FYI.

This story is over 5 years old.

News

Trafic de sperme dans les prisons israéliennes

Rien ne peut arrêter la volonté de devenir papa.
Un enfant palestinien, dans les rues de la vieille ville de Jérusalem. Août 2012 ; photo : Glenn Cloarec

Dans les prisons de la plupart des pays, il est relativement difficile pour un détenu d'enfanter sa femme. En Israël, où les visites conjugales et les contacts sont interdits pour la majorité des couples, faire un enfant est à priori impossible. Néanmoins, les prisonniers palestiniens et leurs épouses ont réussi à contourner le règlement à ce sujet, trouvant ainsi le moyen de devenir parents. Les naissances de ces bébés « clandestins » donnent alors le sentiment aux Palestiniens d'une petite victoire contre l'Etat Hébreu.

Publicité

Hassan Zaanine est né le 11 janvier dernier. Il est le premier bébé gazaoui « clandestin » à être venu au monde. Son père, Tamer Zaanine, 29 ans, originaire de Beit Hanoun au nord de Gaza, a été arrêté et condamné à 12 ans de prison par Israël en 2006, quelques mois après son mariage. « Il a été conçu par insémination artificielle à partir de sperme sorti clandestinement de prison », a affirmé l'association de prisonniers palestiniens Waed. Si cet enfant est le premier à naître de cette manière dans la bande de Gaza toujours sous double blocus israélien et égyptien –, la pratique aurait vu le jour il y a environ deux ans et a déjà permis à de nombreux couples de Cisjordanie de donner vie. Elle a été approuvée par les plus hautes autorités religieuses de Ramallah il y a un an.

Début 2013, le Docteur Salem Abu Khaizaran, directeur du Centre médical Razan à Naplouse, a affirmé que « de nombreux essais n'avaient pas abouti et que les échecs étaient courants ». « Le sperme ne survit pas nécessairement [lors de son transfert de la prison à la clinique]. Ainsi, les détenus doivent essayer à de nombreuses reprises, jusqu'à ce que cela fonctionne », explique-t-il. Dans des propos recueillis par la chaîne France 24, le docteur Nizam Najib, directeur d'une autre clinique, affirmait que « les prisonniers inventaient leurs propres moyens […] pour faire sortir leur sperme. Parfois, ils le font passer dans un emballage de chocolat ou dans un petit flacon ». Il est aussi possible que le sperme passe par l'avocat du détenu, par ses enfants – si ceux-ci ont l'autorisation d'entrer en contact avec leur père – ou par des gardes israéliens grassement rémunérés.

Publicité

Une fois sortie illégalement de prison et déplacée dans l'une de ces cliniques, la semence est alors conservée dans un incubateur puis enfin implantée dans l'utérus de la femme, après qu'elles aient pu choisir le sexe de l'enfant. Khaizaran a déclaré que sa clinique « offrait gracieusement cette opération aux femmes de ces prisonniers à titre humanitaire et en hommage à ces hommes qui ont sacrifié leur liberté pour leur terre et leur nation ». Il a rajouté que ce droit d'être parent était pour lui fondamental, surtout car ces prisonniers « ont été condamnés à de longues peines » et car leurs femmes « pourraient ne plus être en mesure de mettre au monde une fois que leurs maris retrouveront leur foyer ». Actuellement, sa clinique stockerait des dizaines d'échantillons de sperme congelé.

Bien qu'on ne connaisse pas le nombre précis de ces naissances, la pratique est de plus en plus populaire parmi les 5 000 Palestiniens détenus en Israël et une vingtaine de femmes seraient tombées enceintes de cette façon. Selon les médias palestiniens, ces derniers mois, deux jumeaux sont nés grâce à une insémination à Bethléem, un garçon à Jérusalem et un second bébé à Gaza. Considérées comme véritable acte de résistance par la population palestinienne, les Israéliens voient ces naissances d'un mauvais œil et doutent de leur véracité. Selon certains experts, ces enfants « clandestins » auraient été conçus de la plus normale des façons et leurs véritables pères seraient en réalité les frères, cousins ou parents proches de ces détenus. L'autorité pénitentiaire israélienne a déclaré que « bien que les interactions et que les échanges d'objets entre prisonniers et visiteurs soient très surveillés et très réglementés, il est possible que de tels trafics aient pu se produire et que le service pénitentiaire continuera d'agir par tous les moyens afin d'éviter les trafics de toute nature ».

@GlennCloarec