VICE x Arte Antwerp for Creatives
Culture

Arte Antwerp et VICE lancent une collection en soutien aux artistes belges

Ces T-shirts présentent des travaux de photographes et graphistes belges. On leur a demandé comment iels gèrent cette crise.

La collection « Arte Antwerp x VICE for Creatives » est maintenant dispo jusqu'au 24 avril à minuit sur la boutique en ligne d'Arte Antwerp.

Comme beaucoup d'autres secteurs, le milieu culturel est fortement impacté par le Covid-19. Selon une enquête de State of The Arts, 400 travailleur·ses du secteur culturel ont déjà subi des pertes qui s'élèvent à environ 1,75 million d'euros, soit environ 4 400 euros par personne.

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Pour soutenir une partie de la scène locale, VICE s’associe au designer anversois Bertony Da Silva et sa marque Arte Antwerp pour lancer une collection de T-shirts mettant en avant le travail de sept artistes visuels proches de nous.

Parmi elleux, cinq photographes dont on a déjà publié les travaux : Antoine Grenez, Jules Emile Devoldere, Maria Luiza Malu Grymonprez, Stig De Block et Daniil Lavrovski. Viennent aussi s’y ajouter le duo de graphistes Vincent Vrints et Naomi Kolsteren du studio Vrints-Kolsteren, et le photographe Jef Claes, qui travaillent régulièrement avec Arte Antwerp. Dans cet article, iels nous expliquent comment la situation actuelle a impacté leur travail, et accessoirement leurs revenus aussi.

Tous les bénéfices de la collection « Arte Antwerp x VICE for Creatives » leur seront reversés. Certes, ça va pas rapporter des milliards et le nombre de bénéficiaires est limité, mais on est fier·es de soutenir les artistes ci-dessous.

Antoine Grenez (26 ans), photographe

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« J’ai commencé la photo il y a maintenant 7 ans quand j’ai entamé mes études à l’Ecole de Recherche Graphique (ERG), même si j’ai toujours joué avec les caméras de mes parents quand j’étais petit.

Aujourd’hui j’en vis ; je travaille dans quelques petites niches qui me permettent des rentrées stables même si les commandes, c’est pas le genre de travail qui demande une grande créativité. Ça représente qu'une petite partie de mon travail photographique mais ça finance le reste.

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« Avec le confinement, on se retrouve à expérimenter un peu avec n’importe quoi et ça peut amener à des résultats intéressants qu’on n’aurait pas obtenu en temps normal. »

À cause du confinement, la majorité de mes contrats ont été annulés, ou du moins reportés jusqu’au déconfinement. Mais il me reste quelques client·es qui m’appellent pour faire des sessions studio où je suis seul avec une série d’objets à reproduire et ça me permet de garder la tête hors de l’eau.

Par contre, le bon côté de cette situation, c’est l’ennui. On ne se rend pas compte de l’importance de l’ennui dans l’utilisation de la créativité. Avant le confinement, j’avais des journées bien remplies ; maintenant je les remplis avec des anciens projets laissés de côté ou en faisant un tour dans mes archives personnelles. Ça me permet aussi d’approfondir certaines recherches théoriques, de lire un livre au soleil. Quand on est juste face à soi-même avec un besoin de production artistique, on se retrouve à expérimenter un peu avec n’importe quoi et ça peut amener à des résultats intéressants qu’on n’aurait pas obtenu en temps normal. »

Maria Luiza Malu Grymonprez (24 ans), photographe

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« Je prends des photos depuis la troisième secondaire, quand j'ai commencé ma formation en audiovisuel à l'académie. Ensuite, j'ai fait mon master en photographie à la KASK à Gand et je suis diplômée depuis septembre.

Je ne gagne pas encore ma vie grâce à la photo. J’ai longtemps cherché un travail dans mon domaine après mes études, mais c’est difficile d'en vivre. Beaucoup de jeunes créatif·ves cumulent deux jobs. Du coup, je travaille dans un supermarché. Ça me rend pas heureuse mais au moins je vis dans un bel endroit à Gand et je fais mon truc. Pour le moment, je veux juste économiser pour mes futurs projets, les voyages et les tatouages aussi. Je suis encore en pleine réflexion sur ce que je veux faire. Je ne peux pas me concentrer sur une seule chose ; je veux me développer et être créative dans plusieurs domaines. Toujours en lien avec la danse et la photo.

