baltimore skatepark skater
Toutes les photos sont de Jules Emile Devoldere
Culture

Ce photographe bruxellois a suivi les skaters de Baltimore durant cinq mois

« On pense souvent que les skaters sont des anarchistes qui ne se soucient pas les uns des autres, mais pas du tout. Le sentiment de communauté est très fort. »

Toute la culture et l'art de vivre de la scène locale du skate est à découvrir dans notre série VICE « LE SKATE EN BELGIQUE ».

Le photographe Jules Emile Devoldere (24 ans) s'est rendu à Baltimore (États-Unis) pendant cinq mois pour étudier au Maryland Institute College of Art. En explorant la ville, il est tombé par hasard sur un skate park : « C’était à Hampden, un vieux quartier de mineurs qui commence à se gentrifier mais où la pauvreté est encore très présente. Je me suis arrêté devant le skatepark ; d’une manière ou d’une autre, il a titillé ma curiosité. »

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Au cours les mois suivants, Jules s’y rendait presque tous les jours pour photographier les skaters et apprendre à les connaître. VICE l’a rencontré à Bruxelles afin de découvrir l'histoire derrière sa série photo « Hampden ».

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VICE : Hey Jules. Qu'est-ce qui t'a tant intrigué dans ce skatepark ?
Jules : Les personnes extérieures ont souvent l'impression que les skaters sont des anarchistes et qu’ils ne se soucient pas les uns des autres, mais pas du tout. J'étais fasciné par le sentiment de communauté très fort qui régnait là-bas : ils se connaissaient tous et se défendaient les uns les autres. Il y avait un petit groupe de personnes qui y allait tous les jours pour faire du skate, boire et fumer. Au bout d'un moment, j'ai pu nouer des liens avec eux.

Comment t’as gagné leur confiance ?
Je ne connaissais vraiment personne, alors je me suis assis et j'observais de loin. Après une demi-journée, j'ai commencé à prendre des photos avec mon appareil photo argentique. Quand j’ai développé les images de cette première journée, j'ai vu qu'elles étaient putain de bien.

J'ai décidé d'y retourner, mais avec une caméra technique et des négatifs 4x5 pouces, c’est le modèle qu’ils utilisaient pendant la Seconde Guerre mondiale. Un appareil de ce type prend des photos avec une quantité de détails incroyable mais c’est assez gros et lent. Pour chaque photo, il faut insérer un nouveau film, enlever la cassette, prendre la photo et refermer la cassette. Tout prend beaucoup plus de temps.

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C’était pas facile de prendre des photos de skate avec ça. Je pense que presque personne n’utiliserait un appareil aussi technique pour prendre des photos d'actions en mouvement. Mais cet appareil a suscité beaucoup de curiosité, du coup les gens du skatepark venaient vers moi pour me poser des questions. Ça a été bien utile, parce que je suis pas trop du genre à lancer les conversations.

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Pourquoi t’as choisi cet appareil photo ?
Parce que je voulais vraiment travailler davantage avec des caméras techniques. J'ai également décidé de suivre des cours spécifiques au College of Art pour apprendre à manipuler un appareil photo de ce type. Grâce à l’école, j’ai eu l'occasion d'emprunter un modèle pour l’emmener au skatepark. Durant quasi tout le semestre, je l’ai traîné un peu partout avec moi, même si c’était encombrant et lourd, surtout avec tous les porte-films et les autres accessoires.

« J'enchaînais les montées et descentes… L’aller-retour prenait presque une heure et demie - c’était pas l’idéal, surtout avec un appareil photo aussi lourd. »

Presque tous les jours j’allais voir les skaters, même si parfois j'en avais pas vraiment envie ; non pas parce que je ne voulais pas être là, mais surtout parce que Baltimore est une ville merdique en terme de déplacements. Il n'y a presque pas de transports en commun et je n'avais qu'un vélo. J'enchaînais les montées et descentes… L’aller-retour prenait presque une heure et demie - c’était pas l’idéal, surtout avec un appareil photo aussi lourd.

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À cause de ça, je me suis même blessé à l'épaule. C'est une blessure dont je souffre encore. Chaque jour où je n'étais pas au skatepark, je me demandais ce qu'ils étaient en train de faire.

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T’as photographié beaucoup de personnes intéressantes. C'est qui ce garçon avec toutes ses cigarettes en bouche ?
C'est Debo, un gamin de 14 ans, une grande gueule. Du coup, beaucoup de personnes ne l'aimaient pas vraiment, alors que d'autres l'appréciaient justement parce que c'était le fouteur de merde de la bande. C’est aussi un excellent skater, il a vraiment beaucoup de talent. Il m'a intrigué dès mon premier jour au skatepark. Au fait, Debo n’est pas son vrai nom, mais personne ne le sait. Je l’ai découvert par l'intermédiaire d'un pote ; mais si vous lui en parliez, il deviendrait fou.

