Être jeune et séropositif en 2015 de A à Z

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Être jeune et séropositif en 2015 de A à Z

Blagues sur le sida, médicaments, voyages : un guide de toutes les choses auxquelles s'attendre quand on contracte le VIH.

Photo : Jim Goldberg/Magnum Photos

Le 1er décembre constituait la journée mondiale de lutte contre le sida. Née en 1988, elle a pour but de sensibiliser les gens à cette maladie. D'après l'Organisation Mondiale de la Santé, plus d'un million de personnes sont mortes à cause du VIH l'année dernière, amenant le chiffre total à dépasser la barre des 34 millions. L'OMS estime que 36,9 millions de gens vivaient avec le VIH fin 2014. L'Afrique subsaharienne est la région la plus touchée, avec à peu près 25,8 millions de personnes vivant avec le VIH en 2014. La région compte pour 70 % des deux millions de nouveaux cas attendus chaque année à travers le monde.

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J'ai été testé positif au VIH en 2011. Aujourd'hui, j'ai 25 ans, et je trouve que beaucoup de jeunes de ma génération sont détachés des réalités liées au VIH. J'ai donc voulu partager mon expérience personnelle et mon point de vue en tant que jeune américain séropositif en 2015. Voici un guide de A à Z de ce que signifie être séropositif.

ASSURANCE
Je n'avais aucune idée de l'importance d'un contrat d'assurance jusqu'à ce que j'apprenne que j'étais séropositif. Les compagnies d'assurances sont l'incarnation de Satan, mais elles constituent aussi mon seul moyen d'obtenir gratuitement des médicaments à 3 000 dollars par mois. Au moins, Satan est de mon côté.

BLAGUES SUR LE SIDA
En mars 2011, quand j'ai découvert que j'étais séropositif, je me suis noyé pendant des semaines dans un océan de brochures, d'articles et de vidéos YouTube portant sur le sida qui semblaient tous aussi tristes que stériles. Au bout d'un moment, je suis allé sur Twitter et j'ai lu des blagues sur le sida. C'est à peu près à ce moment-là que j'ai recommencé à rire.

Quelque temps après mon diagnostic, je suis resté mentalement prisonnier de ma condition. Je n'arrivais pas à penser à autre chose. Les blagues sur le sida m'ont permis d'éprouver autre chose que de la peur. J'ai été capable de penser à ma condition et à ma vie d'une manière qui ne me donnait pas l'impression d'avoir été horriblement souillé. Je n'ai pas le sida ; Il se peut que je n'aie jamais le sida. Mais les blagues sur le sida, aussi horribles et sombres soient-elles, m'ont fait trouver un peu d'humour dans ce qui semblait être mon tragique destin. Les blagues sur le sida sont cruelles et injustes, et pour être tout à fait honnête, elles ne devraient même pas exister. Mais grâce à elles, je me suis senti humain au moment le plus triste de mon existence.

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CHARGE VIRALE INDÉTECTABLE
Le terme charge virale réfère au nombre de copies du VIH dans votre sang. Plus le nombre est élevé, plus il y aura de copies du virus dans votre système ; conséquemment, plus c'est dangereux pour votre santé et plus vous aurez de chances de le filer à d'autres. Avec des médicaments, votre corps peut tuer des copies du virus. C'est tellement efficace qu'ils ne sont plus détectables à l'aide de techniques de dépistage modernes. À ce moment-là, votre corps n'a plus à se battre contre le VIH et est capable de gérer d'autres choses, comme une grippe ou un rhume. De plus, si vous êtes indétectable, il vous sera très difficile de refiler le virus à quelqu'un d'autre.

Quand j'ai fait mon coming out, ma mère m'a fait promettre de ne jamais attraper le VIH. Quand j'ai dû lui annoncer que j'étais séropositif, elle m'a simplement pris dans ses bras. »

DIRE AUX GENS
Je ne révèle pas ma séropositivité à n'importe qui. Ce n'est pas parce que j'ai honte ; c'est plus pratique et plus sûr. Je ne connais pas l'attitude d'une personne, ses idéaux politiques, ou son niveau de connaissance du VIH. Je ne sais pas si cette personne va me juger, avoir pitié ou peur de moi, ou simplement me rejeter. Si je parle de ma condition à quelqu'un, c'est parce que je pense que cette personne est raisonnable, éduquée et digne de confiance. Les rares fois où j'en ai parlé à d'autres, ils m'ont dit que j'étais la première personne séropositive qu'ils rencontraient. La plupart du temps, on me traite avec respect. Parfois, j'ai le droit à des larmes ou à des longues séances d'interrogatoire en guise de réponse. C'est cool – je suis toujours content de participer à l'ouverture d'esprit de quelqu'un d'autre. Mais j'essaye aussi de faire en sorte que ma vie ne ressemble pas à un film placé sous le signe du pathos.

