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Dois-je faire un don pour Kony 2012 ?

Un film caritatif chiant s'est emparé de l'Internet.

Vous vous êtes probablement réveillé ce matin en découvrant que ce que l’on appelle Kony 2012 s’est emparé de l’Internet. Au cas où vous ne l’auriez pas encore compris, Kony 2012 est un film produit par l’association caritative Invisible Children pour attirer l’attention sur les enfants soldats en Ouganda. Depuis sa sortie sur YouTube, le 5 mars dernier, il a été visionné plusieurs millions de fois. Voyez vous-mêmes :

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C’est pas mal, hein ? Joseph Kony et son Armée de résistance du Seigneur (LRA) kidnappent des enfants dans le but de les transformer en meurtriers sanguinaires. Ils font ça depuis des années. Attirer l’attention sur les crimes de Kony pour forcer les politiciens américains à agir contre cette tragédie n’est pas une mauvaise idée, pas vrai ?

Les choses sont plus complexes qu’elles n’y paraissent. Vous avez sans doute remarqué qu’à CHAQUE FOIS qu’il se passe un truc sur Internet, des gens sont là pour critiquer. Bien sûr, la plupart du temps, ces gens chient sur des petites ados en les traitant de pétasses mais de temps en temps, ils chient aussi sur des trucs qui le méritent, comme le SOPA, par exemple. Pour résumer, si des humains aiment une chose, il y aura toujours quelques excentriques pour dire qu’ils détestent.

Et Kony 2012 n’échappe pas à la règle. Je suis persuadé que les auteurs de ce film et l’organisation caritative qui le promeut se foutent pas mal de ces critiques. Après tout, dès lors qu’un sujet a une importance telle que Rihanna tweete dessus, certaines personnes vont forcément se montrer suspicieuses, jalouses et essayer de tout gâcher, peu importe le sujet en question. Les gens aiment foutre la merde, pas vrai ?

Cela dit, voici une sélection non exhaustive des critiques majeures auxquelles Invisible Children et Kony 2012 ont eu droit.

Critique #1 :

Ces chiffres circulent sur Internet.

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On ne peut pas comprendre toutes les motivations d’Invisible Children en se fondant sur ces seuls chiffres. Un salaire annuel de 89 000 dollars (67 000 euros), c’est plutôt confortable, mais est-ce que ça importe ? Le fait que les dépenses soient élevées par rapport aux revenus de l’organisation n’est pas vraiment surprenant non plus. L’objectif de Kony 2012 est d’informer les gens. Les gens font des dons pour que le cauchemar ougandais soit connu de tous et, en une nuit, grâce à une vidéo sur YouTube, des millions de personnes ont découvert le conflit. L’opération est donc un succès.

Critique #2 : Invisible Children n’est pas nette financièrement.

Selon certains internautes, Invisible Children refuse de coopérer avec le Better Business Bureau –une organisation chargée d’enquêter sur l’éthique des entreprises.

Aussi, selon le site Charity Navigator (dont je n'avais jamais entendu parler avant aujourd'hui), les activités d'Invisible Children ne sont pas vraiment transparentes.

Critique #3 : Invisible Children ment.

Si l’on en croit un article publié par le Council on Foreign Relations (un think tank américain) :

« Dans leurs campagnes, les organisations comme Invisible Children ont manipulé les faits à des fins stratégiques en exagérant le phénomène des enlèvements et des meurtres de la LRA ainsi que son utilisation d’enfants innocents pour gonfler les rangs de ses troupes. Ils décrivent également Kony – un homme brutal, certes – comme le mal incarné. »

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Critique #4 : Invisible Children veut submerger l’Ouganda d’armes.

Euh. Mauvaise idée, les gars. Enfin, je veux dire, si jamais VICE décidait de m’envoyer quelque part, genre au Congo, la première chose que je ferais, c’est mettre une photo de moi sur Facebook avec des AK 47. Mais le truc, c’est que moi, je ne fais pas de lobbying pour que l’Armée de libération du peuple soudanais (qui, paraît-il, sont accusés de viols et de pillages) soit fournie en armes par les Américains.

