Les gangsters du Mongrel Mob ne sont pas là pour rigoler
Shano Rogue, 2010. C-Type Photograph, 1.9M x 1.5M

FYI.

This story is over 5 years old.

Photo

Les gangsters du Mongrel Mob ne sont pas là pour rigoler

Jono Rotman a passé huit ans avec le gang le plus dangereux de Nouvelle-Zélande pour tirer le portrait de ses membres.

Shano Rogue, 2010. Photographie type-C, 1.9M x 1.5M

Dans les années 1960, un gang de jeunes en colères s'est développé à Hawkes Bay, en Nouvelle-Zélande. Ils ne se déplaçaient pas en moto, mais ont très vite adopté tous les codes d'un club de motards hors la loi : des patches, des couleurs, et un violent processus d'initiation. Ils se sont fait connaître sous le nom du Mighty Mongrel Mob et aujourd'hui, ils représentent le plus gros gang du pays, avec environ 30 branches sur les deux îles.

Publicité

Les médias qui arrivent à approcher le Mob sont rares. En cela, la série de photos de Jono Rotman constitue un exploit. Jono, un photographe né à Wellington et qui vit aujourd'hui à New York, s'est fait les dents en photographiant les prisons et les hôpitaux psychiatriques de Nouvelle-Zélande, avant de s'intéresser à la vie de gang en 2007. On lui a demandé comment il avait réussi à convaincre des membres du gang de poser pour ses photos grand format, et ce qu'il avait tiré de son expérience.

Notorious Snapshot #24, 2014. Photographie type-C, 1.8m X 2.3M

VICE : Hey Jono, comment as-tu rencontré ces mecs ?
Jono Rotman : J'ai commencé par appeler l'officier de liaison entre les gangs et la police néo-zélandaise, et j'ai obtenu une liste de numéros des gens qui communiquaient entre les deux. Quand j'ai commencé, j'avais envie de documenter tous les gangs de Nouvelle-Zélande, mais j'ai fini par me concentrer sur le Mongrel Mob.

Comment as-tu réussi à les convaincre que c'était une bonne idée ?
Je leur ai expliqué que je n'essayais pas de « raconter leur histoire », de les exposer ou des conneries comme ça. Au lieu de ça, je leur ai dit que je voulais faire des portraits de guerre. Peu importe comment ils sont vus dans la hiérarchie sociale, ces mecs se sont dévoués à une cause et se sont battus pour elle, parfois jusqu'à la mort. En gros, ils ont compris que je voulais faire un truc honnête et plus complexe qu'une carte postale culturelle. Ensuite, dès que j'ai obtenu une autorisation des mecs les plus hauts placés, les gens d'en bas étaient contents de coopérer. Ces types ont un fonctionnement très hiérarchique.

Publicité

Tu t'es senti intimidé ?
Bien sûr. L'histoire du Mob est très sanglante et la Nouvelle-Zélande est un pays où on trouve quelques armes – ces types n'ont pas gagné leurs galons sans mettre leur vie en danger. C'est peut-être pour cette raison qu'ils ont peu de choses à prouver et qu'ils sont très directs. Par le biais d'un accord tacite, je savais qu'ils pouvaient me tuer si je déconnais avec eux.

Denimz Rogue, 2008. Photographie type-C, 1.9M x 1.5M

Peux-tu décrire le premier portrait que tu as pris ?
Le premier endroit où je suis allé, c'était à Porirua, pour photographier Denimz – le mec avec des chiens tatoués sur les joues. C'est une zone très largement occupée par des Maori et des insulaires du Pacifique, avec beaucoup de logements sociaux. Mais Denimz vit dans un endroit correct, il a une grande famille et c'est une personne très organisée. Je pense qu'à mesure qu'ils vieillissent, leur regard s'ouvre un peu : ils œuvrent pour le bien de leur communauté. Quand on s'est rencontrés, j'ai essayé de parler aussi directement que je le pouvais. Je ne savais pas encore à qui j'avais affaire. J'ai juste expliqué ma démarche, et il m'a détaillé ce qu'il ne voulait absolument pas que je fasse.

