J'ai porté un Borsalino pendant une semaine et ça m'a pourri la vie

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J'ai porté un Borsalino pendant une semaine et ça m'a pourri la vie

Y'a-t-il pire racaille sur Terre que la race des hommes à chapeau ? Probablement pas.
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Mon chapeau et moi-même. Toutes les photos sont de Sean Foster.

Les Borsalino étaient la quintessence du cool, non ? Merde, Bogart et Delon en portaient un, tout comme 90 % des gangsters pendant la Prohibition. Et je ne vous parle même pas d'Indiana Jones ou de Michael Jackson dans « Smooth Criminal » ! Le truc c'est qu'aujourd'hui le fedora – le vrai nom d'un Borsalino, qui n'est qu'une marque – est devenu hyper ringard. Cela a sans doute quelque chose à voir avec Jennifer, Pete Doherty et Johnny Depp.

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Porter un fedora en 2016, c'est ouvrir la porte à des tombereaux d'insultes. Que s'est-il passé ? Comment un simple chapeau peut-il engendrer autant de haine ? Les étudiants en lettres modernes méritent-ils d'être traînés dans la boue pour leurs choix vestimentaires douteux ? Pour le savoir, j'ai décidé de porter un fedora pendant une semaine, histoire de mettre mal à l'aise tous les gens de mon entourage.

Presque instantanément, les choses ont mal tourné.

Samedi

La meilleure façon d'entrer dans une eau glaciale est encore de se jeter dedans. Le Borsalino représente la piscine dans ma métaphore. Comme j'avais très peur de m'y aventurer, je me suis dit qu'il me serait plus facile de le faire en étant bourré. C'est pourquoi en ce samedi après-midi, quelques heures avant une grosse soirée, je me suis rendu dans le magasin de chapeaux le plus proche de chez moi.

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Je suis rentré et j'ai dégoté un petit Borsalino noir, classique. Après avoir ajouté quelques plumes et un ruban digne des pires œuvres du pop art – genre, Lichtenstein – j'ai posé cette monstruosité sur mon crâne.

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Quelques heures plus tard, je me trouvais sur le balcon de mon pote Sean en train de fumer une cigarette. En temps normal, Sean serait venu me rejoindre. Sauf que ce soir, il ne voulait pas qu'une meuf le voie en compagnie d'un type portant un fedora. Ç'aurait été un suicide relationnel, le chant du cygne de ses espoirs de coïts vespéraux. D'autres potes ont débarqué et m'ont lancé des « cool, ton chapeau » en se foutant ouvertement de ma gueule. Après, la majorité des gens ignoraient poliment mon Borsalino – et moi aussi par la même occasion. J'étais devenu invisible, comme Bruce Willis dans Sixième Sens – sauf que lui meurt au début du film, bien entendu.

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Il était presque minuit lorsque j'ai retrouvé ma copine dans une autre soirée. Elle était visiblement dégoûtée à la vue de mon chapeau. Elle a passé une bonne partie de la nuit à essayer de l'enlever de ma tête jusqu'à ce que j'arrive à la convaincre d'essayer, comme ça, pour voir ce que ça fait de porter un élément vestimentaire défendu par les postmodernes cyniques et les utopistes anticapitalistes. Au final, c'était une mauvaise idée.

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Elle est montée sur mon dos et les choses ont mal tourné. Son visage est venu heurter le pavé, quelques minutes après avoir revêtu ledit chapeau.

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Ma copine, au lendemain de l'accident

On a donc passé le reste de la nuit dans une chambre aux urgences. La malédiction du Borsalino – très bon titre pour le prochain SAS, si quelqu'un daigne racheter la franchise – ne faisait que commencer.

Dimanche

Sanchez, mon chat, n'avait pas l'air de beaucoup aimer mon chapeau non plus. Allez savoir : sous leurs airs de salopards finis, les chats sont peut-être des bestioles respectables, en fait.

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Pour lui remonter le moral, j'ai invité ma copine dans un restaurant de ramens. Elle avait un œil au beurre noir et une marque sur le front, tandis que je portais bien évidemment mon chapeau. Logiquement, les autres clients ont dû penser : 1/ que j'étais un mac, 2/ que je battais les femmes.

