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Culture Club

Pourquoi on galère tant à dormir après un week-end de teuf ?

Les symptômes incluent : anxiété, colère, frustration, agitation, irritabilité, sudation abondante, et beaucoup, beaucoup de retournements d'oreiller.
sommeil après la fête

Un jour, au beau milieu d’un week-end très arrosé, l’un de mes amis s’est tourné vers moi et m’a dit : « on se marre bien, mais il ne me tarde pas d’être demain soir, quand je vais tourner dans mon lit comme un idiot sans pouvoir dormir. » Vous voyez de quoi il parlait : ces heures passées à se tortiller et à s’agiter au lit le dimanche, en tentant vainement de trouver le sommeil. Si vous êtes aussi débile que nous, il vous arrive même sans doute de trembler, ou d’être envahi par l’angoisse. Et si vous êtes chercheur et que vous étudiez les problèmes liés à l’alcool, vous ne savez sans doute même pas que ça existe, ni d’où ça vient.

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Attention : ça n’arrivera pas juste parce que vous êtes sorti boire un coup ou deux. C’est un problème qui survient plutôt le dimanche soir après un festival de musique, ou quand des potes qui vivent à l’étranger sont passés vous voir, ou quand vous avez suffisamment déconné pendant deux-trois jours pour avoir vu le soleil se lever avant d’avoir fini votre dernier verre – et d’enchaîner sur un « brunch » alcoolisé.

Bref, c’est ce qui arrive quand vous avez trop « soigné le mal par le mal » et que vous ne pouvez plus continuer à boire pour retarder l’échéance ; quand votre corps vous supplie de le laisser se reposer ; quand vous voulez revenir à la normale avant une grosse semaine de boulot, ou que vous voulez simplement arrêter un peu de boire parce que, même si c’était fun, il faut savoir s’arrêter à un moment.

Cela se manifeste différemment selon les gens – parfois, votre coeur bat trop vite, parfois l’anxiétés’empare de vous et vous empêche de fermer l’oeil, et souvent vous vous retrouvez à suer abondamment. En tout cas, il y a une constante : ces heures passées à fixer le réveil d’un oeil hagard, puis à les fermer sans grande conviction, tout en suppliant votre corps d’enfin s’endormir.

Les effets de l’alcool sur le sommeil sont bien connus – il s’agit d’une drogue biphasique, ce qui signifie qu’au départ, elle a des effets stimulants (l’alcool stimule la libération de catécholamine, un groupe d’hormones qui comprend l’adrénaline), avant que les effets ne changent et se rapprochent de ceux des sédatifs. C’est ce qui explique qu’il est souvent facile de s’endormir après une longue nuit passée à boire (même si votre sommeil sera certainement d’une qualité médiocre), et qu’on se retrouve rarement à tourner dans son lit le vendredi ou le samedi soir. C’est aussi pour ça que vous pouvez très bien vous coucher à 4h, vous lever à 9h, et si vous continuez à boire (coucou le brunch), vous arriverez à tenir toute la journée sans avoir trop envie de mourir.

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Ces effets ont été bien étudiés et, franchement, ce n’est pas de ça qu’il est question ici. Le problème dont je parle survient généralement de nombreuses heures après que vous ayez arrêté de boire, et donc après la fin de la « gueule de bois ».

Alors je suis allé interroger des experts. J’ai appelé Richard Stevens, professeur à l’université de Keele. Oui, il travaille sur l’alcool, mais plus spécifiquement, il cherche à comprendre pourquoi nous avons la gueule de bois, ce qui en fait un chercheur à part.

