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Culture

La défaite est toujours drôle

Le créateur de la sitcom BoJack Horseman nous a parlé d'humour, de sinistrose et de comment créer de l'humour grâce à la sinistrose.

BoJack Horseman est la seul sitcom américaine que j'ai envie de suivre à l'heure actuelle. D'une part, parce que je regarde peu de sitcoms – j'ai même tiré un trait sur South Park, qui avait fini par m'ennuyer alors que le programme était, objectivement, toujours aussi bien. De l'autre, parce que c'est l'histoire de Bojack, un cheval dépressif, alcoolique, médicamenté et cocaïnomane, autrefois acteur célèbre, qui décide de revenir sur le devant de la scène alors que non, personne – à Hollywood comme ailleurs – ne souhaite que cette antiquité des années 1990 ruinée par les produits euphorisants réapparaisse à la télévision. Si ce pitch fantastique ne vous suffisait pas, sachez en plus que tous les dessins sont réalisés par Lisa Hannawalt, illustratrice de génie et collaboratrice occasionnelle pour VICE depuis de nombreuses années.

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Le créateur de la série, lancée en 2014 sur Netflix, s'appelle Raphael Bob-Waksberg. Avant ça, il était déjà drôle et appartenait à un collectif réunissant d'autres mecs drôles nommé Olde English. J'ai discuté avec lui d'humour, de sinistrose, de comment créer de l'humour grâce à la sinistrose et de BoJack, ce cheval humanoïde qui passe sa vie sur son canapé et/ou se fait engueuler par son agent.

VICE : Racontez-moi l'histoire derrière la conception de BoJack Horseman. Comment en êtes vous venu à une comédie sur la déchéance d'une ex-star de sitcom ?
Raphael Bob-Waksberg : L'idée originale derrière l'histoire m'est venue en deux temps. Tout d'abord, je voulais faire quelque chose avec mon amie Lisa Hanawalt. C'est une artiste brillante et j'adore ses dessins d'hommes-animaux. J'ai commencé à me demander s'il n'y avait pas quelque chose à faire de ces personnages. Puis, j'ai déménagé de New York à Los Angeles, où j'ai vécu avec l'ami d'un ami d'un ami dans la chambre d'une maison huppée gigantesque, perchée sur les collines d'Hollywood. Je ne connaissais personne et zonais dans cette maison, je me suis donc imaginé et mis dans la peau de ce personnage qui vivait pratiquement sur le toit du monde, mais incapable d'être heureux.

Vous vous êtes inspiré d'une ancienne star du cinéma, de la mode ou de la télé pour l'écriture de BoJack ?
BoJack n'est pas le rejeton imaginaire d'une célébrité réelle, mais la série est inspirée de beaucoup de sitcoms avec lesquelles j'ai grandi. J'aime ces séries un peu naïves, tout en ayant conscience qu'elles ne sont peut-être pas aussi sophistiquées que d'autres formes d'art. Les sitcoms ont quelque chose de réconfortant, et elles signifient beaucoup pour plein de gens. Je suis fasciné par le mélange de fierté et de honte qu'une star de sitcom pourrait ressentir.

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On peut voir BoJack Horseman comme une critique acerbe du divertissement américain. Votre propre passé de scénariste télé vous a-t-il aiguillé dans la rédaction de BoJack ?
J'espère que la série n'est pas trop centré sur les entrailles d'Hollywood ! Je ne pense pas qu'elle le soit tant que ça. Personnellement, je pense que la série est vraiment axée sur la condition humaine. C'est ce qui m'intéresse. Je pense que la nature insaisissable du bonheur et la difficulté d'être une homme bon sont des situations auxquelles tout le monde peut s'identifier. Pour moi, le monde du show business est juste là pour décorer.

Avant d'écrire des émissions de télévision, vous avez fréquenté le milieu underground du stand-up au sein du collectif Olde English. Comment c'était ?
Je n'ai pas ressenti la compétition dans le milieu du stand-up à New York. En fait, c'était même plutôt le contraire. Je me souviens d'une grande communauté. Nos spectacles ont tous été hébergés par les uns et les autres, donc l'ambiance était plutôt au « Hey, je peux t'inviter sur mon spectacle ? Je peux être l'invité du tien ? » Chaque fois que voyais quelqu'un que je connaissais de mon cercle professionnel passer à la télé ou apparaître dans un film, j'étais toujours fier, je n'ai jamais ressenti de jalousie.

Travailler avec le collectif Olde English a été une expérience incroyable. Ce sont les personnes les plus drôles que je connaisse, et bosser dur pour les impressionner me faisait me sentir comme dans un camp de travail dédié à la comédie. Nous avons eu des disputes ridicules pour définir ce qui était drôle ou non, parfois vraiment tendues, mais j'ai beaucoup appris en travaillant avec les autres, en étant jugé et en jugeant les autres. J'ai surtout appris à remettre en question mes créations.

