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Les manifestations au Venezuela se sont transformées en une crise politique majeure

Ce qui n'était qu'une manifestation pour protester contre une agression sexuelle à l'université des Andes de San Cristobal, plus tôt dans le mois, a ouvert la voie à des manifestations de masse à travers tout le pays. Et ça ne semble pas près de cesser.

Photo : Wiki Commons.

Ce qui avait commencé comme une manifestation début février en réponse à une agression sexuelle à l'Université des Andes, à San Cristobal, s'est transformé en une crise politique majeure au Venezuela – une situation qui ne semble pas près de se résoudre.

Dans ce pays où le taux de criminalité est oppressant, cette agression sexuelle a déclenché une révolte étudiante en amplifiant la frustration des jeunes. La police locale a répondu agressivement ; les arrestations et les mauvais traitements infligés aux manifestants ont galvanisé les foules qui ont pris la rue dans tout le pays.

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Au moins 14 personnes ont trouvé la mort lors des affrontements jusqu'à présent. Toujours en convalescence de leur défaite serrée contre Maduro lors de l'élection présidentielle qui a suivi la mort d'Hugo Chávez il y a un an, les membres de l'opposition se sont appuyés sur le mécontentement des citoyens – envers les forces de l'ordre du pays, son économie paralysée, et les abus de pouvoir de l'État – pour essayer de faire appliquer des réformes indispensables.

Aujourd'hui, des semaines après la naissance de ce mouvement de résistance, les participants sont déterminés à faire entendre leurs arguments.

Des listes de doléances ont circulé sur Internet, énumérant des mesures « pour sortir de la crise » qui vont de la libération de tous les manifestants en prison – environ 48, selon le président Nicolas Maduro – au désarmement et au démantèlement des groupes paramilitaires.

Une liste de six points élaborée par des représentants du mouvement étudiant a été reprise et enrichie quelques jours plus tard par les dirigeants de l'opposition : le programme, en dix points, appelle à des réformes qui incluent l'accès aux médias nationaux, la fin des ventes à bas prix du pétrole local à l'étranger jusqu'à ce que la situation économique s'améliore, et la sélection d'un médiateur impartial (éventuellement l'Église catholique) afin de réunir une « commission de vérité » qui examinerait le cours des événements récents.

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10 puntos para salir de la crisis pic.twitter.com/XjT6HOmKlt

—Julioborges (@JulioBorges), February 25, 2014

Les « 10 points pour sortir de la crise »

L'ambassade vénézuélienne a renvoyé les journalistes de VICE News vers les attachés de presse du Gouvernement, à Caracas, mais personne là-bas n'a répondu à nos questions sur les manifestations et les exigences de l'opposition.

Pendant ce temps-là, Maduro a fait la promotion du prochain Carnaval et a même rajouté deux jours fériés à cette fête nationale, en espérant que cette manœuvre incitera les gens à quitter les rues. Une pub de la télévision d'État invite les Vénézuéliens à faire la fête, en leur disant que le Carnaval c'est « cool ».

Les Vénézuéliens sont invités à profiter du Carnaval, dans une esthétique Hartley Cœurs à vif

Certains, évidemment, en appellent à l'éviction de Maduro et de son administration – la Twittosphère exige sa démission avec le hashtag #LaSalida, ce qui signifie « la sortie ». Mais, d'une façon générale, la préoccupation première des protestataires est d'abord de mettre un frein à la criminalité galopante, aux diverses pénuries et à la répression gouvernementale, avant de songer à un nouveau coup d'État.

Les manifestants appellent à un boycott des jours fériés – une initiative spontanée qui a organisée via les réseaux sociaux et les apps téléphoniques, malgré les tentatives du gouvernement pour entraver Internet et bloquer les réseaux téléphoniques.

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Si les représentants du mouvement étudiant et les partis de l'opposition coordonnent de plus en plus de manifestations, la plupart des initiatives – comme l'appel récent fait aux Vénézuéliens de tout le pays, incitant le peuple à mettre en place des barricades et à bloquer la circulation – ont été improvisées.