« La définition de la gueule de bois, ce sont ‘les effets résiduels de l’alcool’. Si vous n’avez plus du tout d’alcool dans le sang mais que vous en ressentez les effets, alors vous avez la gueule de bois, m’a-t-il expliqué. Il semblerait que les problèmes de sommeil fassent partie de ces effets. Mais quel est le mécanisme sous-jacent ? On en sait un peu sur les mécanismes de la gueule de bois, le mal de tête et la nausée sont dus à de faibles taux de glucose, à la déshydratation, c’est une réponse inflammatoire. »

J’ai rétorqué que le fait de s’agiter dans son lit n’avait pas grand-chose à voir avec la gueule de bois traditionnelle. Souvent, dans les heures qui précèdent, je passe une journée saine et productive. Je fais du vélo, un peu de sport, je travaille un peu. Et pourtant j’ai des problèmes de sommeil, des palpitations, je sue.

« Ça, je ne sais pas. Les effets de la gueule de bois ne durent généralement pas si longtemps. Vous ne devriez normalement pas avoir de gueule de bois qui dure 24 heures, dit-il. Si vous buvez beaucoup le samedi soir et que vous vous réveillez à 8h00 le dimanche matin en étant toujours bourré, vous risquez d’avoir la gueule de bois jusqu’à 13h00 ou 14h00, je dirais. Ce sont les vestiges de la gueule de bois. »

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Ça se tenait.

J’ai posé la même question à Damaris Rohsenow, directeur-adjoint du Centre d’études de l’alcool et des addictions de l’université Brown. Elle étudie les gueules de bois, l’addiction, et a mené des recherches spécifiques sur l’alcool et le sommeil. J’ai avancé l’idée que, peut-être, nous souffrions en fait d’un manque, surtout que les symptômes correspondent aux récits postés par des alcooliques sur divers forums, sur Yahoo Answers ou sur la page Wikipedia consacrée au manque d’alcool.

Ma question était vouée à l’échec, et elle m’a répondu que le fait de faire un peu trop la fête de temps en temps ne nous transformait pas en alcooliques.

« N’utilisons pas le terme de ‘manque’. Le manque fait entrer en jeu plusieurs systèmes physiologiques différents, et résulte d’un problème de boisson chronique (certains de mes collègues aiment dire que la gueule de bois est peut-être une sorte de manque à court terme, mais les experts dans ce domaine le contestent fortement puisque les mécanismes sont très différents ), m’a-t-elle explique par e-mail. Le comportement que vous décrivez [un gros week-end de fête par mois, et une consommation plus modérée le reste du temps] n’a presque aucune chance d’engendrer un manque, donc abandonnons cette hypothèse. »

« Les effets subjectifs de la gueule de bois se dissipent tous au bout de quelques heures, quand le taux d’alcool dans le sang revient à zéro . La question, c’est donc de savoir s’il existe des effets résiduels après deux nuits de boisson d’affilée susceptibles d’affecter le sommeil le lendemain de la deuxième nuit », ajoute-t-elle.

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Si ce n’est pas le manque, alors quoi ? C’est juste une gueule de bois prolongée, sans migraine ni nausée ? J’ai raconté à un ami ce qu’elle m’avait expliqué. Il s’est alors demandé si tout cela n’était pas dans nos têtes, si nous avions tous de gros problèmes d’anxiété, une sorte de trouble fantôme.

Et c’est là tout le paradoxe des recherches actuelles sur l’alcool : éthiquement, vous ne pouvez pas vraiment sur-bourrer la gueule de vos cobayes pour étudier ce genre de choses, et la plupart des études sur les alcooliques se concentrent plutôt sur les effets à long terme de l’alcool sur le corps, pas sur les petits tracas liés à la gueule de bois.

C’est l’un des problèmes que Stephens a du contourner en organisant des études au hasard sur des cobayes tôt le matin pendant les week-ends. Cela permet de comprendre le fonctionnement de la gueule de bois, mais pas pourquoi nous nous agitons dans notre lit 24 heures plus tard.

D’ici là, le meilleur expert que je connaisse est l’un de mes amis, qui m’a expliqué qu’il buvait une ou deux bières en allumant Netflix au lieu d’essayer bêtement de s’endormir. « Accepte les choses, et tu finirais par t’endormir sans même t’en rendre compte », m’a-t-il conseillé.

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