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« Je suis encore en pleine réflexion sur ce que je veux faire. Je ne peux pas me concentrer sur une seule chose ; je veux me développer et être créative dans plusieurs domaines. »

Avant le confinement, j'avais des commandes, généralement pour des photos de soirées ; c’est lié à ma série « Bum Bum / Party Animal ». Mais plus maintenant, évidemment. Le côté positif à tout ça, c’est que je peux travailler plus d'heures et gagner plus pour ensuite réaliser mes envies. Quand je ne travaille pas, je fais mes projets créatifs et je danse aussi - je fais du voguing. Je peux bosser sur mon portfolio et mon site web, mais aussi faire des exercices de kiné que j’avais l'habitude de mettre de côté.

Après mon master, j’avais pris mes distances avec la photo car j'associais ça à l'école et à la pression. Maintenant, je me rends compte que je me tourne automatiquement vers mon appareil parce que c'est ma façon de gérer les situations. J’ai par exemple commencé un journal de bord sur Insta. »

Jules Emile Devoldere (24 ans), photographe

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« Je pourrais raconter une histoire cliché, et dire que j’étais toujours celui qui prenait les photos dans ma famille quand j’étais gosse, mais non. Concrètement, je m’y suis vraiment mis à mes 20 ans, quand j’étudiais le graphisme. Du coup, j’ai changé d’orientation et aujourd’hui, je suis en master en photo à LUCA à Schaerbeek.

Je gagne mes sous avec la photo. Je fais notamment partie de deux agences principalement axées sur la photographie d’événement. Du coup, je fais des photos d’events, de conférences, etc. De toute façon, c’est pas vraiment mon truc ce genre de boulot donc je le fais de moins en moins. Ce que j’aime vraiment, c’est l’approche documentaire de la photographie. Mes projets ont toujours une dimension sociale et humaine. Je suis fasciné par les gens et leurs interactions dans l’espace public, les communautés minoritaires ou encore les phénomènes culturels. Du coup, c’est plutôt du travail éditorial que je voudrais vivre.

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Depuis le début du confinement, j’ai moins de boulot, c’est sûr. En général, à cette période, on commence à me contacter pour les festivals, mais c’est foutu cette année. Ceci dit ça me permet de me focus sur mon master. Le problème, c’est que je ne peux pas aller à l’école et je n’ai pas d’atelier. Je suis en dernière année donc je dois présenter mon jury et préparer mon exposition de fin d’année, mais tout est reporté et je n’ai pas non plus accès au local d’exposition. Mais bon, faut être créatif ; je crée des maquettes et je me prépare comme je peux. Mon jury aura lieu en juin et l’expo de fin d’année est reportée à septembre, du moins pour l’instant.

« En général, à cette période, on commence à me contacter pour les festivals, mais c’est foutu cette année. Ceci dit ça me permet de me focus sur mon master. »

Niveau créativité, j’ai aussi le temps de bosser sur des projets plus perso. Je fais pas mal de balades à vélo dans les bois - la police ne dit pas encore grand chose là-dessus -, je me promène en respectant la distanciation sociale et je rends visite à mes potes sur le pas de leur porte. Je documente tout ça. Le truc, c’est que je peux pas faire développer mes films comme les labos sont fermés. Le développement des couleurs est un peu plus risqué car la température des produits chimiques doit rester constante tout au long du processus. Mais maintenant, les chambres noires commencent à me manquer, et ça me donne envie de le faire moi-même.

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Mis à part mon master et ce projet perso, quand le confinement sera terminé, j’aimerais beaucoup retourner aux États-Unis sur la côte Est. Mes potes skaters de Baltimore devaient venir en Belgique mais ça aussi, c’est compromis. Dans tous les cas, j’y retourne dès que possible pour un ou deux mois histoire de passer aussi par New York et la Floride. Depuis l’année dernière je travaille sur un bouquin sur le temps que j’ai passé aux States. Il s’appelle « Looking for shark teeth », parce que quand je rendais visite à ma copine en Floride, je passais beaucoup de temps à la plage et je trouvais jamais de dents de requin alors que c'est très courant d'en voir. C’était devenu une obsession. Jusqu’à ce qu’un pote me parle de Shark Tooth Beach à Saint Augustine et j’ai fini par en trouver une. J’aime bien cette histoire parce que je la compare à mon processus créatif. Y a quelque chose de méditatif dans la photo : tu vas à ton rythme et parfois, il se passe rien. Puis finalement si. J’aimerais sortir ce bouquin à la fin du confinement. »

Vincent Vrints et Naomi Kolsteren (32 et 31 ans), graphistes et fondateur·ices du studio Vrints-Kolsteren

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« On a toujours été créatif·ves. On fait du graphisme depuis les secondaires, puis on a étudié l’illustration en supérieur, tout en préservant un lien avec le graphisme.

