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Sport

Le belge Jarne Verbruggen nous parle des aléas de la vie de skateur pro

« J'ai toujours reçu de l'argent de mes sponsors pour pouvoir vivre et maintenant que je suis devenu pro, c’est encore autre chose. »
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Brussels, BE
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Brussels, BE

Toute la culture et l'art de vivre de la scène locale du skate est à découvrir dans notre série VICE « LE SKATE EN BELGIQUE ».

De comment survivre dans un espace de co-working au business model d'une travailleuse du sexe, tout ce que vous devez savoir pour vous en sortir dans la vie active est dans le VICE Guide to work.

Le rêve de tout skateur pur et dur, c’est de convaincre un gros sponsor de vendre une planche avec son nom inscrit dessus. Pour y arriver, il vous faudra des années de video parts acharnées, et dans notre beau pays, il n’y a qu’une poignée de skateurs qui ont fait de ce rêve une réalité. Jarne Verbruggen (26 ans) est l’un d’entre eux. Et pas n’importe lequel. Jarne est connu dans le monde entier pour son style brut et possède maintenant sa propre board chez Element. Avec ce qu'il a laissé voir dans Jacky Jacky de Phil Zwijsen, nous n'avons pu nous empêcher de le placer dans notre liste des meilleures vidéos de skate de 2018.

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Dans le monde des skateurs professionnels, il existe une grande différence entre les skateurs de compétition qui courent après les trophées (avec bien sûr de grosses sommes d’argent à la clé), et ceux qui trouvent que tout ça, c’est du bullshit. Jarne se place très naturellement dans la deuxième catégorie. Il ne participe pas aux compétitions, n'a pas de planche remplie des stickers des sponsors et n’en a clairement rien à foutre de ce que vous pouvez penser. Mais il n’en a pas besoin, tant qu’il continue à poster ses video parts incroyables. Les skateurs de la première catégorie reçoivent beaucoup plus d'attention de la part des médias. Ce qui veut dire aussi qu’il y aura plus de marques qui auront envie de dépenser des sommes importantes pour retrouver leurs stickers sous les planches de ces types. Je suis allé à Malines, la ville natale de Jarne, pour lui demander comment il vivait en tant que skateur pro. On a discuté de son compte en banque, des sponsors emmerdants et des ces putains de Jeux Olympiques où il rêve de lâcher une belle merde.

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VICE : Hey Jarne, tu as appris il y a deux ans dans le skatepark de Malines que tu étais officiellement pro. Ça t’a fait quoi ?
Jarne : Alors, comment je me suis senti… C’était le meilleur sentiment du monde, principalement parce que tous mes potes étaient là. J'étais au courant depuis un petit moment donc je savais que ce jour allait arriver. Mais alors, ce moment… Ce jour-là… Ça arrive combien de fois, ce genre de truc ? Tant de gens dans le skatepark de ma ville. Ouais mec, quoi de mieux qu’un pro ?

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« Quand j'étais gosse, je voulais être conducteur de train. Simplement parce qu’on te fout la paix royale. »

Est-ce qu'on t'a immédiatement filé un gros chèque ?
Non, je n’ai rien reçu tout de suite. Mais à chaque fois qu'une planche avec mon nom est vendue, je reçois un peu d'argent. C’est pas comme si une grosse somme apparaissait tout d’un coup sur ton compte. Par contre, tu reçois des baffes de tes copains, haha. Non, en général, peu de choses ont changé depuis que je suis devenu pro. Sauf que j’ai mon nom sur une planche.

Tu peux vivre du skate pour l’instant ou tu as un autre boulot ?
Je n'ai jamais vraiment travaillé. J'ai toujours vécu avec ma mère et mon beau-père. Je leur donne un peu pour le loyer et les autres frais. Non mec, c'est vraiment fou. J'ai toujours reçu de l'argent de mes sponsors pour pouvoir vivre et maintenant que je suis devenu pro, c’est encore autre chose.

Je reçois le plus de Nike et d'Element, car ce sont les plus grandes marques. Ils me soutiennent vraiment beaucoup. Mais tu dois bien comprendre, je ne reçois rien directement des marques. Je reçois ça des managers qui me soutiennent. Alex, Romy, Vaughan et Collin, tous des vrais skateurs. Des types qui voient vraiment quelque chose en moi et qui veulent me soutenir. J’essaie de les en remercier le plus possible. Eux, je peux tout leur dire. Tout ce que je veux. Si j'ai pissé dans mon lit, par exemple. Ce genre de conneries.

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Tu te verrais faire un travail 9h-5h ?
Je ne pourrais pas faire un travail de 9h à 5h, mais je me vois bien faire du 5h-9h, haha.

Si tu n’avais pas commencé le skate, qu’aurais-tu fait à la place ?
Quand j'étais gosse, je voulais être conducteur de train. Simplement parce qu’on te fout la paix royale. Mais un autre job ? J’en ai aucune idée. Mais je n'y pense pas non plus. Faire un 9 à 5, c’est impensable pour moi. Je ne m'en rends pas bien compte non plus aussi, car je n'ai jamais rien fait d'autre. J'ai arrêté l'école en cinquième secondaire parce que j'étais trop occupé à skater. Dès l'âge de douze ans, j'allais déjà sur les events. Avec Ben de JeanJaques, l'un de mes meilleurs potes, on est allés à Marseille par exemple. Avec d’autres potes, juste pour skater. On n’avait nulle part où dormir, on tapait des siestes dans des halls d’hôtel et puis on repartait faire du skate. Et maintenant, c’est les sponsors qui me paient l’hôtel. Dingue.

