Le Monde selon Safouane Ben Slama

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Le Monde selon Safouane Ben Slama

Pour faire une bonne photo, il vaut mieux 1. aimer Mobb Deep, 2. tomber sur des bodybuilders à Venice Beach.

Cette photo, je l'ai prise à Venice Beach, à Los Angeles. Je prenais quelques photos des aires de jeu et des terrains de basket du coin, puis là je découvre un endroit nommé « Muscle Beach ». Je vois trois types super costauds en train de se reposer, je rôde un peu autour, je les regarde mais je n'ose pas les aborder tout de suite. Le mec sur la photographie me voit et me demande de m'approcher. On discute un peu, je lui dis que je viens de France puis le mec prend les devants et me dit de ramener des souvenirs. Je me suis exécuté. J'ai fait trois photos vite fait. À cet instant, le mec a tout mis en scène ; il a vraiment voulu être ce mec bodybuildé et j'ai réussi à capturer ce court temps de jeu.

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Cette série s'étend sur un an de ma vie, de février 2014 à aujourd'hui. Une partie de ce travail a été faite pendant que des proches à moi étaient à l'hôpital. L'autre correspond à un long séjour aux États-Unis, notamment dans la réserve apache de White Mountain, en Arizona, et à Los Angeles.

Avant la photo, je me suis intéressé à « l'art » via la littérature. J'avais appris que Louis-Ferdinand Céline était un grand amateur de l'histoire de l'art d'Élie Faure, alors je me suis mis à le lire lui aussi. J'ai découvert tout ça comme j'ai pu découvrir Mobb Deep plus jeune. Adolescent, j'adorais Lunatic et quand j'ai su que leurs influences venaient de Mobb Deep, j'ai foncé. C'est un rapport épistémologique si l'on veut ; je viens chercher à la fois la racine des choses, puis ses prolongements.

J'ai pris cette photo dans le cimetière de la ville de Whiteriver, dans la réserve apache White Mountain, en Arizona. C'est la tombe d'un enfant. On y voit une peluche clouée, un objet qui devait lui être cher sans doute. Ce qui m'a frappé dans ce cimetière, ce sont les couleurs très vives, très vivantes qu'on y trouve. J'avais l'impression que la mort était vécue par ces gens comme une sorte de soulagement et pas du tout comme la fin de quelque chose. On part vivre ailleurs, on emporte quelques objets précieux, et voilà. La mort est une question sans réponse, c'est ce qui fascine le plus l'être humain je crois.

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Concernant ma vision de la photographie, elle est avant tout liée aux souvenirs ; avant de parler de ce que j'ai voulu dire ou faire à travers une image, je me rappelle d'abord du moment que j'ai passé à traîner autour du sujet. Le premier truc qui me vient à l'esprit, c'est le manga Dragon Ball. Je suis un grand fan d'Akira Toriyama. Aujourd'hui encore j'écume les forums sur l'univers Dragon Ball et genre, en ce moment, je suis à fond sur le nouveau film qui sort au Japon. Plus jeune, je redessinais les cartes Dragon Ball que je collectionnais puis j'arrivais en classe et je montrais mes dessins aux autres. Aussi, je relis l'intégralité des mangas Dragon Ball à peu près une fois par an.

En ce moment je traîne beaucoup autour des surfaces de jeux urbains en région parisienne. Je m'intéresse par exemple à l'état d'un terrain avant et après un match ou une partie. J'aimerais faire un truc autour du sport, et de la boxe notamment. Et envisager quelque chose de plus centré, avec plus de répétitions, qu'on puisse ressentir les efforts à travers l'image. Ce sont les notions qui m'interpellent en ce moment et j'espère me débrouiller pour avoir les moyens de bientôt développer ce type de projet.

Safouane expose en ce moment à Saint-Étienne. Son travail a également été sélectionné au Salon de Montrouge qui se déroulera du 5 mai au 5 juin prochain.