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Mon père, ce pervers qui essaie de se taper mes copines

Après le décès de ma belle-mère, mon géniteur de 70 ans s'est transformé en prédateur sexuel.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
grenouille géante d'Amazonie
Illustration : Martiza Lugo

Cet article a été initialement publié sur Broadly.

Quand mes cinq frères et sœurs et moi avons découvert le vieux caméscope de mon père au début des années 1990, nous étions aux anges. La caméra était imposante, et je me plaignais constamment du poids qui, du haut de mes huit ans, me faisait mal au cou et aux épaules.

Malgré la taille imposante de cet appareil, nous adorions l'utiliser. Ensemble, nous filmions des sketches, des combats de lutte type WWE, et des courts-métrages inspirés de James Bond aux intrigues étonnamment cohérentes.

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Ce que nous aimions le plus, c'était nous réunir autour de la télé pour visionner les cassettes. Nous rigolions souvent devant notre stupidité et notre travail de mauvaise qualité. Je me souviens d'une fois où nous regardions notre remake de 007, un mois ou deux après l'avoir filmé. Mes frères et sœurs et moi gloussions bêtement et critiquions une scène beaucoup trop sombre quand la vidéo a brutalement laissé place à un homme et une femme en train de faire l'amour sur un matelas. Le couple tournoyait et gémissait tandis que nous hurlions de peur.

Mon frère aîné, le plus sensé, s'est emparé de la télécommande pour éteindre la télé. Nous étions sauvés. Après un bref moment de silence, nous avons lâché un soupir de soulagement. « On aurait dû mettre une étiquette sur cette cassette », a déclaré ma sœur. Nous avons tous acquiescé.

Mon père enregistrait souvent du porno par-dessus nos films faits maison. Enfants, nous organisions rarement nos vidéos et nous avions la mauvaise habitude de les entasser dans un tiroir quand nous en avions terminé. Là, mon père attrapait la première cassette qui lui tombait sous la main et l'utilisait à ses propres fins. Étant donné qu'aucun de nous n'osait se plaindre à notre père de ce problème pour le moins embarrassant, nous passions outre notre déception et recommencions nos petits tournages.

Du vieux porno. Photo : Fabio Barbato via Flickr

Il était difficile d'associer les scènes hardcore qui avaient perturbé nos jeux d'enfants à l'homme qui jouait à cache-cache avec nous. Mon père nous emmenait souvent faire un tour en voiture à travers la ville ou des balades dans notre parc préféré. Il nous avait appris les noms des plantes qui bordaient la route. Il semblait connaître le nom de tout ce qui poussait sur cette planète.

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Je n'ai jamais vu mon père comme un pervers ou un prédateur. Je supposais que tous les adultes avaient le même comportement. Malgré sa collection de porno, j'avais une relation relativement sereine avec mon père et ma belle-mère. Mes parents s'étaient séparés quand j'avais deux ans, et je n'ai jamais voulu qu'ils se remettent ensemble. En fait, leur séparation était tout ce que je connaissais. D'ailleurs, je n'arrivais pas à les imaginer ensemble, car ma mère était une femme sûre d'elle et indépendante, alors que mon père avait toujours besoin de jouer au dictateur. Je pense que ma mère est simplement devenue plus mature avec le temps. Néanmoins, entre les déplacements et les fêtes d'anniversaire, mes parents étaient restés amis. Du moins, tant que leur relation était réduite au strict minimum.

Ma belle-mère était une petite macédonienne qui avait la peau dorée toute l'année. Elle teignait toujours ses cheveux en différentes nuances de rouge et de brun et me demandait : « Tu aimes mes cheveux ? » J'adorais la voir sourire, donc même quand je n'arrivais pas à différencier sa nouvelle couleur de la précédente, je répondais que oui.

Elle travaillait dans une garderie et restait souvent dans la cuisine jusqu'à tard le soir. Elle découpait des formes d'animaux ou de fleurs en vue de son atelier du lendemain. Quand j'arrivais, elle s'empressait de me montrer ses découpages en me demandant de deviner ce que ça représentait. Je jetais un coup d'œil, j'hésitais trop longtemps, et je commençais à sourire. Elle ouvrait alors ses bras et laisser échapper la réponse.

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Bien qu'elle ne soit la mère que d'une seule de mes sœurs, ma belle-mère nous a toujours tous traités comme ses propres enfants. J'ai adoré l'avoir comme seconde mère : quand elle est décédée, au cours de mon adolescence, j'étais dévastée. Et surtout, son absence a laissé place à une version désinhibée, hypersexuelle de mon père, qui a complètement détruit notre relation.

