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Allez vous faire foutre, les « gens qui ne dorment jamais »

À quoi bon rester éveillé en permanence si le monde entier vous déteste ?

Parmi les choses les plus inintéressantes de cette planète, les gens qui aiment raconter leurs rêves caracolent en tête de liste. C'est d'ailleurs pour cette raison que Freud devait prendre plus de cocaïne qu’un manager en « soirée afterwork » afin de rendre ses journées plus supportables. Non, ça ne m’intéresse pas particulièrement de savoir que vous avez rêvé d’un clown qui s’est ensuite transformé en votre mère, avant de vous rendre compte que c’était Harvey Keitel depuis le début.

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En réalité, toutes les personnes qui aiment parler de leur cycle de sommeil sont insupportables. Certains vous diront qu’ils se sont globalement couchés plus tôt cette année, tandis que d’autres préfèreront vous parler de leur incapacité à faire une sieste.

Mais il existe une catégorie bien plus infernale – celles des gens qui prétendent n’avoir jamais besoin de dormir. Ces psychopathes moralisateurs et pseudo-spirituels qui n’ont aucun scrupule à vous parler de « sommeil polyphasique », de « rythme circadien » et de « méthode Uberman ». Ces types infréquentables qui prétendent dormir en plusieurs cycles, sans se rendre compte qu’ils sont en train de progressivement devenir l’équivalent humain d’une boisson énergisante.

Forcément, ce rythme de vie imbuvable prend une toute autre tournure quand il est appliqué par des types comme Léon – mais si vous voulez mon avis, la plupart de ses adeptes feraient mieux de rester dans un état catatonique permanent.

Ironiquement, c’est un soir d’insomnie que je suis tombé sur un des porte-paroles de ce mouvement absurde : un jeune homme prénommé Andrew Torba. Mr. Torba bosse dans le marketing digital, se décrit lui-même comme un « amoureux de la sagesse », pratique le yoga et a pris soin de placer le hashtag #Bitcoin dans sa biographie Twitter. En fait, j’ai trouvé toutes ces informations dans sa biographie Twitter.

En plus d'écrire des articles sobrement intitulés « Comment rédiger un e-mail de PDG », il pratique aussi ce qu’on appelle le « sommeil biphasique ».

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Le sommeil polyphasique est un cycle de sommeil qui implique de faire plusieurs courtes siestes dans la journée au lieu de s’infliger une nuit entière. L’idée est assez surprenante, même si elle doit paraître logique à de nombreuses personnes aux routines mouvementées – comprendre : qui bossent dans la communication.

Le problème, c'est que Torba semble incapable de profiter de sa méthode sans montrer à tout le monde à quel point elle lui permet de réussir sa vie. Dans un article pour le site Medium, il détaille scrupuleusement son quotidien en se faisant passer pour un étrange hybride de Deepak Chopra et de Patrick Bateman.

Après quelques lignes d'introduction où il explique à quel point « son style de vie est unique », il entame les festivités :

Rien qu’en précisant l'heure où il commence ses journées, il trouve le moyen d’être chiant – chose assez fréquente chez les personnes persuadées d’avoir découvert le sens de la vie.

Il nous en livre un peu plus sur sa philosophie :

À ce stade, on peut se demander ce que fait ce type pour vivre. Quel genre de profession exige des nuits aussi courtes ? Quelle cause aussi noble que fascinante pourrait pousser un homme à sacrifier plusieurs heures de repos par jour ? La réponse est évidente : vendre des publicités Facebook.

Torba décrit ensuite sa routine du matin :

En lisant ces lignes, je me suis demandé si Torba était sérieux. Difficile de croire qu’un être humain puisse être aussi heureux à l’idée de faire un compte-rendu de ses dépenses. Vous pensez sans doute, comme moi, que ce type est un personnage de sitcom. Mais je vous assure qu’il existe.

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Mais passons à la suite – comment un non-conformiste comme Torba occupe-t-il ses après-midi ? En gérant ses nombreuses communautés, par exemple :

Là, je ne vois pas vraiment le rapport avec son cycle de sommeil. Il aurait pu se contenter de dire qu’il passait son après-midi à travailler, mais Andy semble assez désireux de nous prouver son importance. Il doit quand même faire des recherches sur des dizaines de communautés. Mais ne vous moquez pas de lui, parce que visiblement, ça prend beaucoup plus de temps qu’on ne pourrait le penser.

Il a plutôt raison sur ce point. On ne profite pas assez de nos pauses déjeuner, et c'est toujours une excellente idée de repousser ses appels téléphoniques à plus tard.

Mais il est déjà 16h, et Andrew n'a travaillé que trois heures. Comment va-t-il se rattraper ?

Bien entendu, tout le monde a besoin de passer quatre heures à porter des haltères et à faire un peu de cardio (autrement dit, respirer très vite), en plus de faire une petite sieste réparatrice et de manger en début de soirée. Mais encore ?

Plutôt réglo. Et ensuite ?

Andrew, dans sa logique infinie, imagine probablement qu'il a travaillé en passant trois heures à discuter avec ses collègues sur Facebook. À cette heure-ci, j'espère sincèrement qu'il envisage de dormir.

Il passe donc trois ou quatre heures de « solitude » pour trouver « ses meilleures idées ». Vous avez le droit de me reprocher ma mauvaise foi, mais j'ai l'impression qu'il essaie de nous embrouiller pour dissimuler le fait qu'il passe ses nuits à mater True Detective, manger des tartines et se masturber.

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Enfin, Torba se laisse aller à trois ou quatre heures de sérénité avant de se réveiller et de reprendre sa routine effrayante. Pendant la journée, il aura dormi environ cinq heures, mais c'est OK, puisqu'il a passé le reste du temps à faire des trucs.

C'est assez facile de se moquer de la routine d'Andy et de sa manière de décrire ses journées, mais cette histoire souligne un véritable problème. De nombreuses personnes pensent désormais comme lui, et vivent comme des putains de machines en conséquence. Aujourd'hui, beaucoup d'entreprises estiment qu'il est tout à fait normal que ses employés fassent des heures supplémentaires non-rémunérées. Nos droits du travail sont bafoués en permanence, et des types comme Torba constituent un véritable danger. En réalité, il vit une existence effrenée, solitaire et potentiellement dangereuse.

Je suis certain que le sommeil polyphasique est une technique qui peut marcher si on l'applique correctement. Mais je ne peux m'empêcher de me demander si des gens comme Andrew Torba n'essaient pas de combler le trou béant qui caractérise leur vie socio-professionnelle.

@thugclive