manifestation devant l’ambassade du Brésil à Bruxelles
Toutes les images sont de Nine Louvel
Crime

On était à la manif devant l’ambassade du Brésil à Bruxelles

Et on vous a demandé ce qui devait changer, là tout de suite. « J’ai moyennement envie de crever dans 30 ans, donc il faut absolument se bouger le cul. »

Suite à ces incendies délibérés dans la forêt Amazonienne, un rassemblement a été organisé ce lundi 26 août à l’ambassade du Brésil à Bruxelles pour lutter contre la politique de Bolsonaro. Le président du Brésil a en effet aboli les mesures de protection en faveur des multinationales, une mesure dévastatrice pour notre planète.

En juillet, la déforestation de la forêt Amazonienne a atteint un pic dû aux feux de forêts qui, au Brésil, ne cessent d’augmenter. Selon l'Institut national de recherche spatiale du Brésil (INPE), l’équivalent de cinq terrains de football disparaissent chaque minute. Il s’agit d’incendies volontaires pour la création de plus grands espaces de culture et d’élevage profitant au secteur agro-alimentaire.

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Ça fait déjà quelques semaines que ça dure, et pourtant ce n’est que maintenant, suite à un émoi collectif sur les réseaux sociaux, qu’on a décidé de descendre dans les rues en Belgique.

On vous a rejoint à la manif Rebel For The Amazon de ce lundi pour savoir comment, selon vous, on devrait se bouger pour changer la situation au Brésil.

Lina (22 ans)

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VICE: Hey Lina, de quelle manière tu crois qu’on pourra changer la situation au Brésil?
Lina: L’Amazonie est en feu et c’est sûr que moi, la petite Lina, je ne vais pas changer le monde seule. La voix collective d’une manifestation comme celle-ci permet cependant de ne plus pouvoir ignorer le problème, et c’est ça qui importe! Moi, j’ai moyennement envie de crever dans 30 ans, donc il faut absolument se bouger le cul.

Tu t’y prendrais comment du coup?
Commençons déjà par changer nos habitudes alimentaires. On sait que les multinationales brûlent des champs dans la forêt amazonienne pour alimenter le bétail. Moi je dis: réduisons drastiquement, voire totalement notre consommation de viande et de produits animaliers!

Nathaniel (24 ans)

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VICE: Salut Nathaniel, comment crois-tu pouvoir faire bouger les choses concernant les incendies de la forêt amazonienne ?
Nathaniel: En vérité, ça fait longtemps que je pense que les manifs n’ont plus d’impact dissuasif, mais que c’est plutôt un moyen de s’organiser, de se rencontrer et de se réunir en gros. C’est une action de se donner rendez-vous afin de réfléchir à ce qu’on va réellement faire par la suite.

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Mais qu’est-ce qu’il faudrait réellement faire alors?
C’est simple: il faudrait saboter ce qui se trouve à la base de ces incendies, à savoir la structure capitaliste autour de nous! En soi, ici on est dans la ville qui abrite les institutions européennes. C’est ici même, à Bruxelles, que se décident les directives et lois ainsi que les politiques de taxation. On n’est pas isolés du reste du monde. À partir du moment où il y a un effort de mobilisation comme aujourd’hui, il y a une visibilité internationale: chacun peut faire pression avec son micro-impact. Par exemple, une amie à moi partage des tractes concernant les intérêts des lobby alimentaires impliqués eux aussi dans la destruction de la forêt amazonienne. Je pense que c’est justement cette force d’organisation qui a un impact.

Jovinha (39 ans)

VICE: Bonjour Jovinha, pourquoi as-tu décidé de manifester aujourd’hui ?
Jovinha: Je suis brésilienne et je veux me battre pour changer la situation. Beaucoup de Brésiliens ont honte de ce qui se passe et n’approuvent pas du tout les déclarations et les mesures de Bolsonaro. Il ferme les yeux sur la situation et dit qu’il s’agit d’un mensonge, mais nous, Brésiliens, refusons la fiscalisation de l’Amazonie!

« Il faudrait saboter ce qui se trouve à la base de ces incendies, à savoir la structure capitaliste autour de nous! »

Comment le fait de manifester à Bruxelles impacte la situation dans ton pays natal?
Si on réussit à mettre une pression internationale sur la marchandise et les produits brésiliens, le gouvernement brésilien va certainement se bouger. C’est une question d’argent tout ça et les européens contribuent à la déforestation. Pensons à la signature du Mercosul pour le libre échange de la marchandise.

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Et que fais-tu pour aller à l’encontre de la politique de Bolsonaro?
Ça fait longtemps que j’ai décidé de ne plus acheter de produits brésiliens. Je boycotte par exemple la viande brésilienne, dont la production est une des causes de la déforestation.

