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Chris Milk : Nous nous rendons tout juste compte de ce qui fonctionne ou pas. Le cinéma c'est cette machine à empathie qui nous permet de ressentir de la compassion pour des gens radicalement différents. Virtual Reality porte cette idée à un niveau complètement inédit. Après cinq minutes, vous percevez intensément ces gens du camp de réfugiés. Fondamentalement, cette technologie vous permet d'avoir l'impression d'être assis à côté d'une personne. Même si votre cerveau sait que tout ceci n'est qu'illusion, en raison de la manière dont il le présente à votre conscience, la sensation demeure très proche de la façon dont vous percevez le monde réel.
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Milk : Il y a une forme de pureté dans le fait de vous retrouver dans ces moments dépouillés de toutes ces petites choses qui encombrent la vraie réalité. Là-bas, vous pouvez exister sans aucun ego. Vous êtes capable de voir chaque nuance, chaque frémissement, chaque souffle de l'émotion. L'autre jour, je l'ai montré à quelqu'un qui avait participé à la manifestation contre les violences policières. Pendant la marche, il avait trouvé ça puissant mais n'avait pas pleuré. Quand il a regardé la version en réalité virtuelle, il a fondu en larmes.Jonze : Être là-bas, c'est simplement différent. Je ne voudrais pas dire que c'est mieux, mais c'est une expérience complètement autre.Milk : Une manifestation est une chose à laquelle vous pouvez participer. Aller dans un camp de réfugiés s'avère un peu plus compliqué.Jonze : C'est vrai. L'un des trucs qui me motivent le plus, c'est de donner les outils à VICE News de créer une expérience immersive de l'information. À la suite du travail de Simon Ostrovsky sur l'Ukraine, déjà immersif, vous pouvez imaginer la dimension que cela prendrait à travers ce médium. Vous vous diriez : « Wow, voilà ce que ça fait d'être au cœur du conflit ukrainien. »
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Jonze : En un certain sens, ce dispositif est moins imposant qu'une caméra traditionnelle. Une caméra, c'est un peu comme le canon d'un fusil : il vous vise. Ici, on ne vise rien du tout.Quel est le prochain documentaire d'actualité que vous allez produire ?
Milk : Celui sur le camp de réfugiés syriens s'est fait en partenariat avec les Nations Unies, et nous allons effectuer une série de films sur les différentes populations en situation de crise à travers le monde. Dans quelques semaines, une équipe va partir au Libéria pour faire un documentaire sur l'évolution d'Ébola. C'est sans doute là que cette technologie peut devenir quelque chose de spécial – lorsque vous pouvez partager une histoire avec quelqu'un qui a le pouvoir d'agir et d'aider.Verriez-vous VRSE produire du contenu fictionnel ?
Jonze : Oui, bien sûr. Il y a cent ans, le cinéma était une nouvelle technologie. Le langage du film a été inventé, réinventé un nombre incalculable de fois, et les règles sont inlassablement créées puis transgressées. Lorsqu'on monte un film pour VICE News, nous fabriquons des règles que l'on ne respectera sans doute plus dans cinq, voire un an. Toute règle est amenée à être brisée puis réinventée. Alors oui, la fiction, l'art, l'animation, le documentaire, tout. Vous savez, ce sera aussi utilisé dans le porno. C'est probablement le secteur où la technologie va le plus avancer, car c'est là où il y a le plus d'argent.
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Jonze : Oui, il y avait cette déjà cette idée de vidéo au début de l'internet. Ça a pris six ans pour que ça devienne ce que YouTube est aujourd'hui. Avec un peu de chance, tout le monde aura bientôt une caméra 360 degrés et sera à même de filmer et de poster des trucs. Imaginez Vimeo et YouTube en réalité virtuelle.Milk : C'est vrai, ensuite vous obtenez des récits que nous pouvons raconter. Ou alors simplement capturer des moments pour pouvoir ensuite les revivre. J'ai fait cette expérience dans un de nos tests il y a quelques mois. J'étais avec ma désormais ex-petite amie et nous nous tenions par la main, heureux d'être ensemble. On s'est séparés un peu plus tard et cette séquence a ensuite été montée. J'ai mis le casque et j'ai regardé. C'était comme remonter dans le temps, j'étais de nouveau là, aux côtés de mon ex. Ce n'était pas comme regarder une photo ou une vidéo. J'étais là, une nouvelle fois, faisant l'expérience d'un fantôme qui voyage dans le temps.Que pensez-vous des autres groupes qui aujourd'hui investissent aussi dans la réalité virtuelle ?
Milk : Il y a clairement une ruée vers l'or à l'œuvre dans le domaine de la réalité virtuelle. La communauté a besoin de stimulus pour créer. Ma seule peur serait que trop de gens ne produisent que des choses médiocres. Ce qu'il faut, c'est du bon contenu pour attirer l'audience. Je veux que tout le monde fasse des trucs géniaux. Nous allons produire des films en VR avec différents scénaristes, réalisateurs et producteurs, mais il y a aussi un grand effort à faire pour développer le langage narratif dans la réalité virtuelle, expérimenter des choses et diffuser les résultats de ces expériences. Si vous aussi vous voulez faire de la VR, nous voulons vous aider. Il existe une application VRSE qui distribue du contenu VR ; VRSE.works, ou l'on fabrique le contenu, et VRSE.farm, notre incubateur de contenu VR avec Megan [Ellison], où nous développons le contenu et le langage.Jonze : C'est un laboratoire où l'on explore ce à quoi ressemblera ce médium dans les différents secteurs.