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Musique

Une soirée aux Championnats de twerk anglais

Il fut une douce époque où le twerk était une danse obscure et libidineuse dont seuls les rappeurs Dirty South semblaient reconnaître l'existence.

Il fut une douce époque où le twerk était une danse obscure et libidineuse dont seuls les rappeurs Dirty South semblaient reconnaître l'existence. C’est vrai, Justin Timberlake lui-même l’a évoquée dans « SexyBack », à savoir un des plus gros tubes de cette décennie, mais il l'a dit avec tant de nonchalance qu'on aurait pu tout aussi bien croire qu'il prononçait le mot « work ». À moins que vous ne fassiez la différence entre Young Money et Cash Money, il y a de fortes chances que vous ignoriez ce qu’était le twerk il y a quelques années.

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Mais ça, c'était avant qu'une jeune pop star américaine ne frotte son maigre postérieur contre le plus grand ennemi des féministes. Depuis, tout le monde parle de twerk. En l'espace de quelques secondes, toute la twittosphère s'est emparée du terme. Personne n'a pu passer à côté de cette avalanche de critiques post-féministes et des posts aussi vide de contenu que fournis en GIF de Buzzfeed – pas même les honnêtes personnes qui ne se servent de Twitter que pour consulter les résultats du dernier match de foot ou pour poster quelques mauvaises blagues.

Face à cette tornade médiatique, les journalistes se sont empressés de publier de nombreux billets d’opinion. La plupart des lecteurs se sont demandés pourquoi. L’Oxford Dictionary a ajouté le mot « twerk » à sa nouvelle édition. Le twerk s’est exporté outre-Atlantique, au même titre que le Coca Cola et la haine envers George W. Bush.

Quand j’ai entendu parler des UK Twerking Championships, je me suis dit que c’était l’occasion d’embrasser cette culture une bonne fois pour toutes. Même si à ce moment-là, j’ignorais encore si le twerk était représenté par la moindre culture ou si les Britanniques contribuaient au twerk autrement qu'en partageant des articles sur les réseaux sociaux.

Un récapitulatif vidéo des UK Twerking Championships.

L’événement était organisé par The Jump Off, une chaîne dédiée au sport et au hip-hop, notamment réputée pour ses battles de rap qui se tiennent également au Scala, à Londres. Visiblement lassés des types ventripotents à casquettes qui clashent vaguement les parents de leurs adversaires, les organisateurs du lieu ont donné aux danseurs l’occasion de se faire la guerre en remuant frénétiquement leurs fesses.

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Si vous n’êtes jamais allé là-bas, sachez que c’est un de ces lieux polyvalents à Londres où on vous passe au détecteur de métaux avant de vous laisser rentrer. J’y ai passé de très bonnes soirées, mais on ne peut pas vraiment dire que ce lieu soit placé sous le signe des soirées transpirant le sexe. Quand je suis arrivé, j’avais plus l’impression de me retrouver sur une version réelle d’un plateau de jeu Mastermind que dans un clip crapuleux des Ying Yang Twins. Pour l’occasion, je m’étais vêtu comme un présentateur de J.T. gouvernemental des années 1990. Qu’est-ce qu’un homme est censé porter pendant un championnat de twerk, de toute façon ? Mon costume rayé était au pressing et je n’étais clairement pas venu pour me faire des amis.

Heureusement, le reste de la foule avait fait un peu plus d’efforts. Surtout les filles, qui étaient sapées comme des Rihanna postpunk – avec des leggings taille haute, des clous, des hauts qui laissent entrevoir le nombril, des casquettes et des tee-shirts à message. Si j’étais un journaliste mode, j’aurais probablement écrit que je me trouvais dans une arène confrontant Mad Max à des adorateurs d’Andre 3000 et des dominatrices cyborgs. Mais comme ce n’est pas le cas, disons simplement que ça ressemblait beaucoup à Tumblr.

Ce mec était là pour toutes les personnes désireuses d’avoir « plus de swag ». C’est très encourageant de savoir qu’il existe une légion de vendeurs qui se font du blé sur les petites bourges qui veulent troquer leurs colliers en perles et leur jodhpurs pour un look de meuf qui vient de découvrir Tupac.

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De retour dans l’arène, l’excitation était à son comble. Les filles se sont mises à poser et à minauder devant les caméras. C’était à peu près le seul moment d'accalmie.

La foule comportait autant d’hommes que de femmes. Je pense que ces compétitions relèvent plus de l’appréciaton physique que de l’objectivation des femmes, mais il faut avouer que c’est toujours un peu un « problème » de voir des adolescentes en Lycra remuer leurs fesses face à des écrans de smartphones.

