FYI.

This story is over 5 years old.

Stuff

Quelques trucs que j’ai appris en devenant père

Quand on appartient à une génération de gros bébés incapables d'entretenir une plante verte, il est difficile de s'imaginer avec un enfant sur le dos.

Illustration : Dan Evans

Devenir père équivaut à se faire voler sa vie par un être minuscule et grassouillet. Vous vous souvenez de votre période d'insouciance, quand vous pouviez encore aller boire des coups, mater un film ou vous faire un restaurant sur un coup de tête ? Ces beaux jours sont derrière vous. Désormais, la simple perspective de vous isoler pour regarder un clip de cinq minutes sur YouTube suffira à vous réjouir – même s'il y a de fortes chances que les cris de votre progéniture finissent par interrompre votre petit moment de sérénité.

Publicité

Personne ne vous avait vraiment annoncé à quel point tout allait changer. En réalité, des gens ont sans doute tenté de vous avertir, mais vous étiez probablement trop occupé à vous ennuyer pour les écouter. Tout le monde sait que les nouveaux parents sont particulièrement assommants. Je ne déroge pas à la règle, mais laissez-moi tout de même vous raconter mon expérience. Cela fait maintenant sept mois que mon enfant est né, et je suis encore sous le choc. Quand votre vie a été rythmée par la discographie des Replacements et les leçons de vie d'Holden Caufield, le concept de paternité vous paraît totalement étranger. Vous avez bâti votre monde autour des problèmes liés à l'adolescence, et non sur la notion de responsabilité et de futur. Je pensais que mon expérience d'oncle et ma parfaite connaissance des paroles de « The Living Years » de Mike and the Mechanics m'avaient un minium préparé à la situation, mais je me suis royalement planté.

Le premier choc de la paternité, c'est quand vous réalisez que vous êtes complètement hors sujet. Dans ses premiers mois, le bébé n'interagit pas vraiment avec vous. Il est complètement absorbé par sa relation avec sa maman, et vous êtes simplement là pour les soutenir pendant qu'ils établissent un lien solide. En gros, cela impliquera de faire la cuisine, de nettoyer tout le temps et d'être globalement irréprochable. Pas le temps de pleurnicher, de se livrer à une activité hédoniste ou même de faire des blagues stupides sur les seins de votre compagne. Pour moi, passer du statut de lecteur de BD invétéré à père exemplaire n'était vraiment pas évident.

Publicité

Voici donc quelques petites choses qui arrivent quand on devient père. Spoiler : à partir de maintenant, toute votre vie tournera autour des excréments de votre enfant.

VOUS NE SEREZ JAMAIS « PRÊT »
Quand on vient d'une famille dysfonctionnelle, on a tendance à bien réfléchir avant de s'engager à faire un enfant. Quand je suis devenu papa, je me suis rappelé d'une phrase que ma mère répétait fréquemment à ma sœur et moi : « Avoir des enfants est une perte de temps » – elle le disait souvent à l'occasion de nos anniversaires. C'est une des premières choses que j'ai eu en tête quand j'ai appris que j'allais avoir un gosse.

Ensuite, j'ai réalisé à quel point notre génération est immature. Ou, pour être plus honnête, à quel point je suis moi-même immature. Nous sommes tous des grands enfants, sans aucune idée de ce que c'est d' être vraiment adulte. Nous sommes des freelancers incapables d'assister à nos leçons de conduite ou d'utiliser notre abonnement à une salle de sport. Et nous flirtons constamment avec l'interdit bancaire. On ne sait pas bien se nourrir. Certains d'entre nous sortent trop et s'accrochent à l'idée que nous resterons en deuxième année de fac jusqu'à la fin de nos jours. L'absence de vision d'un mois sur l'autre était suffisante pour battre en brèche l'idée d'avoir un enfant. Mais c'est arrivé. Ma copine et moi avons décidé d'avoir un enfant. Deux mois avant la naissance, je me suis fait licencier sans préavis. Ça m'a fait d'autant plus ressentir mon syndrome de Peter Pan, en plus de renforcer mon sentiment de ne pas être prêt.

Publicité

VOUS DEVREZ VOUS HABILLER COMME UN ADULTE POUR ALLER AUX RENDEZ-VOUS D'ADULTES
Je me suis habillé comme un roadie d'Interpol pendant dix tristes années. En tant que futur père, j'ai réalisé que c'était un signe de mon immaturité. Peut être que cette prise de conscience a eu lieu lorsque je me suis pointé aux leçon de préparation à l'accouchement avec une veste en cuir, un T-shirt Black Lips et un jean déchiré. Je ne vais pas commencer à vous raconter à quel point vous pouvez vous sentir gêné lorsque vous passez une heure à vous entraîner aux différentes positions d'accouchement tout en craignant qu'un testicule ne s'échappe de son pantalon.

J'ai eu cette pensée un jour : si les vêtements font l'homme, je suis certainement un eunuque. Tous les habits que j'adorais me donnaient un air désespéré. Quelque temps après, alors que je portais un T-shirt des Breeders en traînant du côté de l'unité post-natale, j'ai essuyé toutes sortes de regards condescendants de la part des infirmières. Alors oui, si vous voulez qu'on vous prenne au sérieux en tant que futur papa, il faudra cesser de vous rendre à des rendez-vous importants habillé comme vous l'étiez pour la dernière édition du festival Solidays.