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ÉDUCATION
On ne se rend jamais compte à quel point on manque d'éducation sur le VIH, à moins de devenir soi-même séropositif. C'est comme si la société avait décidé d'arrêter de s'y intéresser après 1991. D'après mon expérience, la plupart des gens ignorent tout des réalités liées au VIH et ça leur fait très peur ; ils n'ont aucune idée des progrès qui ont été réalisés depuis. Heureusement, Internet existe.

FAMILLE
Quand j'ai fait mon coming out, ma mère m'a fait promettre de ne jamais attraper le VIH. Quand j'ai dû lui annoncer que j'étais séropositif, elle m'a simplement pris dans ses bras. Dans ma famille, je n'en ai parlé qu'à mes parents, et ils n'ont jamais cessé de me soutenir.

GUÉRISON
Chaque jour, un nouvel article est publié sous un titre annonçant : « Les scientifiques estiment qu'on pourra bientôt guérir du VIH », ou « Un vaccin bientôt possible pour le sida ? » Pour moi, ces articles ne sont rien de plus que des clickbaits. Des articles et des news qui proclament que la guérison est proche, cela fait maintenant des dizaines d'années qu'on en entend parler. Si je m'enthousiasmais à chaque fois qu'un de ces articles était publié, j'aurais perdu espoir à l'heure qu'il est. Ceci dit, j'espère qu'un jour un vaccin sera trouvé, mais je crois que ce n'est pas pour tout de suite. Quand/si un vaccin est développé, j'imagine qu'il se prendra sous forme d'injections. J'aime à penser que lorsqu'il sera mis en vente, j'aurais la quarantaine et que j'aurais dessiné au marqueur un gros smiley sur le calendrier le jour de l'injection. Quand/si jamais je suis guéri, je pleurerai(s). Je mangerai(s) des gâteaux et boirai(s) du champagne avant de m'en aller à Taïwan, un endroit où je n'ai pas le droit d'aller à cause de ma séropositivité. Mais pour l'instant, j'ignore si ce jour arrivera de mon vivant.

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(REFUSER D'AVOIR) HONTE
Le moment le plus difficile et douloureux, c'est le diagnostic ; se retrouver face à la honte et aux préjugés que la société a sur le virus. Je me suis finalement senti mieux lorsque je me suis rendu compte que le pire, c'était l'importance que j'accordais à l'opinion que les autres pouvaient avoir de moi et à me demander comment j'avancerais dans un monde de gens séronégatifs.

INFIRMIÈRES
J'ai des prises de sang tous les six mois. Les gens au laboratoire sont vraiment gentils. Ils diffusent des dessins animés avec des vampires pour que les patients puissent regarder autre chose que leur sang en train de se faire aspirer par une machine. C'est un peu chiant, mais c'est toujours cool d'être entouré de gens adorables.

JUSTICE
Voici une situation théorique : j'ai rencontré quelqu'un avec qui je m'entends bien et je lui raconte que je suis séropositif. Ça ne lui pose aucun problème. Il commence à avoir des sentiments pour moi ; je n'en ai pas et décide de rompre la relation. Que se passe-t-il si ce type est rancunier et dise à la police que nous avons eu des rapports sexuels non protégés sans que je l'aie informé sur ma condition ? Sans aucune preuve, je peux être arrêté, puis envoyé devant un tribunal. À partir de ce moment-là, c'est sa parole contre la mienne. Imaginons que je me retrouve devant un juge qui ne connaît rien au VIH et qui est ainsi biaisé et me regarde sous un prisme stéréotypé qui me stigmatise. Je suis cloué au pilori publiquement et aux yeux de ma famille, mes amis et mon employeur. Bref, je risque de perdre tout ce que j'ai. Voici pourquoi Charlie Sheen a dû aller sur le Today show pour dévoiler sa séropositivité : on lui faisait du chantage pour exploiter les lois relatives au VIH contre lui. D'après ces lois, si vous avez des rapports sexuels avec quelqu'un sans lui dire que vous êtes séropositif, cette personne peut vous poursuivre en justice et vous pouvez finir en prison. Même si ces lois sont faites pour protéger le public, elles peuvent devenir dangereuses parce que les séronégatifs peuvent en user sans passer de test de dépistage ; en plus, cela force les séropositifs à révéler leur condition publiquement.

