À la rencontre des adolescentes obsédées par les tueurs en série sur Twitter

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À la rencontre des adolescentes obsédées par les tueurs en série sur Twitter

« Je ne veux tuer personne. Mais si un mec que je connais se mettait à tuer des gens, j'aurais probablement envie de coucher avec lui. »

Avant l'avènement d'Internet et des réseaux sociaux, les fans de tueurs en série leur envoyaient des lettres d'amour en prison. Mais les temps ont changé. Maintenant, les hommes ont le droit de pleurer. Il est possible de regarder les photos de vacances des autres sur son téléphone. Il est également possible de confesser son amour pour un tueur en série sur les réseaux sociaux, et de rejoindre des milliers d'autres fans sur des pages dédiées à des criminels célèbres.

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En parcourant ces pages, on constate qu'elles rassemblent un nombre accablant de jeunes filles – certaines ont 16 ans, tout au plus. Beaucoup d'entre elles se qualifient de féministes dans leur bio Twitter. J'avoue avoir du mal à comprendre ; habituellement, les féministes n'idolâtrent pas des hommes connus pour avoir assassiné des femmes.

Mais je voulais comprendre. Qu'est-ce qui attire les jeunes femmes chez les tueurs en série ? Pourquoi sont-elles à l'aise avec le fait d'afficher leur obsession sur un réseau aussi public que Twitter, alors que les géné rations numériques précédentes rôdaient dans les tréfonds des forums anonymes pour débattre sur la virilité de Fred West ?

Les fans de tueurs en série se sont retrouvées sur Tumblr pendant des années, où leurs identités étaient néanmoins mieux cachées. Sur Twitter, des photos et parfois des noms complets sont visibles aux yeux de tous (j'ai tout de même choisi de cacher les identités de mes interlocutrices).

Commençons avec @DailyKillerFact, un compte basé au Canada avec 8 000 followers et le visage de Richard Ramirez, célèbre tueur en série et violeur, en guise de photo de profil. En fouillant un peu, je suis tombé sur un tweet qui montrait des photos de la scène de crime de victimes des « Hillside Stranglers » – deux cousins qui ont assassiné dix femmes à Los Angeles entre 1977 et 1978. Les victimes, nues, avaient été jetées dans un fossé après avoir été violées et tuées.

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Après un petit débat avec ma copine qui voulait signaler la page, j'ai décidé de regarder qui avait retweeté et aimé ces photos. Je voulais savoir quel type de personne pouvait bien cliquer sur le bouton en forme de cœur sous la photo d'une jeune femme assassinée.

Ce sont surtout des jeunes femmes. La plupart ont une bio qui contient le mot « féministe » aux côté s de descriptions telles que « fan numéro 1 de Ted Bundy » ou « amatrice de tueurs en série ». J'ai décidé d'en contacter quelques-unes afin de savoir ce qu'elles avaient à me dire.

La première à répondre a été une lycéenne de 17 ans originaire d'une petite ville de 1 200 habitants dans l'Amérique rurale. Si certains de ses amis connaissent son intérêt pour les tueurs en série, ils ne savent pas que celui-ci est d'ordre sexuel.

« J'éprouve une attirance sexuelle pour les gens qui ont commis des crimes violents », m'annonce-t-elle d'emblée. « J'aime surtout les nécrophiles. Il y a un terme pour ça [pour désigner l'attirance sexuelle déviante pour un individu ayant commis un crime, comme un viol ou un meurtre] : l'hybristophilie. »

Je lui demande si elle se souvient de ce qui l'a attiré en premier lieu chez les assassins.

« J'ai regardé un documentaire sur Jeffrey Dahmer. Je l'ai trouvé très attirant, même si il était gay. J'ai mis un petit moment à comprendre que je l'aimais bien parce qu'il tuait et mangeait des gens. »

Soyons clair : en réalité, tu n'as pas envie de te faire tuer et manger par un tueur en série, ou de tuer et manger quelqu'un toi-même ?

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« Je ne veux tuer personne, mais si un mec que je connais se mettait à tuer des gens, j'aurais probablement envie de le baiser, indépendamment du reste de sa personnalité. »

Mais tu te qualifies de féministe – le fait de violer et manger des femmes n'entre pas en contradiction avec tes convictions ? Est-ce justement parce que tu n'es pas censée trouver ça attirant que ça t'attire ?

« Je suis une féministe radicale attirée par des types qui tuent des femmes. Oups. En réalité, Dahmer ne me plaît plus. Je lui préfère largement Bundy et Ramirez, haha. »

Penses-tu que ces comptes Twitter se montrent irresponsables ? Penses-tu qu'ils banalisent le meurtre, qu'ils désensibilisent les gens et les encouragent à commettre des actes similaires ?

