Base militaire, Lettonie
Toutes les photos sont de Jonk.
Culture

Plongée dans les vestiges de l'Union soviétique

Le photographe Jonk a voyagé en Europe de l'Est à la recherche de reliques de l'URSS. Il en ressort « Goodbye Lenin – vestiges soviétiques en Europe de l'Est », un livre de photos qui racontent un autre temps.

Estampillé urbexeur, le photographe Jonk, Jonathan Jimenez de son vrai nom, est avant tout un amoureux des lieux abandonnés où la nature reprend ses droits. Il parcourt le monde à leur recherche, comme pour mieux leur donner une seconde vie à travers ses photos. Racines, troncs, branches, feuilles se mêlent et s'entremêlent aux peintures écaillées, aux murs fissurés, aux vitres cassées, ou encore à la rouille. Les clichés de Jonk laissent transparaître une atmosphère particulière, vide, mais chargée d'histoire et de vie végétale.

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Dans son dernier ouvrage Goodbye Lenin – vestiges soviétiques en Europe de l'Est, l'artiste nous fait découvrir une autre de ses passions : les reliques soviétiques. Allemagne de l'Est, Estonie, Hongrie, Bulgarie, Tchernobyl… pendant près de quatre ans, Jonk a arpenté les zones délaissées des anciens pays satellites de l'URSS en quête de ces témoins d'une autre époque. Comme toujours, la nature est bien présente, mais elle ne tient plus le premier rôle. Elle est en quelque sorte le faire-valoir de ces « capsules temporelles » pour reprendre les propres mots du photographe. Mines, bases militaires, théâtres, écoles, ou encore hôpitaux sont autant de lieux dans lesquels s’incarnait le communisme soviétique. Trente ans après l'implosion de l'URSS, l'auteur nous propose une plongée dans le bloc de l'Est et nous invite à contempler ses clichés qui racontent une partie du XXe siècle, faite de symboles forts, de devises ouvrières ou de figures politiques. VICE a pris un petit cours d'histoire avec Jonk.

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Piscine d'un hôpital militaire – Pologne.

VICE : Quel est le point de départ de cet ouvrage ?
Jonk : J'ai toujours été passionné par l'imagerie soviétique. L'architecture, les panneaux, les affiches de propagande et les éléments de langage percutants m'ont toujours intéressé. Mais le point de départ de ce livre a été mon premier voyage à Tchernobyl en juin 2015 où j'ai découvert les friches soviétiques. Et puis Tchernobyl est un symbole fort de l'URSS. Un mois plus tard, j'étais en Bulgarie pour voir Bouzloudja, la maison-monument du Parti communiste bulgare. Goodbye Lenin, vestiges soviétiques en Europe de l'Est, rassemble des photos de mes 16 voyages en Europe de l'Est, réalisés entre juin 2015 et avril 2019.

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Vous faites référence à la catastrophe nucléaire ?
A Tchernobyl, on sent le poids de l'histoire, de cet ancien temps qu'est l'époque soviétique. C'est une zone militaire où il est interdit d'entrer sans autorisation, beaucoup de choses sont donc restées en l'état : messages, affiches, objets d'époque, mobilier. C'est le meilleur endroit pour sentir l'URSS car c'est un lieu préservé. J'aime m'y rendre car c'est là qu'on ressent le plus les vibrations soviétiques. C'est très fort.

« Même en Russie, l'URSS est encore dans tous les esprits. Selon un sondage, 66% des Russes sont encore nostalgiques de l'époque soviétique »

Pour beaucoup vous êtes un photographe spécialiste de l'urbex, mais ce livre n'a rien à voir avec l'exploration urbaine n'est-ce pas ?
Je ne me considère pas comme un urbexeur mais comme un photographe de lieux abandonnés. Mon travail principal porte sur la nature et sa réappropriation de ces lieux. C'est mon travail le plus connu car c'est le plus ancien, mais je suis tout autant passionné par les reliques soviétiques. Je dirais que Goodbye Lenin est un livre de photos d'histoire.

On a l'impression que votre travail ressemble à celui d'un historien.
J'ai fait énormément de recherches pour rédiger les légendes et les textes d'introduction pour contextualiser au mieux les photos. Une photo seule a moins de force qu'une photo légendée ou accompagnée d'un texte. Il a fallu que je présente chaque bâtiment, son histoire, mais Goodbye Lenin n'est pas un livre d'histoire, c'est un livre de photos d'histoire.

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On voit que l'URSS est encore très présente dans ces anciens pays satellites. Qu'en est-il dans la population ?
J'ai rencontré deux types de personnes : celles qui pensent que je suis un farfelu, qu'il y a bien mieux à faire que d'aller voir de vieux bâtiments soviétiques abandonnés, et celles qui comprennent ma démarche et sont intéressés par ce patrimoine et l'époque qu'il raconte. J'ai rencontré des gens nostalgiques de l'URSS, notamment les plus âgés. En Biélorussie, alors que j'étais sur une ancienne base militaire, j'ai discuté avec un promeneur qui m'a invité chez lui. Il possède encore beaucoup d'objets datant de cette époque, qu'il conserve comme de précieux souvenirs. Lui aussi est un nostalgique et il n'est pas le seul. Même en Russie, l'URSS est encore dans tous les esprits. Selon un sondage, 66% des Russes sont encore nostalgiques de l'époque soviétique.

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Théâtre – Ukraine. Il est écrit : Apprenez les sciences militaires correctement »

Vous avez visité les anciens pays satellites de l'URSS, mais pas la Russie. C'est un parti pris ?L'URSS couvre trois zones : l'Europe de l'Est, l'Asie centrale et le Caucase et la Russie. Ce livre se concentre uniquement sur l'Europe de l'Est. En ce moment, je travaille sur l'Asie centrale, le Caucase et le Russie: je suis allé au Kazakhstan, en Géorgie et deux fois en Russie. Je vais prochainement me rendre en Arménie et en Azerbaïdjan.

Lénine est très présent dans votre ouvrage, à la différence de Staline, complètement absent…
Staline était vu par beaucoup comme un tyran et, à sa mort, le Parti communiste sa propre image par crainte d'un essoufflement de l'engagement communiste. La plupart les traces liées au culte de la personnalité de Staline ont donc été effacées. Le parti a alors remis Lénine, le fondateur, sur le devant de la scène. Jusqu'à l'éclatement de l'URSS, on voyait Lénine partout et Staline nulle part.

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Les photos ci-dessous :

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Atelier de réparation des train – Hongrie.

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Base de défense antiaérienne – Slovaquie.

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Hôpital – République tchèque.

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Théâtre – Bulgarie. Il est écrit : « La persistance aboutit à l'accomplissement des objectifs.

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Aérodrome – Lituanie.

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Base militaire – Biélorussie.

Jonk a un site Internet.

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