mon deuxième (j'avais fait mon premier à 18 ans). Il était composé de trois étoiles, la première toute simple, noire, et celles d'en dessous moins remplies avec des effets de trame.

À partir de quand n'as-tu pu plus blairer tes étoiles ?
Presque immédiatement. Ce n'est pas le motif qui posait problème mais l'exécution. Je sentais que le tatoueur (à l'époque super estimé dans le milieu) n'en avait pas grand-chose à faire et celle du milieu a été mal faite. J'étais super intimidée et je n'ai rien dit. Depuis j'ai toujours bien choisi mes tatoueurs : des gens reconnus et qui vont valider mes choix ou m'orienter vers quelque chose de différent jusqu'à ce qu'on trouve un motif et un placement qui me correspondent.

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Tu as fini par le faire recouvrir : pourquoi ?
Je n'en pouvais plus. Il était dans mon dos donc je ne le voyais pas au quotidien mais j'en étais consciente en m'habillant. Et les gens sont souvent curieux, posent des questions, voire touchent mes tatouages, ce qui est d'ailleurs hyper intrusif. Je l'ai fait recouvrir à 25 ans, presque six ans après. Je pense que s'il avait été dans mon champ de vision, je l'aurais fait recouvrir beaucoup plus tôt.

Tu as choisi quoi comme motif pour le cacher ? On ne le voit plus ?
À la place j'ai un serpent, c'est mon plus gros tatouage mais j'y ai réfléchi environ deux ans avant de sauter le pas. S'il n'y avait rien eu à recouvrir je l'aurais fait plus petit, mais on a dû se revoir plusieurs fois avec ma tatoueuse pour que son dessin corresponde pile poil à ce que je voulais cacher. Sur les trois étoiles de départ il cache presque complètement les deux du bas (c'était surtout celle du milieu qui posait problème), et on voit nettement celle du haut mais elle est parfaite donc ça ne me dérange pas.

Tu ne penses pas regretter le nouveau ?
Il est imposant et le sujet peut être un peu intimidant, mais je reprends plaisir à m'habiller. Je ne vais pas choisir des tenues juste pour le montrer hein, mais c'est plus une démarche ou j'arrête de me refuser certains vêtements.

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Un tatouage probablement similaire à celui de Julie. Photo via Flickr.

Julie, 29 ans, professeur

VICE : Julie, toi, tu en regrettes plusieurs…
Julie : J'ai fait le premier à 19 ans, c'est mon tout premier. Le deuxième, je l'ai fait à 25 ans, soit il y a quatre ans. J'ai un papillon dans le dos, tout en courbes et en arabesques. Le deuxième, c'était un truc que j'avais fait pour une meuf, sur la hanche, un signe infini kitsch à mort, avec son initiale et tout…

Comment te sont venues ces idées ?
Je crois que mon premier tatouage ne représentait rien d'autre que le fait de me faire tatouer, sans demander l'autorisation, c'était un acte de vraie rebelle quoi. J'étais en prépa, et j'étais plutôt une petite fille sage, c'était de la grande révolte. Le motif en tant que tel n'avait pas vraiment d'importance, même s'il me plaisait bien. Pour l'autre… je n'étais pas très heureuse dans mon couple, je crois que c'était pour montrer que ça comptait quand même, pour le montrer à l'autre surtout !

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À partir de quand t'es-tu dit que c'était une idée de merde ?
Pour celui qui évoquait mon ex, quasiment dès le moment où je n'ai plus pu supporter la nana en question ! L'autre ça a été plus progressif. Déjà au bout de dix ans, le motif s'estompe, est moins net, et puis, j'ai un peu changé en dix ans…

Tu n'en as fait recouvrir qu'un : pourquoi pas les autres ?
Parce qu'il reste « assumable », ce n'est pas vraiment la honte. Il fait partie de moi, même si je ne l'aime pas trop. Je crois que j'envisage de plus en plus de le retravailler pour qu'il corresponde mieux à ce que je suis aujourd'hui.

Tu as choisi quoi comme motif pour le cacher ?
Je l'ai fait recouvrir avec des motifs floraux qui sont vachement plus grands et on ne voit plus rien du tout. Heureusement !

Tu ne penses pas regretter le nouveau ?
Non, c'est beaucoup plus neutre. Mais qui sait, dans dix ans peut-être…

Qu'aurais-tu aimé dire à la jeune Julie avant qu'elle ne se fasse tatouer ces trucs ?
Va boire des bières plutôt ! Il y avait peut-être d'autres activités à faire ce jour-là pour assumer son côté rebelle.

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