Life

Avec ceux qui ont trouvé l'amour dans les transports en commun

Si vous ignorez la règle du « no eye-contact » dans le métro, vous y rencontrerez peut-être la personne de vos rêves.
Nana Baah
London, GB
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
amour transports publics
Photo : Emily Bowler. 

Justin Bieber vient de sortir Purpose. Je suis dans le métro, en route pour une conférence à l'université et j'écoute l'album pour la deuxième fois, quand un homme enlève un de mes écouteurs. « Je peux avoir ton numéro ? » me demande-t-il. Je panique, puis je lui raconte un mensonge sur un petit ami que je n'ai pas. Pour des raisons inconnues, il me demande le nom de mon petit ami. Nous sommes tous les deux silencieux depuis un peu trop longtemps. Je regarde mon téléphone. Je réponds « Justin ». Les yeux de l'homme font des allers-retours entre mon téléphone et mon sourire timide. Il retourne à la lecture de son livre. Depuis ce moment, j'ai acquis un casque et la ferme conviction que la drague dans les transports publics devrait être illégale.

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Selon une enquête menée en 2019 par Fullscreen, plus de 76 % des 18-34 ans préfèrent rencontrer quelqu'un de façon organique, plutôt que par le biais des applications de rencontre ou du speed dating. L'année dernière, le Telegraph a placé les transports publics en tête de liste des meilleurs endroits pour rencontrer des femmes. (Mais sachant que la liste comprenait également les « soirées phéromones », il vaut mieux la prendre avec des pincettes).

Henry, un jeune homme de 26 ans vivant à Londres, n'aime pas les applications de rencontres, mais aborde régulièrement des gens dans les transports publics. « Je n'utilise pas d'applications ou quoi que ce soit d'autre et pour être honnête, je préfère de loin rencontrer quelqu'un dans les transports plutôt qu'en ligne, me dit-il. Mais il y a tellement de fois où j'ai eu un contact visuel avec quelqu'un, n’en ai rien fait et l’ai regretté. »

Je demande à Henry s'il a des conseils à me donner. « Je m’assure que c'est subtil, pour que les gens n'aient pas l'impression qu'on les drague, dit-il. Mais au moment de descendre, il faut aller droit au but. Vous n'avez pas vraiment le luxe d'être timide ou quoi que ce soit d'autre parce que le temps dont vous disposez avec cette personne est limité. C'est maintenant ou jamais. Proposez de vous ajouter sur Instagram ou d’aller boire un verre à l’occasion. »

Martyna, une jeune femme de 21 ans qui vit également à Londres, est d'accord pour dire que flirter dans les transports publics, c'est saisir l'occasion. L’année dernière, elle a échangé des regards avec un homme dans le métro – ils sont allés au cinéma le soir même. « Nous avons établi un contact visuel dans le métro, à travers la foule de l'heure de pointe. J'essayais de lire pour me distraire et ne pas paraître bizarre, dit-elle. Nous avons continué à nous regarder l'un l'autre. J'étais nerveuse. Il y a un grand écart entre le fait de sourire à quelqu'un et le fait de lui parler. Je suis contente qu'il ait dit quelque chose parce que je ne suis pas sûre que je l'aurais fait. »

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Francisca, de son côté, a décidé de faire le premier pas vers un homme qu'elle a vu dans le train. « J'étais dans le train pour York, et un homme est monté, quelque part dans les Midlands, raconte la jeune femme de 21 ans. J'ai immédiatement envoyé un SMS à une copine pour lui dire qu’un bel homme venait de s'asseoir à côté de moi et elle m'a répondu d’aller lui parler. »

Malgré un échange de numéros réussi avec le « bel homme », les choses ont vite tourné au vinaigre. « Après trois rendez-vous, il m'a ignorée pendant une semaine, puis il a dit qu'il n'en avait pas fini avec son ex. Je sais pertinemment qu'il n'avait pas apprécié le fait que je règle la note au premier rendez-vous, dit Francisca. Ma confiance en moi a été légèrement ébranlée. Mais peut-être que je n’ai pas envie de rencontrer un parfait inconnu. Je préfère rencontrer quelqu'un qui a plus en commun avec moi. »

Le risque d'être rejeté dans un forum public est peut-être la partie la plus angoissante. Amber*, 27 ans, en a fait l'expérience. Elle croisait le même homme dans le métro tous les jours en rentrant de l'université. Un jour, elle a complimenté ses tatouages, et la semaine suivante, ses baskets, avant qu'il ne la complimente enfin sur son sac. Avec les encouragements de ses amis, elle a saisi sa chance. « Le mardi suivant, je lui ai demandé s'il voulait prendre un café. On aurait dit que je lui avais demandé de me vendre un organe. L’expression de choc et d'horreur sur son visage me hante encore. » Tout comme Francisca, Amber dit qu'elle ne retentera plus l’expérience. « Je ne m’en suis pas tout à fait remise, dit-elle. Pendant les quatre mois suivants, je restais 30 minutes de plus à l'université pour rater ce train exprès et ne pas avoir à le croiser. »

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Jusqu'à présent, aucune des personnes à qui j'ai parlé et qui ont échangé leur numéro avec un inconnu dans les transports publics n'a fini par avoir une relation qui a duré plus de quelques rendez-vous. Ce n'est pas si surprenant, étant donné que ce n'est pas un lieu de rencontre très commun. Selon une étude américaine réalisée en 2017, au cours de la dernière décennie, 19 % des couples s’étaient rencontrés sur une application de rencontres, mais seuls 2 % s’étaient rencontrés dans un lieu public. Mais ensuite je rencontre B, 31 ans, qui me dit avoir rencontré sa petite amie dans le métro à New York.

Il y a trois ans, B descendait d’un trip sous acide dans le métro quand il a rencontré celle qui allait devenir sa petite amie. Il l’a trouvée distante au premier abord, mais il dit : « Je l’aurais certainement abordée de toute façon [sans être défoncé] et cela aurait probablement été plus facile. J'ai commencé à parler à son amie, qui était très bavarde. Pour faire parler ma copine, je suis resté à côté d'elle, mais pendant 45 minutes, elle n'a rien dit. »

Mais ils ont fini par parler. Le trajet en métro s'est transformé en rendez-vous et a débouché sur un baiser. Aujourd’hui, ils ont une relation solide. « Nous nous aimons toujours et nous avons un respect incommensurable l’un pour l’autre », dit-il, avant de m'envoyer une photo d'eux deux à Noël dernier. Ils sont rayonnants devant un sapin et tiennent dans leurs bras le Bichon Havanais de neuf mois qu'ils ont adopté ensemble. J'ai versé une larme.

Il est donc peut-être possible de trouver l'amour dans le train. Mais s'il vous plaît, ne touchez pas aux écouteurs de qui que ce soit.

*Le nom a été modifié.

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