Marc (23 ans)

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VICE: Salut Marc, est-ce que ta présence à la manif va faire bouger les choses?
Marc: Et bien c’est toute la question des manifs; est-ce que ça servira vraiment à quelque chose? Je suis là parce que je suis en colère, et en colère depuis bien plus longtemps que le début des incendies. Il n'y a rien de surprenant à ce qui se passe en ce moment: Bolsonaro n'a jamais caché son intention d'ouvrir l'Amazonie au développement et de faire la guerre aux peuples indigènes qui l'habitent. On se réveille trop tard?
Je suis très touché de voir autant de monde autour de moi réagir avec autant d'émotion aux images de l'Amazonie en flamme, et moi aussi je ressens cette tristesse et cette impuissance face à l'énormité du désastre. Mais pour moi le premier moyen d'avoir une prise sur la situation, c'est de comprendre les causes structurelles à l'œuvre, pour mieux pouvoir les combattre. Tu peux développer?
Bolsonaro est arrivé au pouvoir avec un coup d'état. Avant l'élection de 2018, le favori des sondages, et de très loin, c'était Lula, l'ancien président et chef du parti de gauche. Il a été condamné pour corruption par un juge (Sérgio Moro) qui est ensuite devenu Ministre de la Justice sous Bolsonaro, comme par hasard… On sait maintenant grâce à une enquête du journal américain The Intercept que Moro a inventé cette affaire de toute pièce (avec la complicité des classes dirigeantes brésilienne, et sous les applaudissement du Wall Street Journal), pour empêcher Lula de se representer. Résultat des courses: Bolsonaro est au pouvoir, Lula est toujours en prison, et l'Amazonie brûle.

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Et que pouvons-nous, Européens, faire pour agir?
Les destinataires finaux de la déforestation de l’Amazonie sont les Européens, prenons la consommation de viande, par exemple. Je pense qu’il faut encourager les gens à s’informer plus sur les causes structurelles qui se cachent derrière cet incendie. La principale cause des incendies, c'est le besoin de terre pour faire pousser du soja pour l'élevage intensif, qui est principalement destiné à un marché international, donc à nous, Européens.

Hanna (27 ans)

VICE: Coucou Hanna, tu en penses quoi de cette manif?
Anna: L’échange avec les gens ici est génial, j’ai déjà pu faire la connaissance de personnes avec qui je me vois m’investir plus tard pour notre avenir. Mais pour l’instant honnêtement, je me sens totalement désarmée par rapport à ce qui se passe au Brésil. Ça se propage dangereusement comme de la magie noire.

Toi, tu agis comment pour te rebeller ?
On est arrivé au point de non-retour: on est littéralement en train de brûler à cause de l’industrie agro-alimentaire. Quand on y pense, c’est une manifestation contre la surconsommation: on rase des coins de terre pour faire exploser le marché alimentaire alors que tout est une question de redistribution. C'est là-dessus que je travaille en ce moment: je tente de créer des réseaux d’agriculteurs, d’artisans,… Des réseaux de proximité à niveau local en gros. C’est peut-être une goutte d’eau dans l’océan mais c’est ma manière de contribuer.

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Julien (24 ans)

VICE: Hey Julien, on veut tous se bouger le cul pour changer les choses au Brésil. Toi, tu vois quels moyens pour y parvenir?
Julien: Pour moi, les solutions sont évidentes: il faut entrer dans une démarche sociale avec des gens qui veulent également faire bouger les choses. Faire table rase de ce qu’on connaît afin de libérer de l’espace et du temps pour cultiver notre propre bouffe, sur le modèle des zones à défendre qui éclosent un peu partout.

Donc tu te vois déjà dans un Bruxelles où on remplacerait les parcs par des potagers?
Dans le cas de Bruxelles, il faudrait déserter la ville pour pouvoir en faire un potager géant! Plus sérieusement, il ne faut pas oublier qu’avoir son potager dans ton coin reste un acte individualiste que tu as pu te permettre parce que tu avais le temps et l’espace. Le truc c’est qu’il faut agir ensemble, pas tout seul.

Seth (19 ans)

VICE: Salut Seth, c’est quoi la raison de ta venue aujourd’hui?
Seth: Une chose est sûre, I wanna change the fucking system parce que j’en ai marre de ce système sans transparence et des politiciens comme Bolsonaro qui nous cachent des choses. On ne sait pas ce qui se passe derrière notre dos! La politique grouille de corruption, probablement une des conséquences du capitalisme…

Et comment tu vas t’y prendre pour changer ce fucking system ?
En tant que petit groupe d’étudiants, on ne peut pas faire grand chose à part faire entendre nos voix. Il s’agit tout de même de notre avenir et il faut se bouger, maintenant plus que jamais. Je suis d’ailleurs devenu végétarien par principe, parce que je sais qu’on brûle des hectares de forêt uniquement pour cette industrie.

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