Une fois veuf, mon père n'était plus du tout la même personne. Il semblait complètement obsédé par le sexe. Malgré ses 70 ans et son infirmité (à cause d'un accident de jeunesse qui a retardé la croissance de sa jambe droite), il était particulièrement en forme pour son âge. Il s'était musclé le torse et les bras grâce à ses pompes quotidiennes. S'il ne lui avait pas manqué quelques dents, n'importe qui aurait pu le confondre avec un jeune homme. Il avait encore plein de cheveux gris sur la tête qu'il devait couper régulièrement. Il continuait de porter les mêmes vieux pantalons treillis qu'il achetait dans un magasin de surplus militaire. Il n'avait cependant jamais l'air sale ou négligé. Quand il parlait, sa voix profonde et tonitruante résonnait dans toute la maison, comme s'il refusait d'être absorbé par les meubles environnants.

Après le décès de ma belle-mère, il n'a pas changé de style vestimentaire, il ne s'est pas mis à la musculation et il n'est pas non plus allé chez le dentiste pour réparer ses dents – pourtant, quelque chose en lui avait changé : son désir sexuel avait éclipsé son sens des responsabilités en tant que père de six enfants. C'est devenu encore plus évident quand il a commencé à draguer mes amies d'enfances, désormais adultes.

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Monika et Samantha* étaient les filles d'un ami de la famille. Leur père nous avait souvent gardés, mes frères et sœurs et moi, quand nous étions petits. Les sœurs venaient d'une famille un peu plus pauvre que la mienne, et je sais que certains de mes pairs les considéraient comme « nulles ». Pourtant, Monika me paraissait vraiment cool et j'étais contente de l'avoir comme amie. Elle était naturellement éblouissante. Elle avait de magnifiques cheveux blonds épais et des yeux bleu océan. C'est la première de mes copines à avoir eu un copain et à se faire percer le nombril. Ses taches de rousseur et son sourire parfait rayonnaient d'innocence, ce qui contrastait pas mal avec sa façon de s'habiller – généralement un haut court et un pantalon moulant. Elle avait l'esprit vif et semblait relativiser ses problèmes familiaux.

Samantha, en revanche, était connue pour voler, vendre de la drogue et sécher les cours. Elle avait trois ans de plus que nous. Elle était belle, mais c'était une vraie dure. Elle était grande et mince. Même si elle s'habillait de la même façon que Monika, il n'y avait pas de contraste entre elle et son visage. Ses sourcils extrêmement fins et ses cheveux teints en noir collaient bien à son personnage. Son sourire avait toujours quelque chose de menaçant. Il n'empêche qu'elle est devenue l'une des meilleures amies de ma sœur aînée. Toutes les quatre, nous avons formé une bande de potes, bande que mon père briserait une fois que nous deviendrions adultes.

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Peu après la mort de ma belle-mère, mon père a jeté son dévolu sur Monika, 20 ans. Je l'ai entendu par hasard faire des commentaires sur ses seins anormalement gros ou critiquer son copain, qu'elle ne trouvait pas assez bien pour elle. Un jour, mon père est passé à l'action. Il a posé sa main sur la cuisse de Monika et a commencé à la remonter. Jusqu'à maintenant, Monika avait toujours vu mon père comme une sorte d'oncle, si bien qu'elle était tout aussi choquée et perturbée que moi par ce geste. M'excuser auprès de Monika au nom de mon père ne servait à rien, car il ne méritait pas d'être pardonné. Suite à cela, Monika a décidé de se tenir loin de mon père et, dans l'intérêt de notre famille, d'oublier tout ce qui s'était passé. Finalement, elle a arrêté de répondre à mes textos.

Mon père était toujours déterminé à avoir une femme à ses côtés. Même à 71 ans, il voulait encore faire des enfants pour assurer sa descendance (même s'il avait déjà cinq enfants). Samantha était enceinte à l'époque, et le père avait disparu. Mon père lui a avoué qu'il était particulièrement excité par les femmes enceintes, car, selon lui, leurs grandes lèvres étaient plus grosses et plus mouillées pendant la grossesse. J'ai eu vent de cette remarque après que Samantha l'ait mentionné à l'une de mes sœurs. J'en étais arrivée à un point où cela ne m'étonnait même plus. Malheureusement, je n'avais plus la force d'être consternée par la situation. La colère semblait futile.