« Quand quelqu'un a une idée intéressante, les gens la suivent et la soutiennent », a déclaré Carlos Romero, un coordinateur de l'opposition. « Les gens ont besoin d'exprimer leur frustration et leur indignation envers la répression et la violence qui règne dans le pays. »

Si les partis politiques de l'opposition n'ont pas soutenu les manifestations dès le départ, ils se sont aujourd'hui fortement intégrés au mouvement.

Ces hommes et femmes politiques ne sont pas favorables aux tactiques les plus radicales des manifestants – comme l'utilisation de barricades –, mais dans l'ensemble, ils essaient de créer un consensus et maintenir un front uni.

« Les gens en ont assez. Ils ne savent pas quoi faire, alors ils prennent les rues et y érigent des barricades », nous a déclaré Bernardo Pulido – membre du mouvement de la Voluntad Popular et avocat de Leopoldo Lopez, un des leaders de l'opposition, actuellement prisonnier politique. Il a dit que les étudiants organisateurs et les dirigeants politiques n'exerçaient que peu d'influence sur le mouvement.

« Certains pensent que nous devrions être plus actifs dans la rue », a avoué Pulito, en ajoutant que d'autres – comme le candidat de l'opposition battu lors de la dernière élection présidentielle, Henrique Capriles – « pensent que les manifestations devraient être rigoureusement organisées. Mais il s'agit de divergences d'opinion, pas d'un conflit interne. »

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Maduro décrit les manifestations comme une tentative des Américains de justifier une intervention internationale. Il a aussi traité les manifestants de « fascistes ». Il a expulsé trois diplomates étatsuniens de Caracas, une action à laquelle les États-Unis ont répondu en expulsant à leur tour trois diplomates vénézuéliens.

Maduro a également qualifié les foules rassemblées dans les rues de « minorité violente ». De leur côté, les manifestants affirment agir pacifiquement.

« Le gouvernement a tenté de dire à plusieurs reprises que l'opposition était impliquée dans des actions violentes, nous a expliqué Pulido. Mais toute la violence a émané soit du gouvernement – et de sa garde nationale – soit des groupes paramilitaires pro-gouvernementaux – les colectivos. Mais je n'ai pas l'impression que les gens aient peur, même après les choses terribles qui se sont passées dans le pays. »

« C'est une crise viscérale », a annoncé un journaliste qui a préféré garder l'anonymat lors d'une interview donné à Vice News, avant de noter que le mouvement était loin de s'approcher d'un coup d'État. « Il n'y a pas la même dynamique qu'il y avait à Kiev. Nous ne sommes pas près de changer de pouvoir. »

Bien que ces récents déroulements puissent donner l'impression que le Chavismo est sur le déclin au Venezuela – après tout, on a beaucoup entendu parler du fait que Maduro n'avait pas le charisme de Chavez – les détracteurs du gouvernement sont conscients du soutien de l'armée à Maduro, et de son solide ancrage au pouvoir.

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« S'il y a bien une chose que ces manifestations violentes ont fait, c'est d'unifier le Chavismo », a annoncé Maduro le week-end dernier.

Mais le gouvernement a aussi reçu des coups, quand un de ses membres a critiqué l'attitude du président, l'accusant d'attiser le feu de la crise.

Lundi dernier, José Vielma Mora, membre respecté du parti de Maduro et le gouverneur de l'État de Tachira, où les premières manifestations étudiantes de San Cristóbal ont eu lieu, a publiquement critiqué le déploiement des troupes opéré par le président et a appelé à la libération des manifestants en prison.

Néanmoins, Pulido a souligné que Vielma Mora était apparu plus tard à la télévision pour annoncer son soutien à Maduro. « Il y a des désaccords », nous a dit Pulido en parlant des contentieux au sein du parti au pouvoir, « mais ils tentent de les masquer. Il y a beaucoup d'incertitude. »

À l'heure actuelle, les gens continuent à manifester du fait de cette incertitude –  même si, en toute vraisemblance, les choses vont empirer avant qu'un changement puisse avoir lieu.