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Les Noirs gays et talentueux ont un nouveau fanzine rien que pour eux

Sexe entre hommes, voguing et house music, The Tenth est une revue de Noirs pédés par des Noirs pédés.

Quand vous feuilletez The Tenth, vous recevez une leçon. Ou plutôt, vous vous retrouvez instruit au sujet d'une version de la masculinité noire et homosexuelle que vous ne connaissiez pas et que vous retrouvez développée en ses propres mots. The Tenth est écrit par et pour des hommes noirs et gays.

La publication tire son nom d'un concept popularisé au début du XXe siècle par W.E.B. Du Bois, l'un des cofondateurs de la NAACP, qui pensait qu'une élite noire - le « dixième talentueux » - serait à même d'élever ses contemporains grâce à son talent et son succès. Le rédacteur en chef Khary Septh a fondé la publication avec Andre Y. Jones et Kyle R. Banks, tous trois acteurs d'une subculture d'aujourd'hui que Du Bois n'aurait jamais pu imaginer, afin d'attirer l'attention sur des trucs comme le rap gay, la mode chez les Noirs pédés et la scène ballroom.

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The Tenth traite de la reconnaissance du talent queer et noir dans toutes ses manifestations. Tandis que Septh se préparait pour un road trip de 45 jours afin de collecter l'intégralité du contenu du numéro à venir - le thème de celui-ci sera « l'Americana » -, je me suis assis avec lui pour parler des origines du magazine et des réactions extrêmement positives qu'il a recueilli.

VICE : Comment a débuté The Tenth ?
Kyle Septh : Il y a deux ans, Kyle, Andre et moi avions envie de créer des images de beaux mecs noirs et gays. Alors on a fait une série nommée Boys in the Studios, qu'on a lancée à Brooklyn. Et ensuite, on a eu cet éclair de génie, genre : « ça devrait être plus qu'une simple série de photos. »

On aimait l'idée de nous rassembler autour de ce travail collaboratif, ce genre de communauté si l'on veut. On voulait se reconnecter à l'idée de communauté. Je crois que tous les Noirs qui travaillent sont obligés de se désolidariser d'une manière ou d'une autre de leur famille, et c'est généralement l'isolation, la solitude, le détachement, beaucoup de pression et beaucoup de travail. On voulait faire quelque chose qui nous permettrait d'être libres, et quelque part, de renouer avec notre jeunesse et nos desseins artistiques.

Quel âge avez-vous ?
J'ai 37 ans, Kyle aussi, et Andre en a 39. La crise de la quarantaine chez les gays, c'est plutôt 30 ans. Genre à 32 piges, tu deviens cette vieille pétasse qui ose encore se ramener dans le club au milieu des jeunes.

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Il y a trois âges pour les gays : vieille guenon, jeune twink et 32 ans.
Je devrais me faire tatouer cette phrase - c'est exactement ça. Comme je bosse dans la mode, il est important pour moi d'être au courant de ce qui se passe, mais aussi de comprendre comment mûrir. Il était clair que je n'allais pas trouver ça dans les fêtes ou les clubs, mais j'avais quand même besoin de cette énergie. Comme on participe à un nouvel espace qui n'est pas sexualisé, ce n'est pas du tout bizarre - c'est vraiment pour se connaître les uns les autres. La scène artistique-bohème peut être aussi clichée que la scène drag de Brooklyn ou le délire bourgeois-corporate-brunch de Harlem. Notre truc, c'est de mixer tout ça et d'avoir un endroit pour connecter et partager nos idées.

Quel genre de réception a reçu le premier numéro ?
On en a d'abord imprimé 400, et on était alors inquiet de ne pas pouvoir toutes les écouler. Mais ça a explosé immédiatement. Les revues plus installées et qui appartiennent un peu à l'establishment - des trucs comme Ebony ou Jet - ont été super intéressées par ce qu'on faisait. Les voir nous ouvrir leurs pages pour parler du projet à leur public, ça a été un truc dingue pour nous. On ne savait pas qu'on allait avoir autant de soutien en dehors de notre communauté. D'un coup, on recevait des mails de Tokyo ou de Berlin, et beaucoup d'alliées parmi les femmes hétéros. Quoiqu'assez évident au final, ce fût une bonne surprise pour nous, genre, Ce sont nos sœurs, nos mères, nos amies. Pas comme les gays old school qui les traitaient comme des meubles - attitude qu'on déteste, par ailleurs - mais dans le sens où les femmes font vraiment partie de nos vies.

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Vous n'avez pas peur d'être accusés de communautarisme ? C'est souvent la réponse lorsque des Noirs s'organisent entre eux.
En tant que personnes régulièrement présentées sous un mauvais jour et stéréotypées par tout le monde, on ne croit pas devoir promouvoir l'idée de diversité à tout prix. Ça vient naturellement, genre tu te retrouves à une fête et tu tombes sur une fille hétéro et une homo dans la même pièce, OK c'est cool, mais le truc, c'est qu'on ne fait pas de la diversité une priorité.

C'est important qu'elle soit représentée, mais je ne crois pas que nous devions la poursuivre comme une sorte d'objectif. On va faire en sorte que ce magazine reflète notre monde, et celui-ci est ségrégué. C'est quelque chose dont il faut parler.

Parce qu'en vérité, nos vies entières sont pesantes. L'Amérique est ségréguée, même à New York. C'est une critique plus large qui doit être entendue. En publiant, on a créé un espace où l'on peut exister au sein de notre propre communauté. L'assimilation est un truc cool, mais elle possède ses aspects négatifs. Parce que pour nous, l'assimilation des gays se fait par l'entremise des Blancs. Elle ne célèbre pas tout ce qui se fait chez les Noirs.

Être Noir et gay crée un espace intermédiaire intéressant, parce qu'on se sent « différents » au sein de deux communautés plus grandes. Alors on se dit, formons nos propres institutions, supportons-nous, créons nos propres règles, notre propre ordre. Je pense que toutes les sociétés ont besoin de ces choses.

À quoi ressemblera le prochain numéro ?
Le thème que l'on a retenu, c'est l'Americana. Je suis vraiment excité par ce road trip. Une grosse partie de ce magazine consiste à créer un défi. C'est absurde d'être safe sur un projet comme celui-ci, de se contenter de rencontrer des artistes d'aujourd'hui ou des mecs faciles à contacter - des célébrités d'Instagram, genre. Pour nous le challenge, c'est de connecter le plus de points possibles avec les ressources limitées que l'on possède, afin que notre réseau commence à prendre forme. On va aller dans une douzaine d'endroits en 45 jours, et le numéro sortira le 10 décembre.

Si vous voulez en apprendre plus sur The Tenth, rendez-vous ici. Et suivez Hugh Ryan sur Twitter.

Photos publiées avec l'aimable autorisation de The Tenth