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Le serment d'Hippocrate, mes couilles

Ce que je connais de la mort

J’ai l’impression d’être devenue une salope sans cœur qui fait gueuler les petits enfants et qui enfonce des aiguilles dans les fesses des vieilles dames sans afficher un soupçon de compassion.

Salut, bande de tarés, moi c'est le docteur Mona Moore. Évidemment ce n'est pas mon vrai nom, mais je suis un vrai médecin. Non, ne me plaignez pas parce que j'aurai toujours un job, un appartement dix fois plus grand que le vôtre et le droit de vous dire quoi faire sous prétexte que j'ai la science infuse. Bonne lecture !

Ça fait cinq ans que je n’ai pas pleuré la mort d’un patient. J’ai l’impression d’être devenue une salope sans cœur qui fait gueuler les petits enfants et qui enfonce des aiguilles dans les fesses des vieilles dames sans afficher un soupçon de compassion.

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Parfois, je dois me retenir d’éclater de rire nerveusement. Ça me rend dingue de ne pas avoir le temps de pleurer tous mes défunts. J’ai parfois 250 patients sous ma responsabilité. Il m’est déjà arrivé d’avoir à peine eu le temps de sécher mes larmes dans ma blouse ensanglantée qu’un autre patient avait déjà claqué.

Je me souviens de mon premier décès. C’était un vieux grincheux qui ressemblait à Louis de Funès avec une sale pneumonie. Sa vue était déjà très affaiblie et son visage avait pris une teinte grise qui annonçait la fin. En suivant les six étapes qui guident l’annonce d’une mauvaise nouvelle, j’ai fait ma première déclaration de mort à sa fille. Tout s’est bien passé, et elle m’a même remerciée d’avoir pris le temps de discuter avec elle. Je suis rentrée chez moi cette nuit-là tandis qu’elle est restée auprès de son père en attendant qu’il s’éteigne.

Lorsque je suis revenue le lendemain matin, il était assis sur son lit, secouant son petit poing de vieillard en criant : « Mortecouilles ! » Aux portes du paradis, Dieu l’avait transformé en terreur gériatrique puis renvoyé sur Terre. Je l’ai examiné puis il m’a demandé : « Est-ce que je vais bien ? » Je l’ai rassuré en lui disant qu’il allait beaucoup mieux. C’est alors qu’il a commencé sa tirade : « Mortecouilles ! Je ne vais pas bien du tout ! J’ai l’air d’aller bien, peut-être ? Ça fait des jours qu’on ne me nourrit pas ici. C’est une honte ! » Encore sous le choc de sa résurrection miraculeuse, j’ai accepté de lui apporter à manger. Il a lâché un dernier « mortecouilles à tous » et s’en est allé. Je me suis sentie trahie. C’était comme s’il nous avait donné un faux espoir en nous faisant croire qu’il allait mieux juste avant de mourir. Mourir de son humeur de chien, et peut-être aussi de la bouffe qu’on lui donnait.

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Annoncer une mort, c’est comme plaquer son copain : plus on le fait, plus l’exercice devient facile. Avec l’expérience, on arrive à détecter si la personne va se mettre à hurler de peur, à pleurer discrètement, à gueuler, enragée, en nous accusant de ne pas avoir fait notre travail, ou à claquer des dents en état de choc. Bien sûr, l’échelle des réactions est bien plus étendue que ça. Un jour, j’ai annoncé à une femme qu’il ne lui restait plus que trois mois à vivre et elle m’a répondu : « Et l’hôpital s’occupe du transport ? »

C’est Louis de Funès qui m’a introduit aux différentes étapes de la mort. Le premier signe est souvent annoncé par le patient lui-même : « Docteur, je pense que je suis en train de mourir. » Il est parfois difficile de faire la différence entre les mélodramatiques et ceux qui le pensent vraiment. Le signe suivant est marqué par un rétablissement rapide et étonnant. Un patient en phase terminale a tendance à aller mieux la veille de sa mort. Enfin, ils deviennent gris et leur vue s’affaiblit fortement. C’est la fin. La transition est rapide entre Germaine « la gentille petite dame de la chambre 3 » et Germaine « le cadavre ».

Pour en finir là-dessus, les « derniers mots » sont un mythe. Personne n’a jamais dit quelque chose de profond ou d’amusant lors de son dernier souffle. La plupart du temps, ils me disent qu’ils ont envie de pisser, ce dont je me méfie beaucoup chez les mourants. Cela dit, j’ai toujours pensé que Louis de Funès n’avait pas tort lorsqu’il a gueulé « mortecouilles à tous » une dernière fois.

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