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C'est là que je me suis vraiment demandé pourquoi les gens détestaient autant les Borsalino. Je veux dire, c'est juste un chapeau, non ? Bogart dans Casablanca avait totalement la classe avec ce truc, il a même réussi à choper Bergman, c'est dire. Que s'est-il passé ? Notre monde est-il condamné à l'ironie latente, au cool décomplexé ?

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Le Borsalino semble être réservé aux mecs que les gens trouvent « sympas » – ce qui veut dire, après 10 minutes de discussion, « fondamentalement chiants ». Vous savez, ces mecs membres des syndicats de gauche à l'université. Ceux qui vous parlent à longueur de journée des vicissitudes du capitalisme mais qui finissent par emménager dans un appartement à 1 200 balles par mois dans le centre-ville de Bordeaux. Le Borsalino en lui-même n'est sans doute pas le problème. Le problème, c'est l'image qu'il véhicule.

Lundi

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J'ai passé la matinée du lundi à lire avant de me rendre compte que je n'avais pas vu mon père depuis un moment. Je suis donc allé chez lui. Il a ouvert la porte, a regardé attentivement mon chapeau et m'a demandé si je m'étais fait tabasser jusqu'à maintenant. Il semblait déçu lorsque je lui ai répondu non.

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Alors que nous buvions un café, nous avons entendu un énorme fracas. Un miroir s'était détaché du mur et avait emporté un vase dans sa chute. Ce miroir était là depuis des années.

N'avait-il pas pu supporter la vue d'un homme de mon âge portant fièrement un fedora ? Peut-être.

Mardi

Ce mardi-là, je ne voulais pas me lever. J'avais peur de casser quelque chose à cause de mon chapeau maudit. J'ai donc décidé d'aller à la salle de gym et d'éviter le plus possible les interactions avec mes semblables. Bon, de toute façon, personne ne soutenait mon regard, tant j'étais ridicule. Et je ne vous parle même pas de la sensation désagréable liée à l'absorption de ma transpiration par un chapeau en feutre.

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Le mardi soir, je me suis rendu dans un bar. Après avoir ingéré un peu de drogue, j'ai complètement oublié mon chapeau. En gros, j'ai passé la soirée à me sentir confiant. Je déambulais parmi les gens, lançant des « salut mec » à de parfaits inconnus.

Certains voulaient même porter mon fedora, à l'image du type sur la photo ci-dessous. Ça m'a permis d'avoir un peu de recul sur ma propre apparence, et ça m'a fait clairement flipper. Sérieux, matez-moi ce mec. 0 % de menace. Il était sans doute à deux doigts de m'offrir un shot vodka caramel.

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Mercredi

Je me suis réveillé le mercredi en pensant que le pire était derrière moi. Je n'avais pas forcément raison.

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Coucou Donald ! Coucou Mike Pence ! Coucou à toi, jeune enfant tout droit sorti d'une secte millénariste !

Ce jour-là, il était environ quatre heures de l'après-midi quand il est devenu évident que Donald Trump allait devenir le président des États-Unis. Maudit sois-tu, chapeau !

Jeudi

Tout sera bientôt fini. C'est ce que je me répétais alors que je m'apprêtais à rejoindre une pote pour bouffer avec elle. Elle avait amené son Shiba Inu, répondant au nom de Tofu. C'est le genre de meuf à avoir un panier à osier. Elle est plutôt cool et il lui arrive de porter des chapeaux.

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Tofu avec mon Borsalino

Vendredi

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Alors que j'étais censé de me rendre à une soirée, des maux de ventre horribles m'ont cloué dans mon canapé. J'ai passé les deux jours suivants à vomir et à me tordre de douleur jusqu'à l'agonie. Je ne sais pas ce que j'avais mais je suis sûr que le chapeau était coupable.

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Ma copine a pris soin de moi. Elle m'a installé dans son salon, ce qui m'a permis de me reposer et d'avoir du temps pour réfléchir. Je m'en fous un peu de la mode, en fait. Généralement, je ne prête aucune attention à l'opinion des autres, mais les rires moqueurs m'avaient touché. Consciente de mon problème, ma copine a décidé d'elle-même de balancer mon Borsalino à la poubelle.

La malédiction avait pris fin.

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