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Sur le thème de la prison, le VIH reste un gros problème. Les détenus des prisons fédérales et d'États sont touchés de façon disproportionnée, en plus d'avoir d'autres problèmes de santé. En Amérique, plus de 20 000 détenus vivent avec le VIH ou le SIDA - c'est-à-dire un détenu sur cent.

LES ENFANTS
Je peux toujours avoir des enfants en étant séropositif. Ça coûte cher, mais c'est possible. Les femmes qui vivent avec le VIH peuvent grandement diminuer le risque de transmettre le virus à leurs bébés en prenant plusieurs médicaments (via ce qu'on appelle la thérapie antirétrovirale ou ART). Les individus ou les couples qui voudraient adopter ne peuvent pas être discriminés à cause de leur séropositivité.

Photo de l'auteur

MÉDICAMENTS
J'ai un magazine gay datant de 1983 encadré dans ma chambre. Au dos il y a une pub pour une vitamine appelée Vita-men. Le slogan de la pub ? « Bats-toi ! » L'épidémie de sida était proche de son point d'orgue en 1983, et le seul moyen de défense qu'on ait pu trouver était une vitamine vendue et envoyée par la poste.

Chaque matin, je prends une grosse pilule mauve appelée Triumeq, un médicament puissant formé de trois composantes anti-VIH. Avec cette pilule, on me garde en vie indéfiniment. Le médicament empêche le virus de se reproduire et aide mon corps à détruire les copies du virus dans mon sang afin de me garder en bonne santé ( cf. Charge virale indétectable). Grâce à cette pilule, mon espérance de vie est proche de celle d'une personne séronégative.

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Si j'étais quelqu'un de religieux, je construirais un temple en l'honneur de Triumeq. Pour moi, c'est la plus grande avancée de l'ingénierie – avec le voyage sur la Lune et Internet. Néanmoins, cette drogue puissante peut avoir un effet sur mon corps et mon vieillissement. Aurais-je des joues creusées et un ventre énorme à cause de la lipodystrophie, un effet secondaire associé à certains médicaments anti-VIH ? Mes reins vont-ils arrêter de fonctionner ? Aurais-je besoin d'un nouveau foie dans 20 ans ? J'imagine que dans un avenir proche, Elon Musk trouvera moyen d'imprimer des parties du corps en 3D – et je serai sauvé. C'est mon seul espoir, puisque je ne peux pas bénéficier de don d'organes à cause de ma condition. Pourtant, peu importe ce qui se passe, je suis content de pouvoir prendre des médicaments, puisque certains des traitements qui peuvent sauver des vies sont tragiquement moins disponibles dans certaines parties du monde, comme l'Asie ou L'Afrique. Donc, je n'ai pas vraiment le droit de me plaindre.

NON LUCRATIF
Qu'il y ait des gens géniaux qui font un travail d'enfer juste parce qu'ils veulent faire du monde un meilleur endroit pour des gens comme moi, je trouve ça touchant. Il existe tellement d'associations à but non lucratif qui luttent contre le VIH et le SIDA et sont menées par des gens remplis de bonnes intentions – GHMC, Callen Lorde Community Health Center, et Lambda Legal, pour ne citer qu'elles. Quand j'ai découvert ma condition, j'ai été contacté par une association locale qui m'a aidé à organiser mes visites chez le docteur, m'a offert des séances de thérapie et m'a aidé à m'informer sur le VIH. Ce même groupe dispensait des cours d'éducation sexuelle, distribuait des capotes gratuitement et ouvrait des centres de dépistage dans ma ville. Dès qu'il y a une marche contre le sida ou une collecte de fonds, je donne. Ces gens sont des putain de saints.

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ON EN PARLE
Seulement une personne hétéro sur cinq avoue avoir utilisé un préservatif la dernière fois qu'elle a fait l'amour. Aujourd'hui, c'est possible de se procurer des « pilules du lendemain ». Hormis les bébés éprouvettes, chaque être humain a été conçu grâce à un rapport sexuel non protégé. J'ai eu des rapports sexuels non protégés, comme c'est le cas de nombreuses personnes sexuellement actives. Simplement parce que j'ai attrapé le VIH, certains aimeraient vous faire croire que je suis sale, méchant, fourbe et stupide. Ce sont les mêmes personnes qui pensent que parce que je suis séropositif, je devrais être séparé du reste de l'humanité et implorer la pitié. J'en ai vraiment marre d'être pointé du doigt comme étant un monstre. Je déteste avoir à m'expliquer parce que j'ai envie qu'on me traite comme un être humain, et pas comme une étude de cas.