Après nos études, on a tout de suite bossé en tant que graphistes. Du coup, à part des jobs étudiants, ça a toujours été notre gagne-pain. Vincent a notamment bossé cinq ans dans un bureau de graphisme aux Pays-Bas (Studio Dumbar) qui travaillait avec de gros clients, style la police ou la société de trains - rien à voir avec ce qu’on fait maintenant.

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Quand on était aux études, on avait un collectif en mode self-publishing. On ne bossait pas pour des client·es ; c’était complètement libre. On a toujours travaillé ensemble. Même quand Naomi est partie vivre à Berlin. Et il y a quatre ans, on a décidé de concrétiser cette collaboration en montant notre propre studio.

« On produit surtout des créations pour le secteur culturel et de la mode, donc la plupart de nos client·es sont à l’arrêt. D’un jour à l’autre, tout s’est figé. »

On produit surtout des créations pour le secteur culturel et de la mode, donc la plupart de nos client·es sont à l’arrêt. D’un jour à l’autre, tout s’est figé. On travaille avec Arte Antwerp, mais la cadence est ralentie. Il y a aussi des projets édito, notamment un magazine d’art contemporain, mais la dernière publication n’est pas parue non plus. Heureusement, il reste les éditions de livres, car les gens lisent toujours.

Comme on est aussi en couple, la quarantaine n’est pas trop compliquée pour nous. On travaille encore parfois au bureau. Ça fait du bien de ne pas être tout le temps chez soi.

C’est difficile financièrement, mais on essaye d’utiliser ce temps à bon escient et de faire avancer nos projets perso, ceux qu’on a mis de côté et qui n’ont jamais abouti. On travaille sur des Vrints-Kolsteren Editions et on pense pouvoir les publier après le confinement. »

Jef Claes (30 ans), photographe

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« Je prends des photos depuis mes seize ans. Après mes études de photo, j'ai travaillé comme assistant pendant quelques années et je suis indépendant depuis 2016. La photo a toujours été mon métier et mon unique source de revenus.

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Avec le confinement, tous mes jobs impliquant d'autres personnes ont été reportés ou annulés et, malheureusement, c'est le cas pour la majorité de mon boulot. La photographie est une discipline très humaine - tu ne peux pas travailler sur un set sans contacts. S’ajoutent à ça des questions pratiques, comme le labo qui est fermé. Pour pouvoir continuer à travailler, je développe moi-même mes film couleur pour la première fois depuis des années, mais à l'exception de certains shootings de produits et de travaux gratuits, tout est en suspens.

« La situation nous oblige à travailler un peu différemment et à être créatif·ve avec les moyens du bord. »

Ceci dit, la situation est double. Le confinement libère du temps qui n'existait pas avant et permet de réfléchir sur notre façon de travailler et ce qu’on fait de ce temps. Professionnellement, par exemple, c’est intéressant de réaliser des images pour une marque sans utiliser de modèle. La situation nous oblige à travailler un peu différemment et à être créatif·ve avec les moyens du bord.

Cependant, je ne peux pas remplir ce temps libre comme je l’entends à cause des restrictions. Les projets sur lesquels je voudrais continuer à travailler impliquent des déplacements ou des voyages, sans parler du contact avec les gens qui est tout simplement nécessaire. Le travail ou les éditos à l'étranger encore si faciles à réaliser il y a deux mois sont maintenant impensables. C'est un peu frustrant, mais là encore, je suis bien conscient que mes plans ne sont pas une priorité en ce moment.

