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LE NUMÉRO ÉTÉ INDIEN

Sur le terrain

Rien à battre du nouveau rap français.

Rien à battre du nouveau rap français. Vous savez, celui qui était censé tout révolutionner sur son passage avec sa fraîcheur, sa nouvelle manière de raconter les choses du ghetto (alors qu’on a la triste impression d’écouter du sous-Lunatic tout naze) et son pseudo-nouveau style de production lui aussi tout périmé. En gros, il s’agit des mêmes mecs que ceux sur les compil rap français random, et ils rappent tous comme Sinik et Diams sauf qu’ils revendiquent leur street cred. Samat ? Pété. Brasco ? Chiant. Et quant à Kamelancien, pas besoin de trop s’attarder sur lui, sachez juste qu’il porte des tee-shirts près du corps qui lui donnent un air de gardien de but en vacances à Milan. Non, ce que les gens veulent, ce sont tous ces jeunes-vieux qui ont commencé à rapper à 13 balais et qui sont les meilleurs rappeurs en France depuis 1998. Salif domine le rap français bien installé à Boulogne-Billancourt, sauf que tout le monde semble l’avoir oublié. En fait, tout commence vers 1999. L’époque où le rap français est partout, où les petits blancs en Rip Curl décident de s’acheter un survêt Lacoste et où Laurent Bouneau de Skyrock se fait insulter par tous les rappeurs qui ne passent pas sur son antenne. Tout le monde achète encore des disques et la seule forme de piratage, c’est quand tu graves ton CD préféré à ton meilleur pote pour son anniversaire. Et c’est là que Salif va se révéler à la face de toutes les cailleras de France avec le gros tube IV My People, « Enie Meenie Myni Mo », aka le titre de morceau le plus incompréhensible de l’histoire de la musique. Il fait partie de cette branche que l’on appelle à l’époque le rap technique. Inutile de dire qu’il fracasse le morceau, même si les gens ne retiendront malheureusement que le refrain ragga de Lord Kossity. Dans le même temps, Sa-ZA Li-ZI Fe-ZE sort le mythique « C’est la guerre » avec son groupe Nysay sur la deuxième compil Beat 2 Boul. Direct, signature avec le IV My People de Kool Shen. Un an plus tard et alors que Salif n’a que 20 berges, sort son premier album. Tous les mecs qui avaient 15 ans à l’époque de Tous ensemble, chacun pour soi vous le diront, il a changé leur vie. Enfin, à peu près. En réalité, l’album fait un semi four, la faute à un manque cruel de single radio et à une promo un peu pourrie de la part du label du vieux de NTM. L’œuvre ne manque pourtant pas de gros hits véner, style « Tous ensemble », un morceau appel aux émeutes. C’est aussi le premier en France à s’intéresser aux productions synthétiques des Ruff Ryders (à l’époque où DMX n’est pas synonyme de has been), même si là faut bien avouer qu’elles étaient passablement loupées. Puis jusqu’en 2005, silence radio. À peine quelques titres tropicaux (nuls) à refrain reggae de IV My People, dans lesquels on sent bien qu’il n’en a rien à foutre d’être là, des morceaux un peu R’n’B aussi (nuls), et des bons morceaux sur des compil pétées dans le gouffre du rap français. En gros, il est redevenu quasiment aussi inconnu que quand il est arrivé, 6 ans plus tôt. Entre-temps, Booba s’est transformé en 2Pac, Rohff a quitté la Mafia K’1 Fry pour faire des morceaux encore plus violents et plus personne en cité n’achète de disques puisque tout le monde a Internet pour envoyer des mails à la famille au bled. Sarkozy est ministre de l’Intérieur. C’est la merde. Mais le Sénégalais de Boulogne a su comment faire pour revenir sur le devant de la scène. S’acoquiner avec les jeunes du moment, ceux qui ne parlent que de vente de coke, de mise à l’amende et de « charbonnage ». Après tout, c’est ce qu’il fait depuis le début de sa carrière. Et il n’a alors que 24 ans. En plus, tout ce temps libre depuis la fin de sa gloire passée lui a donné le temps de revenir à des activités professionnelles plus en phase avec ce qu’il raconte dans ses morceaux. Faut faire grailler la famille. Rien d’étonnant alors à ce qu’il revienne à un rap extrême et hardcore avec des amis pas très recommandables, et un clip « Caillera à la Muerte » avec des mecs qui font des roues arrière alors que des mamans marchent dans la rue. J’aime pas trop ce morceau, mais c’est celui qui le ré-officialisera star de l’underground. Un statut qu’il partagera avec les deux autres spécialistes du rap véner, Alpha 5.20 et Sefyu, avant que ce dernier n’explose juste après son premier album. Entre fin 2006 et 2008, Salif aura sorti 5 projets (le mot le plus rap français de la Terre) sur plusieurs labels différents. Le mec n’en a vraiment plus rien à battre. Il refait plein de morceaux avec Nysay, des tracks tout seul, il sort plein de clips uniquement destinés à Internet et multiplie les interviews vidéo où il montre qu’il est le rappeur le plus fin et drôle en France actuellement. Il surfe aussi sur l’effet de mode crunk, certes. Mais jamais avec un son de club, préférant de loin les sonorités les plus violentes du dirty sud avec des charleys pour gamins épileptiques. Ça défonce. Écoutez ses couplets sur le « Besoin de » de Nysay et fermez vos bouches. À l’heure où la norme est d’être le plus hardcore possible et où en faire des tonnes avec la Rue est devenu monnaie courante, ce sont bien les vieux qui savent le mieux de quoi ils parlent. Quoiqu’on en dise, Booba demeure le maître du rap game français et la plus grande influence pour tous les petits rappeurs/hurleurs. Rohff fait un max de thunes mais va en taule à cause de sombres histoires de bastons. Quant à Salif, ça fait 10 ans qu’il est simplement le meilleur rappeur français.