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Durant ces années, je me suis lassé d'écrire des sketchs qui étaient drôles pour être drôles. Quand j'écris quelque chose, j'ai besoin qu'il y ait du fond. Sinon, ça ne m'intéresse pas.

Pouvez-vous nous décrire votre processus d'écriture comique ?
Je ne mets pas l'accent sur la comédie lors de l'écriture de BoJack. Je suis plus intéressé par l'histoire et le personnage. J'ai un cerveau rempli de comiques. Je ne suis pas inquiet de savoir si ça va être drôle ou non. Une scène peut être intéressante de plein de manières. Parfois, c'est justement parce que ce n'est pas drôle que le public est surpris. Je pense qu'une bonne scène peut être convaincante, même si vous en avez arraché tout l'humour. Ce qui est stressant, c'est quand une scène n'est ni drôle ni intéressante. Vous pouvez toujours ajouter des blagues à une histoire pour la rendre plus drôle, mais si l'histoire est ennuyeuse, ça ne captivera personne.

Vous souvenez-vous des scénarios que vous avez écrit lorsque vous étiez plus jeune et qui ont été refusés ?
Au collège, j'ai écrit un tas de pièces de théâtre dont j'étais vraiment fier. Ma petite amie est venu me rendre visite et elle les a toutes lues. J'étais très excité, mais son attitude était un peu réservée – elle était polie, mais je pouvais clairement voir qu'elle ne les aimait pas. Des années plus tard, j'ai relu ces pièces de théâtre et j'ai compris son manque d'enthousiasme. Je ne le savais pas à l'époque, mais les rôles traitaient tous de mes sentiments compliqués à propos de notre relation. Je ne m'en étais même pas rendu compte ! Parfois, je crains que mon écriture ne m'échappe et soit trop révélatrice de ce que je suis ou ressens. Mais je suppose que je préfère ça que l'inverse.

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Parlez-moi de cinq séries humoristiques qui vous ont inspiré en tant qu'écrivain. Pourquoi et comment ces représentations ont changé votre vie?
D'abord, Les Simpson. Suis-je autorisé à écrire un dessin animé sans être influencé par Les Simpson ? Mes épisodes préférés sont ceux un peu tristes, comme « Mon prof, ce héros au sourire si doux » ou « Marge et son petit voleur », celui où Bart vole un jeu vidéo. J'aime que, même dans ces épisodes mélancoliques, il y ait encore de la place pour les blagues très « cartoon ». Ces épisodes sont à la fois très drôles et débiles, mais il y a encore de la place pour l'émotion humaine.

En deux, Mad Men . Bon, oui, c'est un drame, mais les situations exposées peuvent y être si drôles. J'ai l'impression que je suis le seul à le percevoir. Rien ne me fait rire autant que Mad Men. Et aucune autre série ne me touche de la même manière.

En trois, The Newsroom . C'est une comédie canadienne des années 1990 que j'ai découverte quand j'étais au lycée. Rétrospectivement, elle a le même ton que le Larry Sanders Show, que j'aime beaucoup également. Mais j'ai vu The Newsroom en premier, donc je ne savais pas à l'époque. C'est la première comédie qui n'était pas seulement installée dans une configuration humoristique . L'aspect comédie venait des personnages et de comment ils interagissent les uns avec les autres. C'est très sombre, misanthrope même, et comme tout adolescent commençant à comprendre que la vie est merdique, son ton sarcastique m'a vraiment plu.

En quatre, Arrested Development . Cette série était vraiment en avance sur son temps. Tous les gags récurrents et les messages cachés, la façon dont le spectacle était mis en scène, d'abord de manière légère, puis amplement plus puissante… ça a vraiment changé la façon dont j'ai pensé l'écriture pour la télévision. J'aime le fait de pouvoir regarder un épisode encore et encore et le percevoir différemment à chaque fois. En cinq, Seinfeld. Je suis étonné de voir à quel point cette série tient encore la route. J'ai vu chaque épisode probablement cinq fois. Quand j'allume la télé et que je tombe sur Seinfeld, je ne change jamais de chaîne.

Quand vous êtes-vous dit, « Rien à foutre, je vais écrire des blagues pour vivre » ?
Quand j'étais gosse, je voulais être David Letterman, notamment parce que nous avons les mêmes dents. J'ai toujours su que je voulais être quelqu'un de drôle, mais je n'ai jamais pensé à en faire une carrière. Puis j'ai eu mon bac, et j'ai réalisé que je n'étais pas vraiment qualifié pour faire autre chose que de l'humour.

Si vous deviez écrire trois nouveaux scénarios de comédie, quels sujets souhaiteriez-vous traiter ?
Arrêtez de me stresser ! J'essaie déjà de bosser sur BoJack Horseman ! Je suis censé avoir d'autres idées ?!