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Cul nu dans le métro

Hier, dimanche 12 janvier, pour la treizième année consécutive, le groupe d'improvisation scénique américain Improv Everywhere a rassemblé ses fidèles pour aller se balader sans pantalon dans les métros et tramways de 60 villes différentes.

Photos : Glenn Cloarec

Hier, dimanche 12 janvier, pour la treizième année consécutive, le groupe d'improvisation scénique américain Improv Everywhere a rassemblé ses fidèles pour aller se balader sans pantalon dans les métros et tramways de 60 villes différentes. Né à New York en 2002, cet événement sans aucune revendication baptisé « No Pants Subway Ride » s'est popularisé au fil des années et rassemble désormais plusieurs milliers de personnes à travers le monde. Avec New York, des villes comme Londres, Berlin, Paris ou encore Jérusalem, Istanbul, Pékin et Bangalore participent tous les ans à l'événement. Dans la capitale française, il était organisé pour la troisième année consécutive. L'appel ayant largement été relayé par des médias sérieux type Le Bonbon et moins sérieux type Le Monde, les naturistes du dimanche étaient venus en masse. Comme on avait du mal à saisir l'intérêt d'un tel événement – et qu'on aime les popotins tout autant que les gambettes –, on est allés les rejoindre. Si on a rencontré quelques petites rates en culotte, on a surtout croisé des jambes poilues appartenant à la gent masculine.

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Le rendez-vous était fixé à 15 heures, place Charles-de-Gaulle. Antoine, l'organisateur français, a commencé par dicter ses consignes, avant que la foule ne se divise en petits groupes, destinés à occuper différents wagons d'un même métro. Antoine s'est déclaré ravi : il s'attendait à un effectif de 10 % de celui annoncé sur Facebook (qui était de 1 300 au début de l'événement). Son objectif était atteint, puisque qu'entre 100 et 150 personnes ont répondu à son invitation.

On a ensuite rencontré Christian, un étudiant espagnol à Paris. Pour lui, venu seul à l'événement, prendre le métro sans pantalon était « un bon moyen de rencontrer des gens et de s'amuser ». Il nous a confié que c'était la première fois qu'il y participait. La plupart des gens qu'on a ensuite interrogés nous ont affirmé participer « juste pour se marrer ». On a également discuté avec Florence, journaliste santé en petite culotte à nœud rose, qui avait décidé de se foutre à poil pour le fun, mais aussi pour « remettre en question les conventions et les codes vestimentaires ». Un autre a qualifié le happening de « théâtre invisible ». Nous l'avons quitté avec un air circonspect.

Au même moment, dans la station Charles De Gaulle Étoile, le public et les photographes restés sous terre s'impatientaient. Les métros passaient et se ressemblaient tous. À 15h15, les gens ont commencé à s'inquiéter. Quelques pervers avaient fait le déplacement pour l'occasion et étaient assez faciles à repérer : ce n'est pas chose courante de voir des vieux bien sapés faire les cent pas sur le quai en laissant passer plusieurs métros.

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Vers 15h30, au grand soulagement de tous, les No Pants sont enfin descendus. Ils avaient toujours leur pantalon mais, tout comme les vieux pervers qui les attendaient, ils étaient facilement reconnaissables : c'étaient les seuls à sourire. Le troupeau a déferlé sur le quai de la ligne 1 et semblait plus important qu'à la surface. Au moment fatidique, ils se sont partiellement dévêtus avant de s'engouffrer dans le métro suivant. C'était le bordel. Dans ce chaos, une vieille avec un béret en tweed et un pantalon de velours qui avait le malheur de se trouver là s'est fait coincer entre les doubles portes du métro avant de se mettre à gueuler. Personne ne l'a aidée. Pas le temps pour toi, mamie : tout le monde était là pour les No Pants. Ils ont écopé de quelques regards douteux alors qu'ils ouvraient leurs bouquins, écoutaient de la musique ou tapotaient sur leurs téléphones, très sérieux et toujours sans pantalon. Leurs jambes nues semblaient intriguer, mais sans plus. On a été un peu surpris de l'absence de réaction des gens, puis on s'est rappelé qu'on était à Paris, la terre natale des blasés.