Je ne suis pas expert en la question, mais l’Histoire ne nous a-t-elle pas montré à plusieurs reprises qu’armer un groupe de mecs pour aller tuer un autre groupe de mecs dans un pays lointain était toujours une idée de merde ? N’est-ce pas le genre d’initiatives qui mènent à l’extermination ethnique, l’extrémisme, le sentiment revanchard, le conflit tribal et, de manière générale, à la misère ? Peut-être pas. Après tout, comme je vous le disais, je ne suis pas un expert.

Critique #5 : Invisible Children emploie des connards.

La première fois que j’ai vu Kony 2012, j’ai eu pas mal de remords en réalisant à quel point j’étais superficiel. Je trouve qu’il est impossible d’ignorer le côté suffisant et indie du truc. Ça m’a fait penser aux pubs mélodramanipulatrices, ou au clip de Kings of Leon dans lequel ils font la fête avec des familles de renoi, ou au clip de 30 Seconds to Mars où tous les gosses parlent du fait que la musique de Jared Leto a sauvé leur vie. Je veux dire, re-regardez les premières secondes de la vidéo. C’est un blabla pompeux qui n’a aucun putain d’intérêt :

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Mais bon, le message principal – empêcher cette petite pute de Kony de tuer et violer des milliers de gamins innocents – est un message puissant. Donc j’ai dépassé mon snobisme.

Mais peut-être n’aurais-je pas dû. Chris Blattman, professeur assistant en sciences politiques et en économie à Yale, a rédigé un blogpost sur Invisible Children où il les traite de connards. Il commence par s’attaquer à leurs « cravates de hipsters » et à leurs chapeaux de cowboy avant de les accuser de postcolonialisme.

…………………………………….

Donc maintenant, je suis en plein dilemme. Je sais bien que je suis allé fouiller l’Internet pour exposer les faces cachées du phénomène Kony 2012 parce que je suis un snob qui aime éclater les petites bulles roses dans lesquelles les gens vivent et parce que je trouve que le film promotionnel d’Invisible Children est embarrassant. Et c’est une raison horrible d’ignorer une bonne cause, je vous l’accorde.

Kony 2012 est né parce que ses réalisateurs sont allés en Ouganda et ont rencontré un garçon tellement traumatisé par ses expériences qu’il en était devenu suicidaire. Confrontés à la réalité grotesque de ces atrocités, ces réalisateurs occidentaux ont fait ce que moi j’aurais fait (du moins, je l’espère) et se sont engagés à mettre un terme à tout ça. Peu importe ce que ça impliquait.

Sachant cela, est-ce bien important que ces mecs soient bien payés ? Qu’ils maquillent un peu les faits ? Que leur organisation ne soit pas totalement transparente financièrement ? Qu’ils soient des crétins naïfs qui pensent que sauver l’Afrique est la mission de l’homme blanc ? Toutes ces questions ne sont-elles pas les émanations intellectuelles pompeuses d’Occidentaux qui ont assez de liberté, d’accès à l’information et d’éducation pour critiquer un simple acte de bonté ?

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Est-ce qu’on ne ferait pas mieux d’arrêter de critiquer et de commencer à aider ces gosses ? Ou est-ce le genre d’interventionnisme aveugle qui entraîne des pays comme l’Afghanistan dans de très longues guerres ?

Je ne sais pas en fait. Désolé.

(Merci aux blogs et aux mecs de Reddit que j’ai pompés.)

Suivez Alex sur Twitter : @terriblesoup

Pour aider Kony 2012, cliquez ici.

Et pour plus d’informations sur pourquoi vous ne devriez pas les aider, cliquez ici.

Et si vous êtes d’humeur à découvrir plus d’histoires horribles qui parlent de pauvres gens qui ont des vies de merde en Afrique centrale et Afrique de l’Est, allez voir de ce côté :

Le guide VICE du Libéria

Le guide VICE du Congo

Photos VICE au Soudan