Self-Isolating New Relationship Dating Coronavirus COVID-19 VICE 2020
Photo: Emily Bowler 
Life

Le confinement avec un tout nouveau partenaire

« Je me sens privée de l’excitation de l’étape « lune de miel » et de mon indépendance. »
Daisy Jones
London, GB

En tant que queer et victime de la crise du logement, je peux facilement me mettre à la place de ceux qui ont rencontré quelqu’un sur Tinder, ont décidé que c’était le bon à sa coiffure et se sont embarqués dans un premier rendez-vous qui n'a jamais pris fin. Qui a déjà emménagé avec quelqu'un au bout de deux semaines de relation, avant de réaliser que certaines de ses habitudes étaient infernales à vivre ?

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Par le passé, ces « emménagements avec quelqu’un qu’on connait à peine » arrivaient de temps à autres. Parfois, ça marchait, parfois non – on connait tous quelqu’un dont les parents se sont installés ensemble après trois jours, et sont aujourd’hui mariés depuis 25 ans – tant mieux pour eux. Mais avec la récente épidémie de Covid-19 les couples qui viennent de se rencontrer doivent choisir entre ne plus se voir pour une durée indéterminée, ou bien faire le grand saut et s’engager ensemble dans le confinement.

Alors, ils en sont où ceux qui ont choisi la deuxième option ? On a interrogé quelques personnes qui ont décidé d’affronter la crise ensemble alors qu’il y a encore trois mois (ou moins), ils étaient de parfaits inconnus.

Milly, 29 ans

On s’est rencontrés sur Tinder fin-janvier. Ni lui ni moi ne voulions coller d’étiquette à notre relation, on prenait simplement notre pied et du bon temps ensemble. Pour vous replacer le contexte, je vis seule depuis presque deux ans et ça me va très bien – je travaille à la maison et ça me plait. Alors, que quelqu’un vienne passer quelques nuits chez moi par semaine, c’était déjà une sacrée étape.

Vers la fin-février, il m’a fait comprendre que la chambre qu’il sous-louait était horrible et qu’il voulait trouver un autre logement. Il m’a alors demandé s’il pouvait rester chez moi deux ou trois semaines et j’ai accepté. Et puis, tout à coup, c’était déjà la mi-mars et le confinement, donc bon, pas le moment idéal pour trouver un appart. En plus, il a perdu son boulot à cause du virus, donc il passe tout son temps dans mon appart avec vraiment pas grand-chose à faire.

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On s’entend bien et on en profite. On mange beaucoup de fromage et on boit beaucoup de vin rouge, on couche ensemble et je dois reconnaître que c’est mieux que d’être seule. Par contre, je me sens privée de l’excitation de l’étape « lune de miel », de mon indépendance (que je chéris tant), et je dois prendre sur moi et faire abstraction de tous ses petits tics agaçants qui m’irritent, ce qui ne serait sûrement pas arrivé si on avait eu un début de relation normal.

Lily, 24 ans

On se voyait pour la quatrième ou cinquième fois quand je suis allée passer le weekend chez lui. On a dîné avec ses colocs super sympas, mais le lendemain l’un d’entre eux lui a écrit qu’un de ses proches collègues était peut-être atteint du coronavirus et qu’ils devaient tous rester confinés pendant deux semaines, par précaution, selon les recommandations en vigueur.

J’avais alors l’option soit de partir et ne pas revenir soit de rester. On a tous les deux décidé que je devais rester. J’avais aussi côtoyé le coloc en question, donc ça semblait être la solution la plus responsable, plutôt que de ramener le virus chez moi ou à quelqu’un d’autre. C’est donc notre situation depuis maintenant six jours, ce qui est vraiment long quand on ne peut pas sortir de l’appart.

Cela ne se passe pas trop mal pour l’instant. On travaille depuis la maison dans des salles séparées pendant la journée, et on cuisine et regarde des films le soir. J’ai toujours pas trouvé le truc qui cloche, ce qui est plutôt bon signe, et on ne manque pas de sujets de conversation. En fait, je crois qu’il me plaît encore plus. Ça paraît très intense, mais toute la situation est intense, pas notre relation seulement.

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Gina, 26 ans

On est officiellement ensemble depuis deux semaines, mais on a commencé à se voir il y a un mois et demi. Pour le moment, il vit chez moi. Et on est au top ! Il est plus âgé donc il est du genre à faire la vaisselle, sortir les poubelles et cuisiner de bon petits plats. Mon coloc approuve aussi, pour les raisons que je viens de citer.