TOUT LE MONDE EST TERRIFIÉ
Mon mode de fonctionnement par défaut est le cynisme et le pessimisme. Dans ce contexte, difficile de rejoindre les fervents prédicateurs des joies de la parenté. Tailler sa route dans la jungle des accessoires pour enfant qui jalonnent désormais votre chemin est une tâche plutôt ardue. Tout le monde prétend que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes – en réalité, tous les nouveaux parents sont au bord de la dépression nerveuse. Si vous êtes un peu comme moi, vous serez le seul à élever votre voix pour vous plaindre : « Putain c'est super difficile, pourquoi personne ne m'avait prévenu ? »

Publicité

Mais ça me va très bien d'être cette personne. Tout le monde peut avoir ce sentiment – il est simplement question de savoir qui est le meilleur pour faire semblant. La terreur finit par passer. Boire de l'alcool peut aider.

RIEN SUR CETTE PLANÈTE NE PEUT VOUS PRÉPARER A L'ARRIVÉE DE VOTRE BÉBÉ
On sait tous à peu près ce que ça fait d'avoir un bébé. Tout le monde a au moins vu En cloque mode d'emploi, ou genre, Arizona Junior. Mais vous allez vite comprendre que chaque enfant est unique et que vous ne connaissez rien sur rien. Aucun film ne saurait vous donner un semblant de connaissance. L'accouchement de ma meuf s'est d'ailleurs très mal passé. Après neuf mois d'une grossesse normale, les choses ont commencé à se compliquer. Après avoir passé des jours à « travailler » dans la salle d'accouchement (où j'ai appris que mes nouveaux meilleurs amis portaient des noms comme « système de stimulation par électrode » ou « péthidine »), notre bébé a commencé par perdre de l'oxygène à un rythme alarmant.

L'alarme d'urgence s'est éteinte, une lumière a clignoté et ma femme a été transportée dans une salle d'opération. Soudain, tout était devenu trop réel. Trop bruyant. Elle était allongée sur la table d'opération, sous une lumière blafarde, avec au moins huit médecins autour d'elle. J'étais sans voix, littéralement terrifié et convaincu qu'ils allaient tous deux mourir. Une infirmière m'a pris la main et m'a guidé à un petit placard, avant de me demander de mettre une blouse. J'ai chopé le premier truc qui m'est passé sous la main : une blouse bleue XXL. J'avais l'air d'un enfant dans une blouse d'adulte au vu du contexte, c'était plutôt adéquat. Avant son anesthésie, ma femme m'a réconforté. Cherchez l'erreur, ai-je pensé. VOUS AUREZ L'IMPRESSION D'AVOIR LA PIRE GUEULE DE BOIS DE TOUS LES TEMPS
Vous vous rappelez de la fois où vous avez fait nuit blanche et que vous êtes allé au bureau à 7h du matin ? Vous risquez de vous effondrer quand vous vous remémorerez ces jours heureux, alors que votre énergie s'écoulera lentement et que votre corps ressemblera à une vieille cabane délabrée. Vous n'avez jamais été véritablement introduit à la fatigue.

Publicité

Une fois que vous ser ez père, vous commencerez à dire aux autres zombies que vous connaissez des trucs type : « C'était cool, j'ai pu dormir trois heures l'autre nuit . » Vous finissez par vous comporter comme un toxicomane – vous marmonnez, titubez et avez des hallucinations. Vous vous retrouvez à faire des fautes de langage grotesques (un jour, j'ai carrément oublié le mot « fromage »). Tout ce qui sort de votre bouche est un étrange haïku.

VOUS RESSEMBLEZ À UN TAS DE COMPOST
Être dérangé est une chose, mais votre nouvelle paternité est susceptible de vous rendre hideux. Vos standards vestimentaires se situent quelque part entre ceux d'un ancien prisonnier en phase de réinsertion et ceux de votre oncle bizarre qui vit dans une caravane. Vous devenez le type de vos pires cauchemars, celui qui attend avec impatience d'être en week-end pour aller à IKEA. Vous êtes constamment couvert de taches et vous sentez le vomi.

VOUS PENSEZ CONSTAMMENT AU CACA
On n'a pas encore beaucoup parlé des excréments, mais sachez que votre vie va prendre une drôle de tournure. Vous développerez une obsession pour la texture de la merde, sa couleur (mon image mentale des teintes de déjections ressemble à un nuancier de chez Mr. Bricolage), sa fréquence et son odeur. Qui sait, vous pourrez même commencer à apprécier son fumet. Voilà où vous en êtes. Tout ce que vous connaissiez est devenu un lointain souvenir. Vous vous rappelez de l'époque où vous pouviez parler de la conspiration hétéronormatitive des films de Michael Bay pendant des heures ? Hélas non, vous avez tout oublié, parce que vous ne pouvez même pas vous rappeler de ce qui est sorti de votre bouche il y a cinq minutes.

MAIS TOUT VA BIEN QUAND MÊME
Dans cette tornade de déjections et de larmes, il y a quand même votre bébé. Par le biais d'un darwinisme tordu, ce bébé pourrait réduire votre moral à zéro, mais il vous rappelle constamment que la situation est OK malgré tout. Même dans les profondeurs de la nuit, aux alentours de 3h57 du matin, sa beauté transcendera votre situation infernale. La paternité est le voyage le plus bizarre et le plus psychédélique que vous puissiez entreprendre. C'est comme si vous étiez frappé par la foudre – tous les jours.

Il existe un vrai cliché sur les bébés – vous n'aurez jamais ressenti une telle capacité à aimer. Cet amour vous rendra insignifiant, comme tout ce que vous avez pu faire au cours de votre vie. Plus rien ne comptera lorsque vous plongerez vos yeux dans ceux de votre bébé. Des yeux qui n'auraient pas existé si vous n'aviez plongé votre sexe dans celui de votre copine. Même dans les moments les plus pourris, quand vous changerez une énième couche ou que vous poserez un réhausseur sur le siège de vos toilettes, chaque situation présentera une sorte de pureté impeccable. Même lorsque vous vous ferez pisser dessus, comme c'est le cas pour moi en ce moment même.

Suivez Priya sur Twitter.