PrEP
Pour ceux qui ne le savent pas, la PrEP (aussi appelée Truvada) est un médicament à prendre quotidiennement par une personne séronégative pour l'empêcher d'attraper le virus. Quand elle est prise correctement, la pilule renforce le système immunitaire. Si vous couchez et/ou avez des rapports non protégés, vous devriez envisager la PrEP et en parler à votre docteur.

QUI ME L'A REFILÉ, ET SUIS-JE ÉNERVÉ ?
Heureusement, je sais quand et comment j'ai été infecté. J'ai eu un rapport sexuel sans utiliser de préservatif. J'étais avec quelqu'un que je fréquentais de temps à autre depuis environ deux ans. Je me suis senti à l'aise avec lui et on a zappé l'étape préservatif. À cette période, il ne savait pas qu'il était séropositif. C'est le schéma typique. La plupart du temps, le VIH est transmis par quelqu'un qui ne sait pas qu'il est porteur du virus.

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Non, je ne lui en veux pas. Je ne peux pas en vouloir à quelqu'un alors que c'est à moi-même que je devrais en vouloir. Personne d'autre que moi n'est responsable de ma protection contre le VIH. J'ai choisi d'avoir des relations sexuelles sans protection ; on ne m'y a pas obligé. Je ne peux pas avoir des sentiments négatifs contre lui. Cela servirait juste à perpétuer cette fausse image que l'on a de la situation prédateur/victime en ce qui concerne le VIH ; cette idée que c'est toujours la faute du séropositif.

RENDEZ-VOUS
Au cours de l'année dernière, ma façon d'envisager les rancards a radicalement changé, grâce à la PrEP, ce nouveau traitement préventif pour empêcher les individus séronégatifs d'attraper le virus. Avant la PrEP, jamais je n'aurais songé à donner mon numéro de téléphone, à rencontrer quelqu'un pendant une soirée ou à sortir avec quelqu'un rencontré sur Tinder. Je cherchais uniquement des séropositifs comme moi. Cependant, grâce à la PrEP, beaucoup de séronégatifs sont ouverts à la fréquentation de séropositifs. Mon étang s'est subitement retrouvé avec cinq fois plus de poissons.

(ASSURANCE) SANTÉ
Avant d'en apprendre plus sur ma condition, je faisais tout à fait confiance aux docteurs, aux infirmières et aux professionnels de la santé en général. Ce n'est que lorsqu'un docteur m'a fait me sentir comme un raté complet que j'ai compris qu'un stéthoscope était la même chose qu'un col de prêtre – fait pour inspirer la confiance, mais sans la garantir pour autant. Aujourd'hui, mon médecin est homosexuel et marié à un homme séropositif. C'est fou l'impact que peut avoir le fait d'entendre parler de sa condition avec le sourire, que les infirmiers vous touchent sans trembler, ou d'être dans un endroit où l'on ne vous traite pas comme une bête de foire.

TRAITEMENT POST EXPOSITION DE L'INFECTION AU VIH ET PROPHYLAXIE PRÉ EXPOSITION (TPE)
Peu de gens le savent, mais il existe un « traitement du lendemain » pour le VIH. Si vous avez une relation sexuelle avec une personne que vous soupçonnez porteuse du VIH, vous pouvez vous rendre aux urgences où l'on vous fournira plusieurs médicaments qui vous empêcheront d'être infecté à votre tour. Ça ne fonctionne pas à tous les coups, mais ça peut vous sauver la vie. Si j'avais su que le TPE existait étant plus jeune, je serais sûrement séronégatif à l'heure actuelle.

UNE VINGTAINE DE MINUTES
C'est le temps qu'il vous faudra pour vous faire tester pour le VIH. Vous n'avez aucune raison de ne pas trouver un peu de temps pour le faire.

VOYAGER
Je ne peux pas me rendre dans certains pays à cause de ma séropositivité. Leurs lois indiquent que l'on ne doit pas me laisser rentrer. De toute façon, je ne suis pas désespéré à l'idée de ne jamais mettre les pieds à Singapour.

XXX
Être séropositif ne signifie pas être célibataire pour autant – j'ai une vie sexuelle active. Je suis jeune, gay et j'habite à New York. J'ai dans mon entourage des hommes gays qui sont séropositifs ou prennent des traitements préventifs (cf. PrEP). Je suis tout le temps franc à propos de ma condition : je mets un point d'honneur à être honnête, confiant et soigneux avant de retirer mes vêtements.

ZÉRO
Le nombre de nouvelles infections détectées dans une étude chez de récents testeurs de PrEP. Sérieusement ; si vous faites l'amour, renseignez-vous sur la PrEP et le TPE.

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