Je pense que, quand on commence une relation, on tend dans tous les cas à passer très vite beaucoup de temps ensemble, donc c’est pas si différent finalement. J’ai bien intégré qu’il était très pragmatique, contrairement à moi. J’ai déjà fait une crise de panique devant lui, chose que j’aurais préféré éviter, mais il a su gérer ça très bien – et ça nous a peut-être rapproché… Ça se passe vraiment bien, même si je sais que c’est sans doute le contraire de ce qu’on aurait dû faire.

Oli, 31 ans

Je suis en confinement avec le mec avec qui je suis depuis un mois et demi. On vit dans un coin plutôt rural près de Bristol, en Angleterre, donc c’est important d’être avec quelqu’un, sinon on se sent très vite seul. Je dirais qu’il y a des bons et des mauvais côtés. L’avantage c’est que je n’ai pas à faire abstinence, il cuisine vraiment bien et on rigole beaucoup. L’inconvénient, c’est le manque d’espace qui peut nous rendre assez irritables. On n’a ni l’un ni l’autre peur de s’exprimer et de dire ce qu’on pense, ce qui peut provoquer quelque prises de bec – ce dont je n’ai pas l’habitude dans une relation de seulement quelques semaines.

Grace, 23 ans

On est ensemble depuis un mois et c’est ma première semaine d’auto-confinement chez elle. Pour l’instant, ça va. On ne s’est pas encore pris la tête et c’est plutôt marrant d’apprendre à connaître quelqu’un sans aucune distraction, sans galérer à trouver le temps pour se voir ou à s'inquiéter de quand il ou elle va nous rappeler.

Le seul truc c’est que j’aurais aimé qu’elle me voie sous mon meilleur jour un peu plus longtemps. C’est cool quand on commence à voir quelqu’un, qu’on s’habille bien et qu’on peut présenter à l’autre une sorte de version améliorée de soi-même, mais en confinement, on peut pas vraiment faire tout ça. On se dévoile sans maquillage, sans belles fringues. On se découvre dans notre état le plus vulnérable, à s'inquiéter pour notre famille et pour la société en général – j’ai même pleuré devant elle. Peut-être que ça finira par nous rapprocher, mais il est encore trop tôt pour en juger.

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Leila, 28 ans

On se connait depuis presque trois mois, pas tout à fait. Il a arrangé son appart pour que je puisse avoir l’espace de travailler dans une toute petite salle, et a ramené un bon stock de nourriture. Et puis, hier, je suis tombée malade et maintenant on est tous les deux coincés pour 14 jours. C’est vraiment un employé modèle, donc il voulait vraiment aller travailler, mais dès qu’il a compris que j’étais vraiment malade, il a été adorable et s’est occupé de moi. J’ai un peu peur de comment il va tenir le coup, parce que j’imagine qu’il va vouloir avoir quelque chose à faire, mais il n’y a rien à faire !

C’est bizarre qu’on vive ensemble maintenant alors que notre relation n’est pas encore très sérieuse ? Enfin, j’imagine qu’elle le devient. Mais je suis contente d’être ici parce que chez moi je vis dans un studio et au moins chez lui je peux bouger dans plusieurs pièces différentes. Il a aussi beaucoup de livres, plutôt bien, non ? J’sais pas, il est trop mignon quoi. J’ai acheté plein de jeux de société et il me plaît vraiment, j’espère que quand je me sentirai mieux on pourra bien en profiter.

C’est quand-même marrant d’avoir fait tout ça ensemble sans s’être jamais dit « je t’aime » ni rien. On est en couple depuis deux semaines, mais j’ai failli recracher du thé quand le travail lui a répondu en disant : « nous souhaitons une bonne convalescence à ta conjointe ».— Leila, 28 ans.

Marcin, 28 ans

Je me suis trouvé un mec à peu près deux semaines avant la quarantaine – on s’est rencontrés sur Tinder, et on a commencé à se voir. Quand la pandémie a commencé, je me suis installé chez lui pour qu’on puisse passer plus de temps ensemble. Maintenant, on a beaucoup de temps pour apprendre à se connaître. Il travaille à distance à côté et ça me motive à développer des compétences que j’ai toujours voulu acquérir. Je n’arrivais pas à m’y mettre quand j’étais seul à la maison. Quand je le vois bosser, j’ai envie de faire pareil. C’est aussi quelqu’un de très soigné, et avec lui, je me suis mis à plier mes vêtements. On regarde des films, on cuisine (chose que ni lui ni moi n’avions jamais fait avant) ou juste on se pose et on discute. Je ne suis pas inquiet – je vois plutôt ça comme la parfaite opportunité d’apprendre à connaître ce mec. Marcin, 28 ans.

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