Dans le sordide des salons érotiques français et belges

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Dans le sordide des salons érotiques français et belges

Un nombre exceptionnel de gens louches, de sexes épilés et de pervers – et moi.

Toutes les photos sont de Sarah Geerits

J'ai réalisé cette série sur un an, entre le mois d'avril 2014 et la fin du mois de mars 2015. À la base, je voulais le présenter à mon jury de fin de première année d'étude en photographie. Pour ce faire, je me suis d'abord rendue au salon érotique de Bruxelles, puis à celui de Paris et enfin, à celui de Namur.

J'ai distingué deux types de personnes dans ces salons : les habitués, qui suivent les tournées de salons érotiques de ville en ville quand ils le peuvent, et les autres – les curieux. Les profils de ces deux catégories sont multiples mais ils ont une chose en commun : l'attrait pour le plaisir sexuel. On se retrouve rarement dans un salon érotique par hasard. J'ai eu l'occasion de rencontrer des gens divers : des couples, des hommes seuls, des bandes de potes, des exposants, des strip-teaseurs, des stars du X, mais aussi des professeurs, des policiers, des bureaucrates – et des chômeurs. Dans un salon érotique, la distinction entre vie privée et vie publique prend tout son sens.

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À l'intérieur, je n'étais pas hyper à l'aise. Imaginez-vous une petite meuf de 21 ans au beau milieu d'un salon érotique. Voilà. J'ai d'abord eu l'impression de rentrer dans un sex-shop géant ; devant moi s'étalaient différents étals de godes et de vagins artificiels. Çà et là, certains bars vous proposent de boire un verre devant des filles en train de se faire un cunnilingus. Certaines maisons de production X vous proposent également de collectionner les signatures des stars pornos de leur écurie.

L'une des choses qui m'a le plus intriguée, c'est la musique. Une sorte de rock and roll vulgaire mis au volume maximum, qui conférait à ces salons une ambiance de grande kermesse sinistre.

Les shows peuvent être bien glauques aussi. J'ai trouvé malsain le rapport entre cette foule de filles qui se tortillaient nues, et cette horde d'hommes avec des objectifs pharamineux qui photographiaient la moindre parcelle de leur corps. J'essayais d'imaginer le contenu de leurs ordinateurs ; il devait être louche.

Il existe une différence assez nette entre les salons belges et français. L'ambiance du salon à Paris était plus dure, grouillante, trash. Aussi, les salons belges sont interdits aux moins de 18 ans tandis que les français le sont seulement aux moins de 16.

Je dois reconnaître que mon statut de photographe – et surtout d'étudiante en photographie – m'a permis un contact beaucoup plus facile avec les participants. Les gens étaient intrigués par ma présence. Souvent, ils venaient me parler d'eux-mêmes. Beaucoup m'ont d'ailleurs fait faire la visite du salon, m'ont présenté d'autres personnes, etc. Un gars m'a même aidée à réparer mon appareil photo. On m'a bien sûr adressé des refus, mais la plupart des gens que j'ai rencontrés ont accepté d'être pris en photo. Quand ils refusaient, c'est parce que leur famille ne connaissait pas leur passion, qu'ils avaient des enfants ou qu'ils étaient employés dans divers services publics.

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Chacune de ces personnes m'a amené le point de vue humain qu'il manque à toutes ces vidéos pornos qui circulent sur le net. Un maître sadomaso m'a ainsi expliqué la notion de respect inhérente à toute relation SM.

Certains se sont quand même demandé pourquoi je les prenais en photo eux et pas la plantureuse star du X qui paradait dans l'allée.

Chacune de ces personnes m'a amené le point de vue humain qu'il manque à toutes ces vidéos pornos qui circulent sur le net. Un maître sadomaso m'a ainsi expliqué la notion de respect inhérente à toute relation SM – et comment il avait un plaisir fou à satisfaire sa dominée tout en me montrant ses nombreuses cravaches et fouets. Un couple libertin m'a dit que le libertinage ne consistait pas simplement à organiser de grosses partouzes, mais que c'était leur manière à eux de renforcer l'amour qu'ils se portaient. Un photographe m'a enfin raconté qu'il avait vu des gens baiser au beau milieu d'une allée de l'un des salons.

Ceci dit, tout n'est pas rose non plus dans les salons érotiques. Si la majorité des gens est sympa, une petite minorité se révèle en revanche assez cash, flippante et parfois irrespectueuse. Ainsi, un homme m'a suivie dans tout le salon pendant une bonne heure. Un autre encore voulait m'emmener de force dans les buissons. Un vieux a essayé de me peloter. C'est à Paris que j'ai vu une autre facette des salons, un point de rencontre pour vrais pervers. Quand en Belgique ils restaient sages, en France ils profitaient de la foule pour peloter en douce. Un policier venu pour son plaisir m'a d'ailleurs demandé s'il pouvait rester avec moi parce qu'il avait « peur pour ma sécurité ».

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En tant que féministe, j'ai toujours eu une vision assez négative du porno. Je ne comprenais pas comment des gens pouvaient aimer en regarder d'autres en train de baiser. Ce qui m'a toujours énervée là-dedans, c'est la vision dégradante et très réductrice qui se dégage de la sexualité humaine. Il s'agit toujours de pénétrations violentes et mécaniques, de bouches qui ne servent qu'à accueillir des bites. Le porno est violent, cru.

Le monde de l'érotisme est une grande industrie vendeuse de désir et de plaisir. Toutes les choses que j'ai pu voir dans les salons relevaient de la mise en scène ; la seule chose vraie, c'était les gens. Les salons érotiques sont et ne sont pas des lieux sordides. Ce sont des espaces à part, loin des normes sexuelles. Tout ce qui a attrait au sexe n'est jamais très glamour et c'est ce qui donne cette impression sordide dans les photographies. Beaucoup de personnes étaient vraiment louches mais il n'empêche que passer la barrière de l'apparence, ils se sont avérés extraordinaires.