D'autres culs-nus sont montés à l'arrêt suivant. Là, l'attention du wagon s'est tournée vers le groupe : les clic-clac des appareils photos résonnaient, les voyageurs devenaient des paparazzis, les photojournalistes se battaient, à la recherche du plus beau cul à photographier, et cette action dépourvue de sens s'est mis à ressembler à un fashion shoot pour Undiz. Les usagers dits « normaux », minoritaires, ont, au mieux, esquissé un léger sourire. Après quelques stations, on a vu un couple se tirer en râlant : toucher des jambes poilues ne répondait pas à leur standing de voyageurs. Sur les quais de Châtelet, flics et agents RATP étaient présents en masse. À la station St-Paul, un juif orthodoxe est descendu du métro après avoir fait semblant de n'avoir rien vu tout le long de son voyage.

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Après 22 minutes de franche déconnade de Charles-de-Gaulle-Etoile à Bastille, tout le monde est descendu : direction les marches de l'opéra pour la photo de groupe. « Finalement, on n'a pas si froid que ça », nous a glissé un mec. D'un coup d'œil furtif, on s'est aperçus que sa bite disait le contraire. Une fois qu'ils se sont rassemblés sur les marches, c'était le bonheur. La sensation du devoir accompli se lisait sur tous les visages ; on aurait dit qu'ils avaient fait la guerre ensemble.

« Bravo, ça c'est Paris, ça c'est la France, ça c'est l'humanité », s'est exclamé le fanfaron de la bande. Une douzaine de camions de CRS se trouvaient à proximité. Ils semblaient ne jamais vouloir remettre leur futal – et rejoindre par là même la masse des gens ordinaires. La journée a continué au bistrot des Sans-Culottes et dans les bars du quartier. Le fun continuerait ensuite sur YouTube, Facebook, Twitter et tous les autres réseaux sociaux que compte l'Internet.

Ce flashmob n'est pas marginal pour Improv Everywhere, collectif d'improvisation fort d'un répertoire de 130 idées de missions prévues sur l'année. Leur succès peut laisser penser qu'il ne se passera bientôt plus un jour sans qu'un flashmob vide de sens et pas tellement drôle s'organise quelque part dans le monde. Être populaire à l'ère 2.0, ça passe par là. On est dans la génération des junky-des-likes, des fanatiques de la reproduction des modes d'Internet et des mouvements de transgression ringards.

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On se posait la question : Font-ils cela pour transgresser les normes ? Ont-ils besoin de ce brin de folie pour se sentir exister ? Les organisateurs de la No Pants Subway Ride, sûrement conscients de leur impossibilité de répondre, intimaient aux participants de répondre à ceux qui leur demanderaient pourquoi ils font ça : « Parce que j'avais trop chaud. » Haha.

« Les Parisiens sont durs à faire marrer », a commenté une participante rouquine d'une vingtaine d'années. Effectivement, sur place, on a constaté que les passagers, dans leur grande majorité, étaient restés stoïques face à ces gens qui avaient enlevé le bas. Perdue comme nous, une jeune passagère à couettes racontait au téléphone : « Les gens n'ont pas de pantalon, c'est une cause pour je ne sais quoi. »

Une fois devant l'Opéra Bastille, alors que le mouvement était officiellement fini et que rendez-vous était donné pour l'année prochaine, l'organisateur a pris soin d'inviter les participants à poster photos, vidéos, et tout l'attirail sur Internet sans oublier le fameux #NPSR (No Pants Subway Ride).La fête continuera jusqu'à ce que soit révélée la relation amoureuse entre Jean-Marc Ayrault et Mimie Mathy (l'actrice de Game of Thrones).

@GlennCloarec @Makkabyde