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Du coup, je me concentre sur la préparation et la conception et je fais ce que je peux, comme prendre des photos dans la ville quand je sors. Le reste suivra plus tard. C'est pas mal de pouvoir ralentir un peu et réfléchir à son travail, à la gestion de notre temps et à ce qu’était la situation avant tout ça, pour mieux repartir quand le confinement sera terminé. »

Daniil Lavrovski (26 ans), photographe

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« Ça fait un bail que je fais de la photo. Si je compte à partir du moment où j'ai acheté mon premier reflex numérique, je pense que ça fait dix ans. Mais en vrai, ça remonte à un peu plus loin vu que je prenais toujours l’appareil de ma mère pour photographier mes potes.

Les années ont passé et la photographie est devenue ma seule source de revenus, donc les conséquences du confinement sont assez désastreuses pour moi. En raison des mesures, presque tous mes boulots ont été annulés ou reportés, donc je n’ai quasi plus aucun revenu.

« La vie va si vite qu’on passe en pilote automatique, et des mois, voire des années, peuvent s'écouler sans que tu puisses t'occuper de toi-même ni penser à où tu vas. »

C’est quand même un choc. Surtout si, comme moi, t'as eu un mois de février calme avec peu de taf, et que tu comptais sur ceux prévus plus tard pour compenser.

Bon, il y a quand même des côtés positifs. Évidemment, je peux me pencher sur ce que j'ai mis de côté ou reporté à cause du "manque de temps". J'aime aussi le fait de vivre un peu plus lentement, prendre plus de temps pour moi et me reposer. J'ai enfin le temps de trier mes disques durs, de mettre à jour mon portfolio et de scanner des négatifs oubliés depuis longtemps. Le fait d'être en confinement avec ma copine - également photographe - me fait réfléchir de manière plus critique à ce que mon travail représente et à ce que je veux faire en tant que photographe. La vie va si vite qu’on passe en pilote automatique, et des mois, voire des années, peuvent s'écouler sans que tu puisses t'occuper de toi-même ni penser à où tu vas. La réflexion sur soi amène beaucoup de doutes, mais elle est cruciale pour le développement. »

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Stig De Block (29 ans), photographe

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« Il y a environ 10 ans, j'ai pris mes premières photos avec l'appareil de mon père. Peu de temps après mon master en graphisme, j'ai réalisé que la photographie était devenu mon moyen d’expression de prédilection. Il y a 3-4 ans, ma pratique a pris de l'ampleur et depuis deux ans, je travaille à temps plein en tant qu’indépendant.

Aujourd’hui, je shoot pour des marques et des magazines belges et internationaux, et je vends aussi mon travail en éditions limitées. C’est comme ça que je gagne ma vie. Mais en une semaine, toute ma saison printemps/été est partie en fumée. Campagnes, éditoriaux saisonniers, meetings,… Tout est annulé ou en suspens. Concrètement, je perds près de la moitié de mon chiffre d'affaires. Financièrement, c'est dramatique.

« Je n'ai jamais eu aussi peu de stress au cours des deux dernières années. Le calme avant la tempête, je suppose. »

Mon compte bancaire s'effondre mais le moral est au beau fixe. Je n'ai jamais eu aussi peu de stress au cours des deux dernières années. Le calme avant la tempête, je suppose. En plus, comme beaucoup d'entre nous, j'ai plein de temps dont je fais bon usage. J'ai enfin mis à jour mon site Internet. Exceptionnellement et pour une durée déterminée, vous pouvez demander mon catalogue en ligne - je ne l'avais jamais fait auparavant. La nécessité crée une réelle opportunité. Puis j'ai créé une to do list pour m’assurer d’être prêt à 100% dès que je reprends le travail.

Cette année, je devais sortir mon premier docu sur lequel je travaille depuis 2018, mais ce sera sûrement reporté à 2021 ou 2022. C'est l'essentiel pour le moment. Parfois, je fais encore du graphisme. On vient de commencer une seconde collection pour un rappeur new-yorkais qui devrait être sortie pour le SS21.

J'espère que le secteur va pouvoir se relever et que les marques continueront d’accorder de l’importance à une image cohérente pour soutenir leur produit, et ce malgré les pertes. En fin de compte, (presque) tout le monde en est victime et ça me donne espoir étrangement, car il va falloir trouver une solution. Je reste positif. Ça me convient mieux à long terme. »

La collection « Arte Antwerp x VICE for Creatives » est maintenant dispo sur la boutique en ligne d'Arte Antwerp.

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