Nightlife scene Brussels
Culture Club

On a demandé à la scène nightlife belge ce qu’elle attendait des élections

« Le débat ne doit pas toujours être réduit à la drogue. Une guerre contre la drogue n'est pas une solution, il en va de même pour la fermeture d’un club. »

Fermeture de clubs, renforcement des lois, problèmes de cohabitation avec les riverains… Le milieu de la nuit a parfois du mal à affirmer sa place en Belgique. À l’approche des élections régionales du 26 mai, nous avons demandé à des acteurs-clés de la vie nocturne belge - gérants de clubs, organisateurs de soirées, directeurs artistiques et artistes - ce qu’ils aimeraient voir changer dans notre paysage politique pour permettre au milieu de la nuit de s’épanouir et d’être apprécié à sa juste valeur.

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Tom Brus (1991) - Co-fondateur du C12

_Tom Brus C12

« Le plus important pour nous, c’est que le monde de la nightlife et du clubbing soit reconnu comme un secteur culturel à part entière, au même titre que des salles de concert telles que l'AB ou le Botanique ou encore que des festivals tels que Couleur Café ou Dour. On pense que la plupart des gérants d'espaces dédiés au clubbing et à la nightlife seraient prêt à proposer des événements encore plus ambitieux avec une dimension sociale s’ils étaient plus soutenus et reconnus. Notre pays peut être fier de ses belles salles de concert et de ses grands festivals. Il est temps qu'il puisse aussi se vanter de ses lieux de vie nocturne ouverts tout au long de l'année.

De plus, s’il est soutenu moralement et financièrement, ce secteur deviendrait encore plus professionnel et son économie encore plus florissante. Ça permettrait aussi de faire émerger des nouveaux talents qui deviendraient ensuite des ambassadeurs de notre pays à l'étranger. Ces deux éléments rendraient notre pays encore plus attractif pour les personnes amatrices de sorties et de musiques électroniques.

Le monde politique doit intégrer qu'en 2019, la culture liée aux musiques électroniques est un mouvement international qui touche la plupart des gens âgés entre 18 et 45 ans, qui consomment ces styles musicaux de façon quotidienne ou hebdomadaire lors de leurs sorties entre amis. »

Gilke Vanuytsel (1981) - Programmatrice musicale au Beursschouwburg

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Gilke Vanuytsel Beurschouwburg

« La Belgique a une scène musicale et nocturne très animée et diversifiée. Il y a beaucoup de collégialité, mais malheureusement, ce qui se passe de l'autre côté de la frontière linguistique est encore trop souvent un territoire inconnu, mal aimé.

Nous avons beaucoup d'organisateurs et de talents créatifs, mais trop peu de lieux pouvant accueillir la vie nocturne, malgré le nombre d’endroits vacants. J'espère que l'on reconnaîtra davantage le fait que les villes vivent aussi la nuit et pas uniquement le jour. C’est par le biais d'initiatives telles que l’amélioration des transports en commun de nuit entre les grandes villes, la promotion d'un dialogue positif entre résidents et organisateurs, ou encore la garantie que les fêtards et les personnes travaillant le soir se sentent en sécurité et bien accueillies, que les nombreux aspects positifs de la vie nocturne pourront être soulignés.

Une société qui chérit sa vie nocturne est une société qui embrasse la diversité, la créativité et l’émancipation. »

Guillaume Bleret (1981) - Co-fondateur de la Gay Haze

Guillaume Bleret Gay Haze

« En tant qu’organisateurs de fêtes à Bruxelles nous souhaitons avoir un accès simplifié à des lieux de tailles intermédiaires. Gay Haze est un projet qui réunit souvent entre 200 et 400 personnes, chiffre qui peut tripler parfois lors de plus grandes éditions comme avec nos amis de Spek. Pour nous c’est important de pouvoir investir des lieux de taille moyenne pas trop loin du centre de Bruxelles et pouvant accueillir la capacité habituelle d’une Gay Haze. C’est très difficile de se produire dans des lieux festifs déjà établis car les coûts fixes sont souvent énormes (location, personnel, nettoyage, etc.).

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Nous rencontrons aussi régulièrement des problèmes d’organisation à cause des règlements communaux qui varient d’un endroit à l’autre de la ville, une harmonisation des règles bruxelloises serait un moyen de faciliter notre travail. D’autres coûts importants viennent des organismes de droit d’auteur comme la Sabam et la Rémunération Équitable. Ceux-ci réclament des contributions de plusieurs centaines d’euros, mais il est difficile de comprendre quel soutien ils apportent au genre d’artistes que nous recevons. Nous sommes pour le principe des droits d’auteur mais l’organisation de leur collecte et de leur redistribution manque de transparence.

Les sociétés de gardiennage assermentées sont aussi assez onéreuses. Elle sont souvent un pré-requis aux autorisations, or elles ne sont pas forcément gage d’une meilleure sécurité. On a déjà dû remettre au pas des gardiens qui s’en prenaient à notre public. Il y a là aussi quelque chose à améliorer, peut-être en proposant des formations centrées sur la prévention et les grands principes d’égalités - sexe et sexualité. »

Soumaya Phéline Abouda (1983) - DJ, graphiste et organisatrice

Soumaya Phéline Abouda

« J’aimerais commencer par soulever plusieurs points en ce qui concerne les lieux nocturnes : c’est dommage qu’il faille souvent être politisé.e ou pistonné.e pour pouvoir organiser des événements dans l’espace public. Pourquoi ne pouvons-nous pas ouvrir d’espaces culturels appartenant à la commune, au CPAS ou simplement à l’espace public ? La Belgique a besoin de plus de lieux culturels de rencontre. Les occupations temporaires récentes sont intéressantes, mais peu axées sur la nuit. De plus, pour lutter contre les nuisances sonores, il faudrait débloquer des fonds pour l’isolation des bâtiments qui le nécessitent. Un dernier point en ce qui concerne les lieux nocturnes: leur accessibilité pour les personnes à mobilité réduite doit être améliorée.