« À mon avis, si quelque chose devait banaliser le meurtre, ce serait la télévision. Peut-être que des comptes comme @TrueCrimePolls – qui semble glorifier les meurtriers – encouragent le meurtre, mais les comptes qui ne postent que des faits ne le font sans doute pas. Je pense que des séries comme Hannibal, qui mettent en lumière de violents criminels, ont plus de responsabilité que les gens qui cherchent à informer. »

Une fois sur @TrueCrimePolls, j'ai consulté attentivement le contenu. Il semblait plus léger, plus second degré. Les followers répondaient à des questions de type : « Préféreriez-vous avoir la coupe au bol de Dylann Roof [le tueur de Charleston] ou l'acné de T.J. Lane [le tireur du lycée Chardon] ? », et d'autres tweets rappelaient que c'était l'anniversaire de la tuerie de l'école primaire Sandy Hook orchestrée par Adam Lanza.

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De retour sur @DailyKillerFact, il y avait une avalanche de « faits » accompagnés de photos des meurtriers. Au-dessus d'une photo d'Henry Lucas, qui a poignardé sa propre mère avant de tuer onze autres personnes, une légende disait : « Un agent du FBI a demandé à Henry Lucas pourquoi il avait eu des relations sexuelles avec des femmes après les avoir tuées, ce à quoi il a répondu qu'il aimait la tranquillité et le silence ».

Beaucoup de jeunes filles ont répondu à mes messages. Dahmer, Ramirez et Bundy étaient les noms qui revenaient le plus souvent.

« Ramirez est le plus attirant, Bundy est le second et Dahmer le troisième », estime une adolescente de 16 ans originaire de l'Ohio.

Y a-t-il une communauté de fans comme toi sur les médias sociaux ? Es-tu à l'aise avec le fait que les gens connaissent ton penchant ?

« Je suis assez ouverte sur le sujet – je me fiche que les gens le sachent. Ils sont tellement fermés d'esprit. J'ai toujours été passionnée par les documentaires sur la criminalité, mais ce n'est que récemment que j'ai développé cette attirance pour les tueurs en série, à cause de Richard Ramirez. Il a quelque chose de fascinant. »

Pourquoi autant de jeunes femmes sont-elles attirées par les tueurs ? Est-ce que certaines voudraient réellement rencontrer un tueur et avoir une relation avec lui ? Toi par exemple, le voudrais-tu ?

« Ça dépend. Je pense que ce qui attire les femmes chez les tueurs en série, c'est le danger. Tout dépend de la personnalité du tueur. »

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Ramirez détestait-il les femmes ? Pourquoi les tuait-il ?

« Je pense qu'il était juste assoiffé de sang. Il aimait le sexe associé à la violence. Je ne pense pas qu'il détestait les femmes. Dans l'interview qu'il a donné dans un couloir de la mort, il a déclaré qu'il ignorait que les femmes avaient des sentiments avant de rencontrer ses groupies. »

Ted Bundy (Capture dcran via)

Au Royaume-Uni, une étudiante en sociologie de 19 ans a répondu à ma question : qu'est-ce qui t'attire exactement chez les tueurs en série ?

« Ce que j'aime chez les tueurs en série et les psychopathes, c'est qu'ils dévient de la norme et qu'ils s'en foutent. »

Éprouves-tu une attirance romantique pour certains de ces célèbres tueurs en série ? Bundy, par exemple.

« Ouais, lol. »

Parce qu'il pourraient te tuer ? C'est ça qui te plaît chez eux ?

« Pas forcément. C'est simplement que la violence est excitante. Si je devais avoir un tueur comme petit ami, ça m'exciterait beaucoup. C'est un peu comme une partie de roulette russe – mon tour pourrait venir, et il pourrait m'assassiner. Ça pimente un peu les choses. Les relations conventionnelles sont ennuyeuses. »

Je lui fais remarquer qu'elle est très transparente sur Twitter. Le fait que tout le monde connaisse ses attirances ne lui pose-t-il pas de problème ?

« Je suis très ouverte sur le sujet, pour être honnête. Mes amis sont au courant. En revanche, je n'en parle pas vraiment avec ma famille. Elle n'apprécierait pas, je pense. »

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Te considères-tu comme féministe ?

« J'ai un avis mitigé, mais oui, je crois. »

De retour aux États-Unis, une jeune femme de 20 ans à qui j'ai envoyé un message est plus ferme quant à ses opinions. Se décrivant comme une féministe intersectionnelle, elle explique : « Mon féminisme condamne ce qu'ils ont fait et je ne veux évidemment pas que cela arrive à d'autres femmes – ou à quiconque, d'ailleurs. Je suis horrifiée par ces actes, mais je suis intéressée par les raisons qui les ont motivés. Certains meurtriers sont physiquement attirants, je l'accorde. Mais je m'intéresse plus à leur psychologie. »

Qu'en est-il des images auxquelles elle s'expose en permanence ?

« Je trouve que ça désensibilise les gens. Les images gores sont de plus en plus faciles à regarder. »

§

Malgré ces nombreuses réponses, je n'arrive toujours pas à comprendre que quelqu'un puisse être attiré par un tueur en série et s'en vanter en public. Je peux comprendre que l'on puisse s'intéresser à la psychologie d'un tueur. Mais chercher activement à sortir avec quelqu'un qui aime tuer des femmes me semblera toujours quelque peu étrange.

Ceci dit, peut-être que je ne suis pas censé le comprendre. Peut-être que ce truc de fans de tueurs/adolescentes qui se revendiquent féministes n'est tout simplement pas fait pour moi.

@josh_ua_surtees