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Le Massachusetts veut forcer une femme à partager ses droits parentaux avec le violeur qui l’a mise enceinte

La loi a ses raisons que la raison ignore.

Image via l'utilisateur de Flickr CMCarterSS

Apparemment, dans l'État du Massachusetts, un homme qui viole une femme et la met enceinte peut prétendre à la garde de l'enfant en toute légalité. Aussi étrange que ça puisse paraître, une jeune femme lutte en ce moment même pour éviter que ce scénario catastrophe ne devienne réalité.

Quand Jamie Melendez avait 20 ans, il a violé H.T., une jeune fille de 14 ans, et l'a mise en cloque. (Pour respecter l’anonymat de la victime, nous ne la désignons que par ses initiales.) H.T. a gardé l'enfant et, en 2011, Jamie a été déclaré coupable de viol et condamné à 16 ans de liberté surveillée. Jusqu'à ce qu'un tribunal familial lui ordonne de payer une pension, Jamie n'avait manifesté aucun désir de faire partie de la vie de sa fille. Désormais, il réclame un droit de visite. Le mois dernier, H.T. a intenté un procès au Commonwealth du Massachusetts devant un tribunal fédéral pour empêcher Jamie de voir leur fille.

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La procureure générale du Massachusetts, Martha Coakley, s'est donc retrouvée dans une situation difficile. Au beau milieu de la bataille de H.T. contre le Commonwealth du Massachusetts, Martha Coakley a annoncé qu'elle briguait le poste de Gouverneur du Massachusetts. En tant que procureure générale, c'est elle qui doit représenter le Massachusetts devant le tribunal fédéral. En s'opposant publiquement à H.T. devant le tribunal, Martha Coakley pourrait se tirer une balle dans le pied en vue de sa prochaine campagne – on comprend aisément en quoi défendre un violeur contre sa victime peut s’avérer désastreux en termes d’image. Le bureau du procureur général a ouvertement fait part de sa désapprobation vis-à-vis des revendications de Jamie et a avancé que l’affaire devait être traitée par le tribunal familial qui a ordonné à Jamie de payer une pension à H.T.

« Nous ne sommes pas favorables à l’attribution d’un droit de visite à ce monsieur qui a été reconnu coupable de viol », m’avouait Brad Puffer, porte-parole du bureau du procureur général, lundi dernier. « Nous sommes en train de nous assurer du respect de la procédure légale et des droits de la victime. »

Plus tard, j’ai discuté au téléphone avec l'avocate de H.T., Wendy Murphy, également professeure à la fac de droit de la Nouvelle-Angleterre. Elle m'a dit qu'elle était déterminée à aller jusqu’au bout pour défendre les droits de sa cliente, mais qu'elle s’attendait à ce que l'État ne lui facilite pas la tâche. Et elle a raison. Le Massachusetts fait partie des 31 États qui ne disposent pas d'outils législatifs pour empêcher un homme de demander la garde d'un enfant né des suites d'un viol. Ainsi, l’affaire qui nous intéresse revêt une signification plus large – elle est révélatrice d'un problème systémique profond dans la perception du viol aux États-Unis :

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« Le viol est le parent pauvre de notre système législatif. Quand il est question de crime, le viol a toujours été la dernière des préoccupations, m'a-t-elle expliqué. Nous devons faire face à un problème social qui n'a jamais reçu le respect et l'attention qu'il mérite, en partie parce que la loi n'a jamais pris la protection du corps de la femme suffisamment à cœur. »

Les statistiques donnent encore plus de poids aux déclarations de Murphy : le Centre de contrôle et de prévention des maladies signale qu'aux États-Unis, une femme sur six a subi un viol ou une tentative de viol. Le viol est ainsi qualifié de crime violent le moins dénoncé d'Amérique.

Vendredi dernier, Wendy Murphy a annoncé que le bureau du procureur général avait déposé une motion afin d’opposer une fin de non-recevoir à la plainte de Jamie. Il y a quatre jours, Wendy a envoyé à VICE des documents issus du tribunal. Dedans, on pouvait lire les raisons pour lesquelles la procureure générale avait déposé cette motion : « Ce tribunal ne dispose pas des compétences juridiques nécessaires à la révision des jugements et des ordonnances produites devant le tribunal lors de la procédure de contestation, et ce tribunal devrait s'abstenir de s'immiscer dans toute procédure judiciaire en cours. » Reste à savoir si un juge la validera ou pas.

Dans le pire des scénarios concevables, cette affaire pourrait servir de triste exemple : une femme victime d'un système judiciaire terriblement mal conçu qui n'a pas réussi à la protéger de l'homme qui lui a causé un tort irréparable.

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Malgré tous ces obstacles, Wendy croit toujours que sa cliente peut gagner. « Je pense qu’au final, le bon sens finira par l’emporter. En tout cas, je l’espère », a-t-elle dit.

Suivez Gideon sur Twitter : @GideonResnick

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