Ces filles appartenaient à la « Team Lengman ». Elles ont déclaré qu’elles portaient ces cagoules pour protéger leur réputation. En réalité, elles étaient plutôt bien habillées, si on apprécie le look paramilitaire de rue pensé par Rihanna et Johnny « Mad Dog » Adair. Quand il est bien exécuté, le twerk est une danse sexuellement agressive qui a de quoi de faire fuir le plus viril des hommes. Ce n’est pas une danse taillée pour le derrière concave de Miley Cyrus. Aujourd’hui, le twerk est aussi éloigné de ses origines que Lionel Blair l’est de Gene Kelly.

Face à une telle cérémonie, je me suis sincèrement demandé si les championnats de twerk avaient le potentiel de devenir des compétitions internationales. Peut-être que le twerk pourrait connaître le même destin que le disco : né du gouffre, adopté par les fashionistas avant de devenir un phénomène mondial, puis cantonné aux pubs d’autoroutes avant de se faire exhumer par les jeunes branchés et nostalgiques de la musique de mariage.

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Je me demandais où ces filles avaient appris ces techniques et comment elle s’étaient entraînées. Pendant un bref instant, je me suis cru dans un de ces films StreetDance. Étais-je en train d’assister au point décisif de longues années d’espoir, de rêves et d’entraînements intensifs ? Ou était-ce juste un événement organisé à la hâte afin d’exploiter un buzz éphémère ?

Quand l’événement a enfin commencé, il n’y avait plus de place au doute. Les duos sont passés en premier, s’agitant sur la scène comme des danseuses de Janet Jackson atteintes de la chorée de Sydenham. Elles ont fait des pirouettes, ondulé leur corps, eu l’air successivement puissantes et possédées.

Le public est devenu taré et tout le monde s'est mis à hurler en brandissant son iPhone. Le Scala ressemblait enfin à un clip de Christina Aguilera, celui qui a alimenté mes premiers émois érotiques d'adolescent.

Le jury était composé d’experts en danse et de mecs de l'industrie du disque. La foule était tellement en furie que je n’ai pas réussi à discerner leurs noms, mais apparemment il y avait la chorégraphe du dernier clip de Lily Allen, un type qui bossait pour la chaîne de strip-clubs Spearmint Rhino et un autre mec qui travaillait avec « des grands noms de la musique ».

J’avais l’impression que ce statut de juge leur avait été octroyé pour leur disponibilité plutôt que pour leur expertise ; ils semblaient uniquement là pour attribuer une qualité grand spectacle à cette soirée – un peu comme les faux juges dans les combats de boxe sur PlayStation.

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Le MC a essayé d'interpeller les twerkeuses, principalement des adolescentes de Londres, plus quelques Mancuniennes et une Lituanienne pour faire bonne figure. La foule a hurlé pour les encourager à mesure que les juges annonçaient le nom des gagnantes. C'est le sud de Londres qui a récolté le plus de cris enthousiastes alors que la Lituanie faisait un four complet. À croire que le peuple de Vilnius ne porte pas le twerk dans son cœur.

La foule semblait quand même apprécier la compétitrice lituanienne, même si elle ne faisait pas grand-chose d'autre que secouer ses cheveux comme un lion sortant d'une piscine.

Fait intéressant : la bande son de la soirée était très éloignée des morceaux traditionnellement associés au twerk. Le DJ donnait aux danseurs le choix entre « du hip-hop ou du dancehall » et le dance-hall a remporté tous les suffrages. Peut-être parce qu’elles voulaient rendre cette danse plus anglaise et faire du twerk une discipline transatlantique.

Au départ, je pensais qu’elles se contentaient de suivre la masse. Mais ces filles essaient vraiment d'apporter leur pierre à l'édifice, un peu comme quand le Royal Ballet se met à la danse contemporaine. C’était du twerk avec un soupçon de Grande-Bretagne, et c’est devenu bien plus intéressant que ce que je craignais, aussi bien d'un point de vue culturel que musical.

Qu’est-ce que j’ai appris de tout ça ? J’ai appris que passer de la musique très fort dans un club donnait envie aux gens d'onduler leurs corps en rythme. Souvent, ces gens seront des filles, mais il y aura aussi des garçons. Parfois, les garçons essaieront de danser avec les filles. Certains d’entre eux auront bu.

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Fondamentalement, je n’ai donc rien appris. C’est juste une putain de danse. Qu’est-ce que j’aurais pu en tirer ? C’est des gens qui bougent leurs corps dans un club. Est-ce que la macarena nous a appris quelque chose sur les immigrants de l’ère Clinton ? Est-ce qu’on en sait plus sur l’Espagne post-Franco grâce à Las Ketchup ? Bien sûr que non.

Si vous pensez pouvoir trouver des informations sur le genre et sur les différentes races à une compétition de twerk, vous êtes au moins aussi intelligent que ceux qui cherchent le sens de la vie dans les concerts d'Iron Maiden. Vous n’apprendrez absolument rien. Il vous suffit d’apprécier le twerk pour ce qu’il est : une danse, au même titre que les moulinets de bras embarrassants de votre collègue marketeux.

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