« Il avait trouvé un paquet de cigarettes par terre. Il en a mis plein en bouche et s’est filmé sur Instagram. Les gens pensent que c’est une mise en scène, mais pas du tout. »

La toute première photo que j'ai prise était d’ailleurs de lui. Je prenais des photos de loin et, à un moment donné, j'étais à côté de lui et de ses amis ; il était en train d’allumer une cigarette. La lumière était trop belle, de même que l'expression de son visage. Je lui ai demandé de rester là pour pouvoir prendre une photo. Il s'est arrêté et m'a regardé.

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À gauche : la toute première photo que Jules a prise dans le skatepark.

Pour en revenir à l'autre photo, le jour où je l’ai prise, il avait trouvé un paquet de cigarettes rempli par terre. Il en a distribué à tout le monde, puis il en a mis plein en bouche et s’est filmé sur Instagram. Les gens pensent que c’est une mise en scène, mais pas du tout. Quand on passe beaucoup de temps ensemble, ce genre de photo finit tôt ou tard par arriver. En fait, tout ce qu’on photographie, on le transforme en objet, mais cela ne veut pas dire que ce n’était pas réel. Je prends juste des photos de situations que les autres ne peuvent pas voir.

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« C’est étrange de les voir bouffer des saloperies, boire et fumer ; et puis juste après, ils s'étirent, s'hydratent et font attention à ne pas se blesser. C’est vraiment typique à la culture du skate. »

Dans ta série, tu t’es également concentré sur des torses nus. Pour notre plus grand bonheur. Tu l’as principalement fait pour faire plaisir aux gens qui en sont friands ?
En fait, ces photos montrent un autre aspect que j'ai trouvé intéressant : comment les skaters prennent soin de leur corps. C’est étrange de les voir bouffer des saloperies de chez Rofo - surnom donné à la chaîne de fast food « Royal Farms » - boire et fumer ; et puis juste après, ils s'étirent, s'hydratent et font attention à ne pas se blesser. Je pense que c’est vraiment typique à la culture du skate.

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Ça ne gênait personne que tu les photographiais torse nu ?
Je ne pense pas, personne ne m'a jamais rien dit à ce sujet. En fait, je n'ai même jamais rien demandé à personne, j'ai juste commencé à prendre des photos. La communauté de skate là-bas était très ouverte et relax, même s'ils ne me connaissaient pas. Ils étaient même très intéressés par ce que je faisais, ils me demandaient d'où je venais et quel genre de photos je prenais.

Je ne leur ai jamais demandé de poser - ce que je ne fais jamais de toute façon. Je suis naturellement un peu timide. C’est difficile pour moi de faire le premier pas. Mais avec ce projet, je l’ai quand même un peu fait car j’ai voulu de sortir de ma zone de confort.

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Tu fais du skate toi ?
J'en faisais avant. À Baltimore, les skaters m’invitaient souvent à les accompagner dans certains lieux. Ils emmenaient une planche de plus pour moi alors que j’étais à la ramasse. Mais j'essayais quand même de participer et ils trouvaient ça cool.

« Je suis simplement intéressé par les sujets humains et par des thèmes qui sont méconnus de la plupart des gens. »

Tu avais déjà photographié des skaters avant ?
Non, jamais. Je ne suis pas du tout photographe de skate. Je suis simplement intéressé par les sujets humains et par des thèmes qui, d’après moi, sont méconnus de la plupart des gens, bien qu'ils méritent plus d'attention. À travers mon travail, je veux que les gens puissent entrer en contact avec des choses du genre.

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Une dernière question : quelle est ta photo préférée de la série ?
Cette photo d'un skater de dos qui fume une cigarette torse nu. Il y a une certaine sensibilité que j'essaye toujours d’introduire dans mon travail, et on peut vraiment la sentir sur cette photo. En même temps, tous les aspects que j'ai essayé de documenter dans la série sont présents dans cette image : le corps, l’attitude, le style de vie et cette patience qui a trait au perfectionnement de leurs tricks.

L'ensemble de la série photo « Hampden » de Jules est exposée du 5 au 21 décembre dans le cadre de l'Opus One au Romaanse Poort de Louvain. BREEDBEELD s'est chargé de sélectionner quinze séries photo de jeunes diplômés, et qui seront également regroupées dans une publication qui sera disponible dans différentes librairies indépendantes.

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