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Samantha était sur le point de devenir une mère célibataire sans soutien financier, et il n'était pas dans son intérêt de repousser les avances de mon père. Elle commençait à disparaître peu à peu de nos vies et à être plus présente dans celle de notre père. Ma grande sœur, qui avait été proche d'elle, participait de temps en temps à ses fêtes d'anniversaire, mais je pense que c'était plus par nostalgie que par amitié.

Mon père emmenait Samantha partout où elle avait besoin d'aller, lui mettant une main au cul quand elle sortait de la voiture. Il lui filait souvent un billet de vingt dollars pour qu'elle s'achète de la weed ou des clopes (post-grossesse), en le faisait tomber pour qu'elle se penche devant lui pour le récupérer. Mon père appréciait la compagnie d'une jeune femme à ses côtés, et Samantha en profitait autant qu'elle pouvait sans jamais le laisser dépasser les bornes.

Le respect que j'avais pour mon père était désormais mort et enterré. J'évitais de rester dans la même pièce que lui plus de cinq minutes. Nos échanges se résumaient à un « bonjour » le matin, un commentaire sur la météo le midi, et un « bonne nuit » le soir. Sachant très bien qui il s'apprêtait à voir ou à qui il allait téléphoner, tout ce qu'il pouvait bien me dire était sans valeur. Bizarrement, je n'en voulais pas tellement à Samantha – sans doute par ce que j'éprouvais de la pitié pour elle et la tournure désastreuse qu'avait prise sa vie. Je me contentais d'être cordiale envers elle pour ne pas m'attirer les foudres de mon père – son tempérament bouillant m'avait appris à éviter toute confrontation avec lui, si possible.

À mes yeux, mon père avait non seulement franchi la limite – mais elle se trouvait à des centaines de kilomètres derrière lui. Il avait souvent du mal à payer notre hypothèque ou nos factures d'électricité parce qu'à la place, il avait payé 600 dollars de frais de téléphone de Samantha. Il est arrivé qu'il nous demande, à mes frères et sœurs et moi, de lui prêter de l'argent, mais je suis la seule qui ait toujours refusé de lui donner quoi que ce soit.

Il y a deux ans, pour ses 72 ans, mon père a décidé de demander Samantha en mariage. Il n'avait apparemment pas jugé bon de m'en tenir informée ; c'est ma sœur aînée qui me l'a appris – elle-même l'avait su par je ne sais quel moyen. Pire encore, mon père a fait sa demande deux jours après l'anniversaire de la mort de ma belle-mère. J'ai été obligé d'expliquer à ma petite sœur de 17 ans, qui était extrêmement sensible à l'époque et dont la mère venait de mourir, pourquoi son seul parent en vie demandait en mariage une femme de 24 ans. Pour des raisons évidentes, ma sœur cadette s'est mise à haïr Samantha de tout son être. Je l'ai réconfortée pendant qu'elle sanglotait en me demandant pourquoi il agissait de la sorte. Je ne savais vraiment pas quoi lui répondre. Mon père était en bas, vêtu de son plus beau costume, attendant avec impatience l'arrivée de Samantha , un anneau bon marché dans sa poche. Heureusement, Samantha ne souhaitait pas épouser mon père – son plan est donc tombé à l'eau.

Je me demande maintenant à quel point une relation père-fille peut résister à la déception. Je suis souvent partagée entre un sentiment de culpabilité et un sentiment de détachement carrément justifié. Mon père, qui sent ma déception, tente, par d'étranges et pitoyables moyens, de me garder auprès de lui. Il fait toujours en sorte que mes aliments préférés, comme les bananes, soient dans le frigo, et il clame fièrement : « Hé, vous avez vu ? Je vous ai acheté des bananes ». Il fait ça toutes les semaines. Je sais qu'il essaie désespérément d'arranger les choses entre nous. Je l'en remercie. Je sais qu'il pense à moi. J'aimerais juste que ses tentatives ne se résument pas à une liste de courses.

Je suppose que je ne comprendrais jamais ce qui se passe dans la tête de mon père. Il croit qu'il a atteint un âge où il n'a plus besoin de se soucier des autres, parce que son séjour sur Terre touche à sa fin, et qu'il veut vivre ses derniers jours comme bon lui semble. (Ce n'est pas seulement une théorie. Mon père nous dit souvent : « Si je suis encore ici demain …» ou « Quand vous aurez cet âge-là, vous comprendrez. ») En fin de compte, sa façon de réagir face à la mort – que ce soit la mort de sa femme ou la sienne – est de lâcher prise et de cesser de se comporter comme il le devrait.

Il se révolte contre la vie et contre toutes les attentes qu'elle implique. Même si je le comprends, mon père me manque et je le cherche encore de temps en temps entre les arbres.