Contrôle de papiers (cité des sablieres)

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La vie en bas des blocs de Créteil

Derrière « Linstable photographie » se cache Jean-Michel Landon, ancien travailleur social reconverti en photographe « social et humaniste », qui témoigne de la vie dans les quartiers d'Échat et des Sablières​.

Tout a commencé dans le silence d’une nuit d’automne, à la recherche d’un sommeil plombé par l’insomnie. Les heures s’enchaînent tout comme les profiles Instagram. Et puis, dans un flot de photos inutiles de vacanciers en pantacourt, mon œil reste scotché sur une photo en noir et blanc, à la fois puissante et authentique, montrant le sourire glouton d’un jeune garçon. Je découvre Linstable photographie et la centaine de photos qu’il a publiées, toutes prises à Créteil : des visages et des scènes de vie en bas des bâtiments. À chaque fois, la jeunesse est au centre, et notamment celle des quartiers de l’Échat et des Sablières.

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Derrière ce pseudo, il y a Jean-Michel Landon. Son parcours et aussi atypique que son travail, lui l’ancien travailleur social reconverti en photographe, qui passe des nuits entières à photographier les jeunes du quartier, et parfois à les conseiller ou tout simplement les écouter. J’ai rencontré Jean-Michel dans un café du centre commercial de l’Échat. Les jeunes ne sont jamais très loin de nous et viennent le saluer avec le respect que ses propos bienveillants ont fait naître. Il m'a raconté son parcours singulier, son expérience, mais aussi, et surtout, sa détermination à faire changer les choses pour cette jeunesse qui voit son quartier se transformer sans elle.

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VICE : Comment a eu lieu ta première rencontre avec la photographie ?
Jean-Michel Landon : Plus jeune, j’avais souvent un appareil jetable sur moi. Je prenais des photos de potes dans le quartier et en vacances, mais ma passion est née on octobre 2011, dans la cité – Les Sablières – où je bossais comme travailleur social. Ma première « vraie photo » est née dans ce quartier.

Et tu t'es dit que tu allais faire de la photo ton métier ?
Oui, c’est venu naturellement. Comme une évidence à côté de laquelle j’étais passé pendant longtemps. J’étais posé dans la cité où je bossais et je regardais les gosses s’amuser. Je venais d’apprendre que tout l’habitat allait être entièrement démoli. J’ai alors décidé d’entreprendre un travail de mémoire photographique. Un travail photographique qui a débouché sur « La vie des blocs » qui témoigne de la vie dans les quartiers de Créteil.
Mon but est de montrer le plus objectivement possible la vie telle qu’elle s’y déroulait dans la cité des sablières, qui n’existe plus aujourd’hui, et telle qu'elle s’y déroule actuellement dans le quartier Echat. La vie dans les cités est souvent fantasmée et les clichés relayés par certains médias n’ont rien arrangés au problème. Qui est mieux placé que nous, habitants de ces quartiers populaires, pour décrire notre quotidien et rétablir un certain équilibre sur la balance. Il ne s’agit pas d’édulcorer notre réalité mais de tenter d’être juste et de tout montrer.

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Et le quartier de l'Echat est, semble-t-il, un bel objet de travail ?
Oui, le quartier Echat est socialement et sociologiquement intéressant. C’est avant tout un quartier d’affaire dans lequel il y a aussi une fac et le rectorat. Au milieu de tout ça, il y a une dizaine d’immeubles HLM et une copropriété privée composée de cinq ou six immeubles. Des problématiques sociales sont apparues depuis une dizaine d’années mais ce n’est pas vraiment visible, compte tenu de la manière dont Créteil ECHAT a été pensé. Les nouvelles générations sont plus nombreuses qu’avant et le quartier ne répond pas à leur besoin. Il n’y a aucune infrastructure socioculturelle pour les accueillir. Du coup, certains squattent dehors et dans les parties communes de la copropriété, qui vit de plus en plus repliée sur elle-même. La mairie ferme les yeux sur ce qu’il se passe et rien n’est fait pour améliorer le vivre ensemble qui existait par le passé. Ce sont tous ces éléments qui m’ont donné l’envie de continuer mon reportage amorcé il y a plus de six ans.

Tu passes, beaucoup de temps avec les jeunes, notamment la nuit, à les photographier bien sûr, mais aussi à les écouter et les conseiller. Comment s'est passée ton intégration auprès d'eux ?
Mon intégration s’est faite naturellement. Je suis ce qu’on appelle « un ancien » dans la ville de Créteil. J’ai bossé comme travailleur social durant près de 20 ans, et dans tous les quartiers. Je suis connu pour être bienveillant et militant, « j’ai fait mes preuves », comme ont dit chez nous. Je n’ai jamais eu de problème pour toutes ces raisons, mais aussi parce que mon engagement va au-delà de la photographie. Je suis toujours près à filer un coup de pouce aux petits frères et aux petites sœurs qui me le demandent. Les problèmes d’une partie de la jeunesse qui compose ces quartiers n’ont pas vraiment changé depuis la construction de ces grands ensembles. Ce qu’il manque surtout dans nos quartiers, c’est l’accès à la culture. Il y a un grand travail de conscientisation à faire. Il faut aussi que nous arrêtions de nous victimiser. Les cités regorgent de talents gâchés.

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Ton travail trouve-t-il un écho favorable auprès de la ville ?
Oui, en effet j'essaie d'alerter la municipalité, et pas seulement avec avec mes clichés. Le maire de la ville me connait très bien, de par mon parcours, et il ne peut pas m’oublier compte tenu des nombreux courriers que je lui fais parvenir. Cela fait maintenant deux ans que je lui écris pour l’alerter sur les problèmes grandissants dans le quartier et sur la nécessité de créer un espace dédié à la médiation entre les habitants, et aux besoins d’une partie de la jeunesse. Il reste pour l'instant hermétique à mes propositions, peut-être parce que la construction de la gare du grand Paris à l’intérieur même du quartier est un enjeu économique trop important pour accepter que la vie dans le quartier se dégrade… Une chose est sûre, je suis trop têtu pour m’arrêter à ça.

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Linstable photographie a son site Internet.

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