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Au final, j’aimerais que les politiques se rendent compte de l’importance de la vie nocturne à Bruxelles et qu’ils la laissent libre de pensée. Pour ce faire nous avons besoin d’une structure composée d’acteurs de la vie nocturne qui soit diverse en termes d’âges, d’horizons sociaux et de genres. Il faudrait également développer des comités de la nightlife et des équipes de stewards de nuit dans toutes les communes. Mais aussi s’assurer que les transports en commun soient plus réguliers du jeudi au dimanche. Quant à la police, elle devrait être l’allié et non l’opposant des acteurs de la nuit. »

Bram Smeyers (1977) et Nicolas Hemeleers (1979) - Membres fondateurs de 24h Brussels

Bram Smeyers Nicolas Hemeleers 24h brussels

« 24h Brussels est une asbl créée cette année dans l’objectif d’explorer notre manière de penser et de gérer la ville la nuit. Cette initiative part du constat qu’on connaît assez mal la façon dont Bruxelles fonctionne la nuit, et que la ville est avant tout gérée pour les heures du jour alors que de très nombreuses personnes vivent la ville 24h/24.

Un des principaux défis à relever rapidement après les élections régionales est la mise en place d’un véritable night management pour Bruxelles. Cet organisme devra, selon nous, pouvoir être pensé à l’échelle régionale - afin de pouvoir travailler avec toutes les communes -, et aborder la nuit de manière large - la dimension festive, mais aussi économique, culturelle, sociale, environnementale. Il devra permettre d’étudier la ville la nuit, constituer un lieu de dialogue entre les personnes concernées, un point de contact centralisé pour les opérateurs, et un relais pour la mise en place de mesures concrètes visant à améliorer, pour tous, la vie nocturne bruxelloise. »

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Jens Grieten (1988) - Propriétaire et directeur artistique du Kompass Klub

Kompass

« Il est grand temps de reconnaître l’importance de la nightlife. Nos gouvernements doivent arrêter de se battre avec ceux qui se démènent pour permettre aux citoyens de passer une bonne soirée.

Nous avons besoin d’une communication ouverte, juste et sans préjudices entre les différentes parties concernées. Selon moi, il faudrait utiliser le budget alloué à l’oppression vers la prévention et la réduction des risques, éléments nécessaires pour s’assurer que le public puisse faire la fête en toute sécurité et de manière responsable. »

Simon Geleyn (1994) - Ambassadeur de NACHTPLAN

Simon Geleyn NACHTPLAN

« J'espère que les politiques belges prendront bientôt le milieu de la nuit au sérieux et qu'ils réaliseront que les clubs sont des lieux importants d’un point de vue artistique et social, puisqu’il s’agit des rares endroits où les gens peuvent échapper à leur train-train quotidien et au stress ambiant de notre société.

Ce n'est que lorsqu'ils reconnaîtront la valeur économique et socio-culturelle du milieu, qu'ils offriront aux organisateurs et aux clubs le soutien qu'ils méritent. D’ici là, les plaintes au sujet des nuisances ou les faits liés à la drogue l'emporteront sur la valeur ajoutée que la vie nocturne offre chaque semaine aux visiteurs et habitants de nos villes.

J'aimerais également que le débat sur la vie nocturne ne soit pas toujours réduit à un débat sur la drogue. Tirons nos leçons du passé. Une guerre contre la drogue n'est pas une solution, il en va de même pour la fermeture d’un club. »

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Bert Vanlommel (1980)- Co-fondateur de la Spek et Full Circle

Bert Vanlommel Spek Full Circle

« Je m'attends à ce que la politique reconnaisse et apprécie l'existence de la vie nocturne, plutôt que de la considérer comme un problème. La vie nocturne contribue à rendre nos villes dynamiques et mérite une vraie place dans celles-ci. Je m'attends donc à ce que la classe politique investisse activement dans des infrastructures permettant de maintenir la vie nocturne dans nos villes. Les plaintes déposées ont de plus en plus de poids et en tant que promoteur on se retrouve facilement dos au mur, impuissant.

J'espère surtout qu'une rencontre entre politiques et acteurs de la vie nocturne permettra de mieux travailler ensemble, dans un contexte positif. »

Christian Enciso Ducy (1981) et Bruno Lavorini (1986) - Gérants du Bonnefooi

Christian Enciso Ducy Bruno Lavorini Bonnefooi

« Pour nous, les problématiques de la nightlife auxquelles nous sommes confrontés au jour le jour sont principalement dues au manque de soutien et de synergie entre les établissements et l'État - représenté par la police. Le manque de contrôle et de personnel au sein de la police dans les rues de Bruxelles, poussent les gérants à devoir gérer certaines situations qui nous échappent malgré notre bonne volonté.

Nous soulignons également l’importance d’organiser des rencontres afin d’aborder les problématiques de la nightlife et celles qui entourent comme par exemple le harcèlement de filles/femmes, les discriminations LGBTQIA+, la sécurité, la prévention, les pickpockets, le trafic de drogues etc. »

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