Sean Wellington et ses fils, 2009. Photographie type-C, 1.5M x 1.2M

En général, à quoi ressemble leur foyer ?
Leurs maisons sont plutôt propres. Beaucoup ont des femmes, et nombre d'entre eux on fait de la prison, ils ont donc gardé une certaine discipline. Je me suis aussi concentré sur les plus vieux d'entre eux, lesquels ont plus tendance à savoir ce qu'ils font. Mais j'ai aussi vu des taudis sordides. En général, ils ne sont pas très riches, donc il n'y a pas de signe de richesse ostentatoire.

Publicité

Individuellement, ils sont comment ?
Ce sont des personnages assez intéressants, forgés sur le chantier de la vie. Je suis photographe depuis longtemps, et j'ai rencontré pas mal de gens célèbres et acclamés. Mais d'une certaine façon, j'ai trouvé que beaucoup de ces gangsters étaient des humains plus impressionnants. J'ai pris quelque chose comme 200 portraits depuis que j'ai commencé. Je n'ai eu aucune expérience négative, à part peut-être au début, quand j'essayais de me faire accepter.

Bung-Eye Notorious, 2008. Photographie type-C, 1.9M x 1.5M

Tu as vu quelque chose qui t'a choqué ?
J'ai une petite anecdote. J'étais sur un memorial run –un road-trip à travers le pays pour rendre visite à leurs frères tombés. Ils conduisent des Ford Classic V8, qu'ils appellent « Henries », et notre convoi de 30 voitures devait traverser un village dans le territoire des Black Power – leur gang rival.

Les mecs du Black Power ont dû voir les premières voitures patchées entrer dans le village et ont passé le mot à d'autres mecs. Quand on est arrivé, une demi-douzaine de types armés de briques et de battes de baseball sont sortis de leurs cachettes et ont commencé à se jeter sur les voitures. Et de plus en plus de voitures du Mob se sont pointées. Ça a dégénéré en baston générale au milieu de la rue principale. Heureusement, le chef du Mob est arrivé et les a stoppés. Ça se serait terminé en bain de sang sinon, vu que les Blacks étaient en infériorité numéraire.

Publicité

Greco Notorious South Island, 2008. Photographie type-C, 1.9M x 1.5M

Quand tu prends du recul sur les huit années que tu as passées avec le Mob, qu'est-ce que tu as appris ?
Ça a un peu changé mon regard sur la Nouvelle-Zélande – certains de ces types viennent de famille très pauvres et d'environnements difficiles. Ça m'a beaucoup aidé à comprendre mon pays. Je sais qu'on ne rejoint pas un gang par hasard – et encore moins quand on a accès à de bonnes écoles et tout ce genre de trucs.

En tant qu'artiste, je m'intéresse aux distillations de la condition humaine, et pour moi, les gangs représentent toute une palette de désirs humains poussés à l'extrême. Ils ont une certaine pureté. C'est ce que je voulais explorer, et c'est toujours l'objet de mon travail. Mais comme la relation a évolué, le sujet s'est complexifié. C'est une leçon d'humilité de rencontrer des gens qui ont grandi dans un milieu radicalement différent du mien, et d'être accueilli de la sorte. C'est aussi une plongée dans les forces qui ont fait de la Nouvelle-Zélande ce qu'elle est aujourd'hui. Ces gars ont joué un rôle très important.

Interview : Julian Morgans. Suivez-le sur Twitter.

Aaron Rogue, 2009. Photographie type-C, 1.5M x 1.2M

Toots King Country, 2009. Photographie type-C, 1.5M x 1.2M

Breeze Notorious, 2008. Photographie type-C, 1.9M x 1.5M

Zap Notorious, 2008. Photographie type-C, 1.9M x 1.5M

Denimz’ Collage #3, 2014. Photographie type-C, 1.8m X 2.3M