Tu crois que tu feras quoi à 50 ans ?
À cinquante piges, j'espère que je pourrai faire un handplant. Sinon, je sais pas à quoi aura servi ma vie. Je ne vois pas plus loin qu’une semaine et demie. Comment est-ce que je pourrais dire ce que je veux faire dans un an ? Qu’est-ce que j’en sais, putain. Ce que je veux faire maintenant, c’est ce que je suis en train de faire.

Tu n'aurais pas envie de devenir manager d'une team de skate ?
Non, pas vraiment. J’arrive a peine à me gérer moi-même, en toute honnêteté. J'y ai déjà beaucoup réfléchi, mais on verra bien. Maintenant je me dis juste : fuck that. Tu m’imagines en train de gérer un groupe de skateurs ? Je ne pense même pas que je pourrais m’occuper de deux chiens.

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En tant que skateur pro, t’as du faire face aux impôts non ?
Wow mec, la question qu’il fallait me poser maintenant quoi. Je viens d'apprendre que je devais 7400 euros d'impôts. Des foutaises. J'ai le statut d'indépendant, mais le problème c’est que j’ai trop peu de dépenses. Quand je pars en tournée pour filmer une vidéo, je dois garder une trace de tout ce que je dépense. À la fin du mois, je mets tout sur une facture pour mon sponsor. Mais maintenant, je viens de découvrir que ces enculés des impôts voient les choses différemment. Par exemple, les 600 euros que je mets sur ma facture, ils voient ça comme un bonus que je reçois de mes sponsors. Mais au final, c’est mon propre argent, et du coup, ils rajoutent une taxe supplémentaire. Honnêtement, je suis juste nul pour traiter toute cette merde. Je déteste ça.

« Récemment, une marque de chaussettes a voulu me sponsoriser. Au début, j'ai pensé : cool, j’ai toujours besoin de chaussettes. Mais ensuite j'ai appris qu'ils n'avaient rien à voir avec le skate. Alors qu’ils aillent à la merde. »

Qu'est-ce que tous ces sponsors te demandent ?
La seule chose que je fais pour mes sponsors, c’est de filmer des parts difficiles. Pour le reste, je fais vraiment ce que je veux. S'ils me demandent trop de choses, je me mettrai juste à faire du putain de patins à roulettes ou quelque chose du genre. Je continue simplement à faire mes trucs et c'est assez. Il ne faut pas faire absolument tout ce qu’ils te demandent, sinon ils commencent à te pomper. Ensuite tu vas te retrouver à faire des choses dont t’as pas envie, et tout ça pour quelqu’un d’autre. Si ce que je fais c’est pas assez, alors qu’ils viennent lécher mes couilles. Mais pas l’inverse. Je ne suis pas un joueur de foot; personne ne va me dire quand et comment je dois faire quelque chose.

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C’est pas dans ton contrat ?
Un de mes contrats stipule que je dois mettre des stickers sur ma planche. Je ne veux pas avoir l’air d’un rebelle, mais c’est pas du tout qui je suis. Je montre à ma manière comment j’ai envie de représenter la marque. Je ne vais pas écrire la marque sur mon putain de front. On te respecte plus avec une part difficile que si tu colles des stickers sur ta planche. Récemment, une marque de chaussettes a voulu me sponsoriser. Au début, j'ai pensé : cool, j’ai toujours besoin de chaussettes. Mais ensuite j'ai appris qu'ils n'avaient rien à voir avec le skate. Alors qu’ils aillent à la merde. Pour moi, c’est comme les mecs qui font du motorcross; ils ont des stickers et des logos collés partout. Il y a de meilleures façons de représenter une marque selon moi. Les gens apprécieront beaucoup plus. Faut arrêter de leur lécher le cul.

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Est-ce qu'ils te poussent parfois à participer à des compétitions ?
Non, pas vraiment. T’as l’air d'être un skateur toi. Tu préfères voir skater les gens dans la rue ou dans des compèts ? C'est vraiment différent. Ils ne me le demandent pas car ils savent que c'est pas un truc pour moi. Je pense que les compétitions n’ont vraiment rien à voir avec le skate.

« Ce que je veux encore réussir à faire, c'est d’expliquer au putain de monde entier ce qu’est vraiment le skate, mais la moitié de la planète continue à nous détester. »

On a récemment demandé à Ben de JeanJaques d’entraîner l'équipe Belge pour les Jeux Olympiques de 2020. Au début, on essayait tous de le convaincre de le faire. Mais par après, on se serait sentis super mal par rapport à ça. Pour nous, le skate c’est tout sauf un sport olympique. Si j’avais dû y aller, je pense que ça m’aurait bien fait marrer. J'y serais allé, je me serais retenu de chier pendant trois jours, puis j'aurais lâché une bonne grosse merde sur le rail pendant mon dernier run pour qu'ils m'enlèvent au moins cent points. Qu’ils aillent tous se faire voir. J'ai envie d’aller faire du skate mec, on va se casser.

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Ok, dernière question. Y a-t-il encore une chose que tu veux réussir dans le milieu ?
En premier lieu, conserver tout ce que j'ai maintenant. Deuxièmement, peut-être Albert Heijn. Albert Heijn, mec. Avoir Albert Heijn [équivalent néerlandais du Delhaize, ndlr] en tant que sponsor principal. Ils font des putains de smoothies. Haha non, je déconne. Ce que je veux encore réussir à faire, c'est d’expliquer au putain de monde entier ce qu’est vraiment le skate, mais la moitié de la planète continue à nous détester. Il faudrait juste qu’ils nous comprennent et nous laissent tranquilles. En tant que skateur, mon objectif ultime est de faire un nose-slide, nollie flip to fakie dans le bowl de Lance Mountain puis un putain de handplant pour atterrir directement dans ma tombe. Peace.

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