Belgian Pride 2018
Laurane Bindelle

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Société

La Belgian Pride 2018 vue par une novice

Le weekend-dernier, j’ai vécu ma première Pride. J'en suis sortie assez étonnée : au milieu des drag queens et des touristes, le cortège était au final plus politisé que pailleté.
LB
Brussels, BE

Pour ma part, c’est une grande première en vingt-cinq années de fête : on m’envoie couvrir la Pride 2018 dans les rues de notre capitale.

Cette année, des milliers de personnes défilent sous le slogan « Your Local Power », thème choisi par l’organisation en vue des élections communales qui se tiendront en octobre 2018. Pour une première Pride expérience, imaginez quelle a été ma surprise quand j’ai compris qu’il s’agissait pour les militants de la cause LGBTQ de défiler parmi le petit monde politique en pleine campagne électorale, les syndicats et les institutions financières (coucou Hello Bank). Pas très contre-culture, tout ça.

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Un nombre incroyable de chars politiques dans le cortège

Il est 8h30 du mat’ quand j’arrive à Tour & Taxis où se déroule la construction des chars. Objectif du jour : suivre et photographier les participants à la parade, de la fabrication de leur char jusqu’à l’ultime défilé. Après quelques tours du terrain encore quasi désert, je scrute, puis approche un petit groupe de jeunes mecs vêtus de vert : les militants du parti Ecolo. « Plusieurs organisations et associations ont signé une carte blanche pour protester contre la présence de la N-VA dans le cortège. Elles s’unissent contre le nouveau plan interfédéral présenté par le secrétaire d’Etat à l’égalité des chances, Zuhal Demir (N-VA). Le plan stigmatise la population musulmane comme étant la seule responsable de toutes les attaques homophobes en Belgique. Il y a une incohérence complète et un manque de concertation global. »

Le ton de la journée est donc donné. Aux chars de la N-VA et des Écolos s’ajoutent les chars de la majorité des partis politiques du pays : PS, PTB, CD&V, Open VLD, MR.

Des chars moins glamour que ce que j’imaginais

Des ballons aux couleurs arc-en-ciel, des bâches et quelques drapeaux, le tout dressé sur des armatures métalliques. L’effet est un rien industriel. Une légère déception m’envahit. J’avais naïvement imaginé des splendides chars ornés de fleurs et de décorations bien kitsch. Oui, c’est difficile de se débarrasser de ses clichés. Mais je n’ai – presque – rien vu de tel. Le char écolo sort quand même du lot tellement qu’il est joli tout de pelouse vêtu. À côté de ça, le PS semble avoir définitivement tracé une croix sur le bricolage artisanal. « Si il y en qui semblent avoir du pognon à dépenser dans un char, c’est bien le PS » lâche un jeune gars affichant un air dubitatif devant les écrans led accrochés sur le char du parti.

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Une foule incroyable

Cent mille personnes pétillent dans les rues de Bruxelles. C’est super jouissif de se balader dans une foule de gens pimpés à la paillette et fringués avec des costumes hyper excentriques, parfois un rien vulgaires. Juste ce qu’il faut.

De la musique douteuse
Entre « We found love » de Rihanna et un vieux remix tout pourri de « Shape of You » d’Ed Sheeran, j’admets que je suis à la limite de la chiale quand le chant révolutionnaire « Bella Ciao » envahit l’espace sonore. Ce qui aurait certainement été le cas s’ils avaient lâché la nouvelle version de maître Gims.

Une marée de drag queens

Tellement subjuguantes, élégantes, et… grandes ! J’ai signé ma première expérience drag queen quand je me suis rendue au Cabaret Mademoiselle pour photographier mon rédac chef se faire travestir par l’une d’entre elles. Depuis, j’en suis tombée amoureuse. Puis, il faut dire que les drags ne jouissent pas d’une très grande visibilité et que seuls quelques lieux de la nuit bruxelloise profitent de leur présence. Alors, voir défiler par centaines ces créatures excentriques haussées sur leurs talons de quinze centimètres, c’est un spectacle divin.

Un melting pot contestataire

La Pride est une fête ET une manifestation politique. Pour toutes les personnes LGBTQ, c’est une manière de joyeusement s’approprier l’espace public et de signaler de force leur présence à une société qui ne fait que passivement les tolérer (et encore). Cette année, les entités locales sont au cœur des revendications, encouragées à mener une politique qui favorise explicitement l’intégration de la communauté LGBTQ. Mais, « non à l’homophobie », « non à la transphobie » ne sont pas les seules revendications exprimées dans les rues de la capitale ce jour-là. Certains sont présents pour crier leur haine de la police en rappelant la mort de la petite fille kurde, Mawda, tuée par une balle policière. Amnesty International défile pour ceux qui, dans de nombreux endroits du monde – Russie, Arabie saoudite et Turquie – ne peuvent le faire. Repérés également, des centaines de petits drapeaux aux couleurs de l’Union européenne se fondent parmi les couleurs arc-en-ciel. La politique migratoire est, elle aussi, ciblée par une petite partie du cortège.

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Des esprits échauffés par la présence de la N-VA

S’il y a bien une constante lors de cette journée, c’est le nombre de remarques que je relève sur la présence de la N-VA dans le cortège : « T’as entendu que la N-VA avait un char? Quand il n’est pas observé en silence ou hué, le char est pris pour cible par des petits groupes de manifestants ou de simples fêtards offensés par la présence du parti. Fréquentes sont les pancartes qui dénoncent la récupération politique de la Pride par le parti d’extrême droite. Un groupe fait d’ailleurs bloc en début de cortège équipé de pancartes, il scande des slogans contestataires. À leur passage devant la Bourse, les choses se gâtent pour la petite dizaine de militants N-VA qui se dandinent mollement sur le char jaune. Les drapeaux et les bannières du parti sont arrachées par un petit groupe d’opposants. S’en suit un mouvement de foule plus ou moins violent, rythmé au son des « N-VA, casse toi ! ». Plus tard, j’assiste à une manifestation pacifique devant le commissariat de l’Amigo, près de la Grand-Place. Ils sont une petite cinquantaine à crier « libérer nos camarades » ou « police partout ». La police – assez tendue – s’empresse d’encercler le mouvement. Au cours de la journée, plusieurs personnes sont arrêtées puis relâchées par les policiers.

Moins de débauche que ce à quoi je m’attendais
C’est une idée reçue. Les gens ne se roulent pas à moitié nus dans les rues de la ville une 12/12 à la main. Je n’ai surpris aucun acte sexuel clandestin, pas même la moindre petite pipe entre deux voitures stationnées. J’en étais presque déçue.

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Au final, la Pride s’est démocratisée, quasi mainstreamisée, et est devenue un événement quasi hétéro, familial et touristique, ainsi qu’une vitrine politique. En tout cas, rien d’assez scandaleux pour que j’en garde un souvenir incroyable.

Pour plus de photos, c’est en dessous.

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