Publicité
Publicité
C'est lors de ma longue carrière de stagiaire dans la jungle de la communication parisienne que je me suis rendu compte qu'il y avait un problème. Tout le monde avait l'air content d'être là, à faire semblant de bosser sans compter ses heures. J'ai vite compris que le monde de l'entreprise et des adultes responsables, ça ne serait jamais vraiment mon truc. Je n'ai jamais su faire semblant. Travailler en France se résume souvent à sourire, dire beaucoup de banalités et jouer à bosser plus tard que les autres. Finalement, le secret de la réussite socio-professionnelle, c'est d'être d'accord avec sa hiérarchie en attendant son tour sans remettre en question la productivité de ses collègues. Des années de patience, de collaboration avilissante et de petits coups dans le dos. Mais comme on s'adore, on se prend un drink en afterwork. Non, l'accès à la responsabilité ne se joue pas forcément au talent ou au travail. Il est dilué dans un mauvais mélange d'ancienneté, d'esprit corporate et de promotion canapé.Dans les couloirs feutrés du capitalisme hexagonal, on assiste à des choses vraiment dérangeantes d'un point de vue éthique ou tout simplement humain. Je pense à ces réunions où l'assemblée glousse aux non-blagues du boss. Ces boss refusant de saluer leurs équipes. Ces équipes humiliant « la stagiaire » en oubliant son prénom tous les matins pendant six mois. Ces stagiaires enchaînant les contrats précaires tout sourire dans l'espoir de grappiller les miettes de la fosse à juniors. Ces armées d'esclaves sous Séroplex investis à 200 % dans le fromage industriel, les contrôles techniques ou l'eau en bouteille. Nous ne sommes que les rouages d'un système qui saura nous remplacer dès que la coke et les tickets-resto ne suffiront plus à nous soulager du poids de la conscience.Dans les couloirs feutrés du capitalisme hexagonal, on assiste à des choses vraiment dérangeantes d'un point de vue éthique ou tout simplement humain.
Publicité
Nous sommes de plus en plus nombreux à ne pas nous reconnaître dans le modèle qu'on nous impose. Ce qui me désole le plus, c'est que beaucoup d'entre nous acceptent les règles du jeu pour s'offrir des bagnoles, obtenir des promotions ou partir en week-end à Deauville. La consommation a étouffé toutes velléités de contestation pendant que les salaires de misère – et la peur de les perdre –, suffisent à acheter notre silence tout en instaurant une compétition malsaine sur le terrain. On a beau jouer les libertaires indépendants sur Internet, nous sommes encore trop lâches, individualistes et irresponsables pour remettre en cause le mode de vie que l'on nous fait miroiter. Sous la pression de la précarité, certains ont déjà plié. Danser dans la grande farandole des apparences et savoir se vendre. Voilà ce que l'histoire retiendra de nous, la dernière génération de travailleurs occidentaux n'était qu'un ramassis de vendus. Et en plus on est en solde.On enchaîne les demi-journées de freelance, au petit bonheur la chance quand nos parents signaient à vie dans la fonction publique. L'écart se creuse entre les castes. Pour beaucoup de jeunes, le chômage n'est plus une mauvaise passe, c'est devenu un putain de lifestyle. Bosser le temps de toucher les aides. Pour combien de temps le hold-up du système social parviendra encore à masquer l'ampleur des dégâts ?Article associé : Notre culture du travail est en train de nous tuer
Publicité